Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes nous revient en deuxième lecture, modifié par une trentaine d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
Dix-sept articles restent en discussion, dix articles ayant été adoptés conformes par l'une ou l'autre des assemblées depuis le début de la discussion parlementaire.
C'est dire que, sur un sujet et sur un objectif parfaitement consensuels, les réglages ne sont pas simples.
Sur l'égalité salariale, il existe un très large consensus non seulement entre les deux assemblés mais également sur l'ensemble des travées de chacune d'elles. À tous, il apparaît nécessaire de progresser sensiblement.
En effet, l'égalité est encore loin d'être effective.
Un rapport de l'INSEE a rappelé que l'écart des salaires s'établissait, en 1997, à environ 27 % au profit des hommes.
À cet égard, personne n'est exempt de tout reproche, mes chers collègues. Un rapport récent du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale indique que les femmes, qui représentent 59, 3 % des effectifs de la fonction publique territoriale, gagnent en moyenne 14 % de moins que les hommes, et que, si elles représentent 56, 6 % des agents de catégorie A, elles ne fournissent que 17 % des emplois de direction.
Cette information achèvera, si besoin est, de nous convaincre que le chemin de l'égalité est compliqué à tracer. De fait, pour l'ensemble des salariés, les discriminations proprement dites ne représentent qu'environ 5 % de l'écart, le reste étant la conséquence de phénomènes difficiles à appréhender, à corriger et, éventuellement, à réprimer.
C'est notamment le cas du travail à temps partiel subi. C'est aussi le cas des pressions sociologiques et culturelles qui orientent encore trop souvent les femmes vers des métiers peu attractifs, à faible qualification et mal rémunérés.
D'où la palette diversifiée des mesures inscrites dans le projet de loi. Celui-ci ne pouvait traiter uniquement de l'égalité salariale au sens étroit du terme, il était indispensable d'aborder des aspects plus larges et plus diffus, déterminants pour l'évolution des écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes.
En fonction de cette approche, le Sénat avait tenté en première lecture de conjuguer volontarisme et réalisme dans un domaine où il peut être tentant, pour faire avancer les choses, de confondre volontarisme et schématisme. La commission des affaires sociales vous propose d'aborder la deuxième lecture dans le même esprit.
Je vais résumer la situation en reprenant les cinq axes de modification du projet de loi que nous avions, me semble-t-il, retenus en première lecture.
Premier axe, nous avions souhaité élargir le champ du projet de loi.
Afin de mieux articuler activité professionnelle et vie personnelle ou familiale, nous avions ainsi assimilé au congé de maternité la période d'absence de la mère due à un état pathologique résultant de la grossesse ou de l'accouchement. Nous avions aussi prévu d'indemniser l'allongement du congé de maternité dans le cas de l'hospitalisation d'un enfant prématuré. Nous avions enfin prolongé la durée du congé parental de six mois au maximum, au-delà des trois ans de l'enfant, dans le cas où il est impossible de l'inscrire dans une école maternelle ou de trouver une autre solution de garde.
Notre deuxième axe concernait le renforcement de la portée de certaines dispositions du projet de loi.
Nous avions prévu, en particulier, que le crédit d'impôt famille bénéficierait aux entreprises formant de nouveaux salariés licenciés, et non pas seulement des salariés démissionnaires, pendant un congé parental d'éducation, à condition que la formation débute dans les trois mois suivant l'embauche.
Nous avions également proposé que la période d'absence pour cause de congé de présence parentale ou de congé parental d'éducation soit prise en compte pour le calcul du droit individuel à la formation.
Troisième axe, le Sénat avait précisé la portée juridique de certaines dispositions du projet de loi afin de faciliter l'application du texte et de prévenir les contentieux.
Ainsi, nous avions précisé la notion de rémunération devant être majorée au retour du congé de maternité ou d'adoption. Nous avions également prévu l'exigence d'un certificat médical informant l'employeur de la grossesse pour ouvrir le bénéfice de la protection contre la discrimination en raison de cet état. Nous avions précisé quelles entreprises non couvertes par l'obligation de négocier annuellement les salaires effectifs seraient soumises à des objectifs d'égalité professionnelle. Nous avions supprimé l'exigence superfétatoire de négocier, de façon « sérieuse et loyale » les accords relatifs à la suppression des écarts de rémunération. Enfin, nous avions précisé que les écarts de rémunération justifiés n'ont pas à être pris en compte dans le cadre des négociations d'entreprise sur les salaires effectifs.
Quatrième axe, le Sénat avait simplifié et rationalisé les procédures instituées par le projet de loi.
Nous avions ainsi prévu que les accords de branche ou d'entreprise sur l'égalité salariale en cours d'application ne seraient renégociés selon les dispositions du projet de loi qu'après leur expiration et nous avions simplifié la procédure d'évaluation à mi-parcours des résultats des négociations de branche ou d'entreprise sur l'égalité salariale.
Cinquième axe, le Sénat avait assoupli la formulation de certains objectifs définis par le projet de loi.
Nous avions ainsi redéfini les moyens d'aller vers la parité dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les comités d'entreprise et parmi les délégués du personnel. Nous avions fait de même en ce qui concerne les objectifs assignés aux régions en matière de parité entre les hommes et les femmes, dans l'exercice de leur compétence dans le domaine de la formation.
Où en sommes-nous après la deuxième lecture au Palais-Bourbon ?
L'Assemblée nationale a introduit quelques éléments nouveaux dans le texte, a retenu certaines de nos propositions, en a rejeté d'autres, avec des arguments parfois solides et convaincants, mais parfois aussi avec des arguments excessivement elliptiques.
Les points d'accord qui me paraissent désormais acquis entre les deux assemblées sont significatifs.
L'Assemblée nationale a retenu certaines de nos propositions, relativement modestes mais certainement utiles. Il s'agit, d'une part, de la participation des comités consulaires à la sensibilisation des entreprises en matière d'égalité salariale. Il s'agit, d'autre part, de la participation du service du droit des femmes au service public de l'emploi.
L'Assemblée nationale a aussi adopté, en le complétant très opportunément sur la proposition du Gouvernement, le dispositif relatif à l'indemnisation du congé de maternité prolongé en raison de l'hospitalisation de l'enfant né prématuré. Cette disposition est en discussion depuis plusieurs mois et le problème n'est pas encore entièrement réglé à la suite de la récente décision du Conseil constitutionnel portant sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Un amendement déposé par le Gouvernement sera l'occasion de faire le point sur la mise en oeuvre de cette indemnisation.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a commencé à combler, toujours très opportunément, la principale lacune de ce texte, en incluant la problématique du temps partiel dans les négociations obligatoires de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle.