Monsieur le président, madame la rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, l'année commence plutôt bien pour les femmes : arrivée au pouvoir d'Angela Merkel en Allemagne, élection dimanche de Michelle Bachelet à la présidence du Chili, réélection prochaine de Tarja Halonen comme présidente de la Finlande, investiture hier d'Ellen Johnson-Sirleaf, nouvelle présidente du Liberia.
Ces réussites en matière de parité doivent nous inciter à poursuivre résolument notre action en faveur de l'accès toujours plus large des femmes aux responsabilités dans notre pays.
Alors que le Sénat aborde à son tour la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, le Parlement a déjà très substantiellement enrichi le texte. Seuls demeurent quelques points de désaccord portant sur la question du caractère sérieux et loyal des négociations, le report du terme du congé parental dans certaines conditions, et la question de la représentation des femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les comités d'entreprises et parmi les institutions représentatives du personnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les amendements que propose votre commission des affaires sociales devraient contribuer à rapprocher encore les points de vue.
Le texte auquel nous aboutissons apporte de nouveaux outils pour remédier avec plus d'efficacité aux inégalités de salaire qui subsistent entre les hommes et les femmes.
Pour la première fois, nous avons enfin un objectif chiffré de résultat et une obligation de mesurer l'exécution, qui sont tous deux doublés d'un délai impératif de cinq ans pour l'atteindre.
Nous laissons aux partenaires sociaux le soin de parvenir à cette égalité tout en instaurant des incitations très fortes à négocier. Après un premier bilan, nous instituerons une contribution financière assise sur la masse salariale pour les entreprises qui n'auront pas ouvert de négociations.
Au-delà de la discrimination pure et simple, le texte entend remédier aux causes structurelles des inégalités salariales que sont la formation des femmes et l'enclavement de l'emploi féminin, les pesanteurs et les habitudes qui bloquent leur accession aux postes de responsabilité, les difficultés à articuler vie professionnelle et vie parentale, et, enfin, le temps partiel subi.
Le projet de loi s'efforce d'apporter une réponse efficace à chacun de ses facteurs.
Parallèlement, à la suite de l'annonce de M. le Premier ministre avant-hier, le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre de cumuler un emploi à temps partiel avec un emploi en intérim.
En raison de la formation initiale et des choix d'orientation des femmes, l'emploi féminin est concentré dans dix des quatre-vingt-quatre familles professionnelles. Ces secteurs ne sont pas les plus porteurs d'avenir en termes d'emplois comme sur le plan technologique, ce qui explique, malheureusement, la persistance d'un « sur-chômage » féminin. Il s'agit également de secteurs où les salaires proposés sont en moyenne les plus faibles. En outre, 80 % des plus de 8 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC sont des femmes.
C'est pourquoi le désenclavement du travail des femmes est l'une de mes priorités. Le Gouvernement s'est engagé à diversifier les choix d'orientation scolaire et professionnelle des jeunes filles et à accroître la qualification des femmes. Ainsi, la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école prévoit d'augmenter de 20 % d'ici à 2010 la proportion de jeunes filles dans les séries scientifiques générales et technologiques.
Le 5 décembre dernier, j'ai rencontré les organisations patronales et les syndicats de salariés. Je leur ai proposé d'expérimenter des démarches innovantes d'insertion des femmes dans les branches professionnelles où elles sont encore peu nombreuses.
Ces rencontres vont se poursuivre.
Je veux profiter des difficultés de recrutement que rencontrent certains secteurs professionnels pour encourager les branches concernées à favoriser l'insertion des femmes sur le marché du travail et la mixité dans leurs entreprises.
Le projet de loi que nous examinons prévoit, quant à lui, une mesure importante puisqu'il demande aux régions, désormais pleinement compétentes en matière de formation professionnelle, de favoriser un accès équilibré des hommes et des femmes à chacune des filières de formation.
Je rappelle que le texte facilite aussi l'accès à la formation des femmes revenant d'un congé parental, lorsqu'elles sont amenées à changer d'emploi.
Une action volontariste est également nécessaire pour l'accès aux responsabilités puisque moins de 5 % des membres de conseil d'administration et moins de 10 % des dirigeants d'entreprises sont des femmes. Avec ce projet de loi, les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques devront comprendre au moins 20 % de femmes. De plus, une présence équilibrée des femmes et des hommes sera désormais assurée dans les comités d'entreprise comme pour les délégués du personnel. Le texte consolide également la place des femmes au sein des conseils de prud'hommes.
L'accès aux responsabilités, c'est aussi la possibilité d'être chef d'entreprise. C'est pourquoi je présenterai cette année un plan d'action visant à favoriser la création et la reprise d'entreprises par les femmes.
Nous disposons déjà d'un outil qui fonctionne bien, le Fonds de garantie pour la création, la reprise ou le développement d'entreprises à l'initiative des femmes. Nous lui avons apporté en 2005 une dotation complémentaire de 1, 5 million d'euros et nous faciliterons sa saisine sur l'ensemble du territoire.
Enfin, le projet de loi apporte des réponses concrètes pour remédier aux inégalités de salaire qui résultent de la parentalité. Chacun d'entre nous peut se réjouir aujourd'hui des bons chiffres de notre pays en matière de démographie. Nous savons tous que ces résultats dépendent également de notre capacité à accompagner la vie des mères de famille et de l'aide que nous pouvons leur apporter pour articuler vie professionnelle et vie familiale.
Ce texte permet de compenser l'effet de la maternité sur les rémunérations. Il attribue aux PME une aide favorisant le remplacement des salariées parties en congé de maternité. Il augmente de 10 % l'allocation de formation pour financer les frais supplémentaires de garde d'enfant. Il allonge le congé de maternité pour les mères de prématurés, et ce grâce à un amendement de votre assemblée auquel je suis très attachée.
Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'un effort important engagé par le Gouvernement depuis 2002 pour faciliter l'articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale des femmes.
Je rappellerai la réforme du congé parental ainsi que l'effort en faveur du développement des modes de garde, notamment grâce à la création en 2003 de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, au doublement du crédit d'impôt famille, et à la mise en service, depuis le 1er janvier 2006, du chèque-emploi-service universel, qui s'accompagnera du développement des enseignes nationales.
J'évoquerai enfin le temps partiel subi, qui constitue un autre facteur déterminant d'inégalité entre les hommes et les femmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pris des engagements devant votre assemblée, rappelant que ce problème touche principalement les femmes, qui représentent 82 % des travailleurs à temps partiel. Cela concerne une femme sur trois, contre un homme sur vingt. En outre, 46 % des femmes ayant un contrat à temps partiel souhaitent aujourd'hui travailler davantage.
Vous m'avez fait part, mesdames, messieurs les parlementaires, à chacune des lectures du texte, de votre vive préoccupation à ce sujet.
Le travail à temps partiel doit être conçu et organisé pour répondre pleinement aux attentes du salarié mais également à celles de l'entreprise.
Pour certains de nos concitoyens, quand il est choisi, le temps partiel offre la possibilité d'articuler judicieusement temps de vie personnelle et temps de vie professionnelle. Pour d'autres, en revanche, le temps partiel subi peut être source de précarité, de pauvreté, donc de difficultés. C'est particulièrement le cas lorsque le salarié cumule un emploi à temps partiel et une rémunération singulièrement faible.
Et que dire des femmes qui, à la suite d'un accident de la vie, passent de la situation plutôt confortable d'un temps partiel choisi à un temps partiel subi ?
Comme je m'y étais engagée devant vous le 12 juillet dernier, des mesures ont été prises et des discussions ouvertes.
Deux dispositions spécifiques ont été instaurées.
D'une part, en matière de droits à la retraite, un décret du mois de novembre 2005 permet aux employeurs de cotiser à taux plein pour leurs salariés employés à temps partiel.
D'autre part, pour éviter de créer un différentiel de coût du travail favorable au temps partiel, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit la suppression de l'abattement de 30 % sur le temps partiel pour les contrats en cours et non plus seulement pour les nouveaux contrats.
Dans le cadre du dialogue social, une dynamique de négociation s'est engagée.
Ainsi, dès le 24 juin dernier, une rencontre a été organisée avec les représentants patronaux des fédérations professionnelles des secteurs de la propreté, du commerce et de la grande distribution, de la sécurité et de l'hôtellerie-restauration. Au mois d'octobre, ils ont rendu un dossier détaillé sur leurs bonnes pratiques et leurs propositions. Actuellement, ils travaillent aux moyens de diffuser cette approche.
Le 27 juin dernier, M. Gérard Larcher a réuni la Commission nationale de la négociation collective. La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, y a présenté une étude approfondie sur le temps partiel.
Au cours de l'automne dernier, M. Gérard Larcher et moi-même avons rencontré les représentants salariés des fédérations professionnelles principalement concernées par le temps partiel, notamment la grande distribution et la propreté, où près de neuf salariés à temps partiel sur dix sont des femmes, et les hôtels, cafés, restaurants, où les trois quarts des salariés à temps partiel sont également des femmes.
À la fin du mois de novembre dernier, le Conseil économique et social m'a remis le rapport sur le temps partiel, qui confirme la situation que je viens d'évoquer.
La table ronde interprofessionnelle avec les organisations patronales et les syndicats de salariés qui s'est tenue le 5 décembre dernier a souligné que les dispositions relatives au temps partiel relevaient essentiellement de la négociation collective.
La diversité des situations rencontrées et des objectifs visés par les professionnels nécessite, en effet, de laisser la plus grande place à cette négociation.
À nous cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, d'encourager la généralisation des pratiques exemplaires en matière d'organisation du travail, d'amplitudes horaires, de transports, de modes de garde, d'évolution professionnelle ou de formation.
Par ailleurs, de nouvelles étapes sont d'ores et déjà prévues.
Ainsi, le 31 janvier prochain, la fédération de la grande distribution alimentaire engagera une négociation sur l'égalité professionnelle, y compris sur la question du temps partiel.
Qui plus est, le 7 février prochain, avec M. Gérard Larcher, je rencontrerai de nouveau les fédérations professionnelles dans une configuration élargie au secteur de la santé et de l'action sociale.
Le mouvement est donc enclenché.
Par ailleurs, lors de l'examen en deuxième lecture du texte à l'Assemblée nationale, le 12 décembre dernier, le Gouvernement a proposé une disposition - qui a été adoptée - visant à inclure le thème du temps partiel dans le champ des négociations obligatoires de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle.
Enfin, pour permettre aux salariés à temps partiel de travailler davantage, M. le Premier ministre a annoncé avant-hier que les salariés pourront désormais avoir accès à l'intérim quel que soit leur contrat.
Les femmes pourront ainsi accroître leurs revenus, enrichir leurs expériences et augmenter leurs opportunités d'emploi futur, notamment dans le cas où elles souhaiteraient une réorientation professionnelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a engagé une action globale et approfondie pour favoriser un traitement égal des femmes et des hommes dans tous les aspects de la formation, de la vie professionnelle et de l'emploi.
Comme je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, j'ai la conviction profonde que, en agissant ainsi de concert sur l'ensemble des sujets qui touchent à l'emploi des femmes, nous réussirons enfin à briser ce plafond de verre si bien décrit par Yamina Benguigui, nous parviendrons à établir cette égalité professionnelle qui, à l'avenir, comptera comme l'une des grandes étapes de l'approfondissement de notre modèle républicain.