Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à plusieurs reprises, le législateur a voulu s'attaquer à la réduction des inégalités entre hommes et femmes, notamment en termes de salaire. Pour autant, si, sur de nombreux points, l'égalité a pu progresser, cet effort a débouché sur un échec en matière de rémunérations professionnelles. En effet, les négociations annuelles obligatoires sur l'égalité que devaient mener les partenaires sociaux n'ont pas abouti à des résultats concrets, sauf exception.
Pourtant, les chiffres témoignent de la nécessité de faire évoluer la situation. D'après l'INSEE, si l'activité féminine est en constante augmentation depuis les années soixante-dix, l'emploi féminin concentre en 2003 les quatre cinquièmes des bas salaires, des temps partiels et des emplois non qualifiés. Cela est d'autant plus paradoxal que les filles sont, statistiquement, meilleures élèves en classe et plus souvent bachelières que les garçons.
Ainsi, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes sont estimés à 25 % et demeurent, à concurrence de près de 15 %, totalement « inexplicables » !
En outre, plus de 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes, et le montant moyen de la pension de retraite des femmes est inférieur de près de 50 % à celui des hommes.
Enfin, 9, 1 % seulement des dirigeants d'entreprise du rang de P-DG sont des femmes, 13 % seulement des emplois supérieurs de la fonction publique laissés à la discrétion du Gouvernement sont occupés par des femmes, lesquelles représentent moins de 5 % des effectifs des conseils d'administration des entreprises.
De manière générale, les entreprises évoluent et font des efforts. Elles travaillent à la fois sur la gestion des carrières des femmes, afin que celles-ci puissent, au vu de leurs compétences, accéder à des postes de responsabilité, et sur la conciliation des temps de vie, en aménageant des horaires qui n'obligent pas les femmes à rester tard le soir pour assister à des réunions qui auraient pu se tenir dans la journée et en créant des crèches d'entreprise qui leur permettent de ne pas s'absenter lorsqu'elles n'ont pas de solution de garde pour leurs enfants.
Il n'est pas tolérable que certains salariés en arrivent à faire dormir leurs enfants dans leur voiture sur le parking de l'entreprise, de 4 heures à 8 heures du matin, faute de mode de garde adapté.
Même si les mentalités évoluent et même si les femmes diplômées accèdent de plus en plus à certains postes à responsabilités, elles progressent malgré tout moins vite, n'accédant pas au plus haut niveau de responsabilité. Elles ne sont que 7 % parmi les cadres dirigeants, alors qu'elles constituent près du tiers des cadres administratifs et commerciaux. À peine une femme sur dix est un haut dirigeant dans les entreprises françaises, selon un rapport du Conseil économique et social paru en 2000.
Compte tenu de la lenteur des progrès réalisés, de l'insuffisante application de la loi du 9 mai 2001, nous n'avons d'autre choix que de mettre en place des mesures plus contraignantes. C'est en cela que le texte que nous étudions aujourd'hui est original : il laisse place à la fois à la confiance accordée aux partenaires sociaux et à l'intervention nécessaire de l'État.
Ce nouveau projet de loi que nous examinons en deuxième lecture, madame la ministre, relève ce défi en fixant comme objectif la suppression en cinq ans des écarts de rémunération et de progression salariale entre les femmes et les hommes. Il lance un appel fort en direction des entreprises et des partenaires sociaux pour que le fait d'être une femme ne soit plus un handicap. Toutes les études démontrent que les femmes sont une richesse pour les entreprises et pour la société en général.
Les principaux facteurs de discrimination des femmes sont les conséquences de la maternité, le niveau de formation, l'organisation du temps de travail, mais également, trop souvent, la tradition qui fait que les postes les plus qualifiés, donc les mieux rémunérés, sont occupés par les hommes.
Ce texte s'appuie sur l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, signé en mars 2004 par les partenaires sociaux. Il prévoit, par la relance de la négociation collective au niveau des entreprises et des branches, de supprimer, d'ici à cinq ans, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes.
Une conférence nationale sera organisée d'ici à trois ans afin de tirer le bilan de l'ensemble des négociations En cas d'absence d'évolution, des sanctions pourront pénaliser les entreprises récalcitrantes. En la matière, la rédaction proposée par la commission nous satisfait pleinement.
Ce texte prévoit également de neutraliser les effets financiers du congé de maternité en faisant bénéficier toute salariée revenant dans l'entreprise de l'augmentation générale des salaires et de la moyenne des augmentations individuelles au sein de sa catégorie. Le Sénat a beaucoup amélioré la rédaction de cet article pour le rendre plus efficace.
De plus, une aide financière forfaitaire sera accordée aux petites entreprises de moins de cinquante salariés qui souhaitent procéder au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption.
Par ailleurs, la formation et surtout l'orientation doivent jouer un rôle majeur dans l'objectif d'égalité salariale, même si la progression du nombre de jeunes filles diplômées est spectaculaire depuis vingt ans. Toutefois, les femmes représentent 76, 4 % des effectifs dans les filières littéraires et 27, 8 % dans les filières scientifiques, mieux rémunérées. Le plan régional de développement des formations professionnelles devra ainsi assurer une présence équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières de formation.
Les partenaires sociaux de la branche concernée auront la possibilité de prévoir une majoration de l'allocation de formation de 10 % au moins pour le salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant afin de suivre une formation en dehors de son temps de travail.
Le crédit d'impôt famille sera étendu en faveur des entreprises qui engagent des dépenses pour assurer la formation de salariés recrutés à la suite d'une démission pendant un congé parental d'éducation.
Enfin, ce texte veut promouvoir l'accès des femmes aux postes à responsabilités et développer l'accès des jeunes filles à l'apprentissage en les orientant vers des métiers traditionnellement réservés aux hommes. Notre pays doit attirer davantage de jeunes femmes vers les métiers scientifiques et valoriser leur carrière.
Un autre facteur d'inégalité salariale réside dans le travail à temps partiel plus ou moins subi et qui touche 29, 8 % des femmes actives, contre 5, 4 % des hommes, selon une enquête de l'INSEE de 2003.
Le travail à temps partiel doit être conçu et organisé pour répondre pleinement aux attentes de l'entreprise et du salarié. Il offre des conditions d'emploi variées qui peuvent satisfaire les aspirations diverses de nos concitoyens. Mais pour celles et ceux qui ont une faible rémunération, cela rime avec précarité.
L'action qui doit être menée relève essentiellement de la négociation collective.
L'Assemblée nationale a fort opportunément intégré cette problématique du temps partiel dans les négociations obligatoires de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle.
Par ailleurs, nous savons que d'ores et déjà certaines mesures ont été prises par le Gouvernement et nous nous en félicitons.
Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, s'agissant des droits à la retraite, un décret de novembre 2005 permet aux employeurs de cotiser à taux plein pour leurs salariés à temps partiel. Et en matière de coût du travail, pour éviter de créer un différentiel trop favorable au temps partiel, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit la suppression de l'abattement de 30 % sur le temps partiel pour les contrats en cours, et non plus seulement pour les nouveaux contrats.
Des négociations ont été engagées avec des représentants patronaux de grandes fédérations professionnelles. Nous aurions souhaité en savoir plus sur le résultat de ces rencontres et sur le calendrier des actions qui pourraient être entreprises dans les prochains mois.
Les mesures consacrées à l'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles comprennent, à l'issue de la lecture devant l'Assemblée nationale, des objectifs chiffrés destinés à favoriser d'une manière volontariste la présence des femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués des comités d'entreprise, ainsi que dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués du personnel. Sur l'ensemble de ces mesures, le Sénat avait préféré, en première lecture, des rédactions plus souples n'incluant pas d'objectifs chiffrés, jugés hors de portée. Nous ne pouvons donc qu'approuver la position adoptée par la commission en la matière.
Je souhaite enfin profiter de cette occasion pour remercier notre collègue Esther Sittler du travail précis et exhaustif qu'elle a accompli sur ce texte et des propositions dont elle a pris l'initiative et qui sont venues enrichir le texte tout au long de nos débats.
Ce projet de loi, tant pour les mesures favorables à l'adéquation entre la vie familiale et la vie professionnelle que pour le volontarisme fort dont il fait preuve dans le domaine de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, constitue une avancée sociale incontestable et le groupe UMP, dans son ensemble, le votera sans hésitation.