Monsieur le président, madame la ministre déléguée, madame le rapporteur, mes chers collègues, depuis l'examen en première lecture du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, les chiffres ont largement été évoqués pour rappeler l'impérieuse nécessité de remédier aux inégalités qui frappent les femmes dans le monde du travail, notamment en termes de salaire. Je ne reviendrai donc ni sur les chiffres nationaux ni sur les enjeux ou les objectifs du texte que vous nous présentez, madame la ministre déléguée : nous les connaissons tous et nous reconnaissons votre volonté de vous attaquer à ces inégalités, qui sont contraires aux valeurs de la République.
Le retard s'est en effet accumulé malgré les lois successives, je le constate régulièrement dans ma région, où les femmes sont les premières touchées par les inégalités au travail. Ainsi, une femme cadre en Haute-Normandie perçoit, sur un an, 11 200 euros de moins qu'un homme qui occupe le même poste, soit un écart de 30 %.
Pourquoi un tel écart ? Si je peux admettre que les femmes négocient moins bien leur salaire que les hommes, cela ne peut tout expliquer ! Rien en tout cas ne le justifie. Concevrait-on qu'une sénatrice perçoive une indemnité inférieure à celle d'un sénateur ?
Le projet de loi a fixé un objectif de résultat, assorti d'un délai impératif. Au groupe UC-UDF, nous y sommes favorables, mais, comme j'ai eu l'occasion de le dire en première lecture, il nous semble que vous n'allez pas assez loin, madame la ministre déléguée. Une loi de plus, sans mécanisme coercitif, parviendra-t-elle enfin à résorber l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes ? Nous en doutons puisque les précédentes lois n'y sont pas parvenues. Il vaut certes mieux convaincre que contraindre, mais cela fait près de cinq ans que l'on tente de convaincre, et sans grand résultat.
Alors, si l'on décide de recourir une énième fois à la loi, que ce soit une fois pour toutes, en prévoyant dans ce texte ce qui manquait aux précédents ! Je déposerai donc de nouveau un amendement tendant à inscrire dans le projet de loi une contribution assise sur les salaires, applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'engagement de négociations prévu.
Mais, afin de laisser une dernière chance à la négociation et pour éviter d'avoir à revenir devant la représentation nationale dans deux ans et demi, comme cela est prévu par le projet de loi, je proposerai que la contribution s'applique à l'échéance du délai de cinq ans accordé pour la négociation. La feuille de route pour les partenaires sociaux serait alors ambitieuse, mais claire.
Je voudrais maintenant évoquer trois problèmes qui me paraissent tout aussi préoccupants que les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, et auxquels le projet de loi ne répond pas, ou imparfaitement : le temps partiel subi, la situation des femmes issues de l'immigration et l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale.
Nous avons tous déjà beaucoup insisté sur le problème que constitue le temps partiel subi par nombre de femmes qui n'ont d'autre choix que de l'accepter, faute de mieux. Les chiffres témoignent, encore une fois, de la nécessité de s'attaquer pleinement à ce phénomène, source de précarité, mais aussi d'inégalités salariales. C'est pourquoi je défendrai de nouveau un amendement tendant à prévoir que les salariés à temps partiel bénéficient en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps complet qui se libèrent dans leur entreprise.
L'Assemblée nationale a déjà enrichi le projet de loi, en prévoyant que les négociations obligatoires de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle doivent prendre en compte la problématique du temps partiel. On ne saurait cependant se satisfaire de cette seule avancée. Pouvez-vous nous dire où en sont les discussions, madame la ministre déléguée, et nous indiquer les futures étapes ?
La situation des femmes issues de l'immigration mérite également que l'on s'y arrête quelques instants. Fortement touchées par le temps partiel - environ 40 % des femmes issues de l'immigration ayant une formation de l'enseignement supérieur accèdent à l'emploi à temps partiel, contre 22 % pour les femmes d'origine Française - les femmes immigrées sont doublement victimes de discriminations, en tant que femmes et en tant qu'immigrées, et ont le plus grand mal à s'intégrer dans le monde professionnel, comme l'a très justement pointé le rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, publié le 7 décembre dernier. Il nous faut donc être extrêmement vigilants et ne pas sous-estimer cette question.
Enfin, préoccupation de beaucoup de femmes actives aujourd'hui, au-delà des écarts de salaires, j'évoquerai l'articulation entre la vie privée et la vie familiale. Je vois trop de femmes autour de moi qui ont de grandes difficultés à concilier travail et vie de famille, notamment quand elles ont des horaires décalés, fractionnés ou un poste à responsabilité. En tant que femmes politiques, pour celles d'entre nous qui ont une charge de famille, nous le vivons au quotidien, et nous savons combien on peut être amené à négliger sa famille quand on est pleinement absorbé par son travail.
Or les femmes aujourd'hui ne veulent plus avoir à choisir entre leur carrière et leur famille. Nombre d'entre elles n'ont d'ailleurs pas le choix et doivent exercer un métier pour gagner leur vie. Plusieurs mesures du projet de loi ont pour objet de faciliter cette articulation, qu'il s'agisse de l'aide financière pour les petites entreprises qui souhaitent procéder au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption ou de l'extension du crédit d'impôt famille ou encore de l'allongement du congé maternité pour les mères de prématurés. On ne peut qu'accueillir avec enthousiasme ces mesures, mais il nous faut poursuivre la réflexion pour donner aux femmes les moyens de concilier encore mieux vie professionnelle et vie familiale.
Au mois de novembre dernier, une quarantaine de Rouennaises, lors d'une visite du Sénat, m'ont longuement fait part de leurs préoccupations, notamment en ce qui concerne la garde des enfants pour celles qui travaillent. Alors que l'on constate la multiplication du nombre de familles monoparentales, la situation des femmes est nécessairement fragilisée ; la garde des enfants en bas âge constitue un réel souci pour nombre de celles qui élèvent seules leurs enfants. Il y aurait donc une réflexion à mener sur la diversification et l'adaptabilité des services d'accueil des enfants, afin de permettre aux femmes de trouver la formule de garde qui corresponde à leurs contraintes professionnelles.
L'organisation de la vie des femmes est une question transversale qui doit être abordée à chaque fois que cela est possible. À cet égard, la loi sur l'école n'a pas pris en compte la problématique de la petite enfance, et ce alors même que la question avait été largement soulevée. Je le regrette.
Alors que deux femmes viennent d'être élues présidentes dans deux pays du Sud, le Liberia et le Chili, il paraît incongru que la France ne soit pas plus en avance en matière de parité tant politique que professionnelle.