Intervention de Aliza Bin-Noun

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 janvier 2017 à 9h50
Audition de s.e Mme Aliza Bin-noun ambassadeur d'israël en france

Aliza Bin-Noun, ambassadeur d'Israël en France :

Merci pour votre invitation : c'est la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer devant votre commission. J'apprécie toujours les rencontres avec les élus français car elles permettent de diffuser les positions israéliennes.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, est venu en Israël il y a quinze jours alors que se déroulait la conférence annuelle des ambassadeurs : cette visite a été très appréciée. Votre président a notamment déclaré qu'il voulait renforcer les liens entre la Knesset et le Sénat : c'est une très bonne initiative et nous veillerons à la mettre en oeuvre.

Je me félicite des excellentes relations entre la France et Israël : nous sommes des pays amis qui partageons les mêmes valeurs et, hélas, les mêmes menaces. Depuis un peu plus d'un an, la coopération entre les services de sécurité s'est renforcée entre nos deux pays. Notre ambassade travaille aussi beaucoup en matière de coopération économique. Vous avez envoyé en Israël des délégations pour étudier le modèle de start-up nation. Il y a près d'un an, nous avons organisé les journées de l'innovation. De même, nous avons de très bonnes relations en matière culturelle : l'année prochaine, nous aurons une Année croisée entre nos deux pays. Ces manifestations ont été décidées à l'occasion de la visite du président Hollande en Israël il y a quatre ans. N'oublions pas non plus les bonnes relations entre les représentants de la société civile.

En revanche, en ce qui concerne les relations israélo-palestiniennes, nous sommes d'accord que nous ne sommes pas d'accord... J'en viens donc à la Conférence de Paris. La position israélienne était connue de longue date : le Premier ministre Netanyahou a dit, il y a un an lorsque la France a évoqué cette initiative, qu'il rejetait cette Conférence car seul un dialogue direct entre Israël et les Palestiniens pouvait résoudre les difficultés. Cette année, nous fêterons les 40 ans de l'accord de paix entre Israël et l'Égypte. La Nation israélienne souhaite la paix, en témoigne cet accord de paix, mais aussi celui signé avec la Jordanie. Souvenons-nous qu'Israël est le seul pays démocratique au Moyen-Orient : à ce titre, il est attaché aux valeurs de la paix. Mais pour résoudre les problèmes que tout le monde connaît depuis bien longtemps, il faut un dialogue direct. Depuis deux ans, M. Netanyahou a tendu la main à M. Abbas et il a dit à plusieurs reprises qu'il était prêt à le rencontrer, que ce soit à Jérusalem, à Ramallah, à Paris, où ailleurs.

Malheureusement, Israël n'a pas de bons souvenirs lorsque la communauté internationale s'est immiscée dans le processus de paix. En témoignent les deux résolutions négatives de l'Unesco votées il y a quelques mois et la résolution adoptée par l'ONU il y a trois semaines, qui a été rejetée par les Israéliens. Mêmes remarques sur les quelque 70 résolutions votées contre Israël par le Conseil des droits de l'Homme de Genève, comme si Israël était la grande menace pour la sécurité du monde.

Or, notre histoire démontre que l'on peut parvenir à la paix et modifier les relations avec nos voisins, comme en témoignent les excellentes coopérations que nous entretenons avec l'Égypte et la Jordanie, notamment en matière de sécurité.

Lorsque M. Abbas refuse systématiquement de venir s'asseoir à la table des négociations, nous ne pouvons le considérer comme un partenaire fiable.

Certes, on pourrait nous reprocher de ne pas accepter les conditions préalables posées par M. Abbas. Quelles sont-elles ? La première condition est la libération des terroristes emprisonnés en Israël, à la suite d'attentats commis dans notre pays et qui se sont traduits par des morts israéliens. Cette condition est inacceptable. Deuxième condition : l'arrêt des constructions en Cisjordanie. Mais Israël a gelé les constructions pendant neuf mois en 2010 et M. Netanyahou a demandé à M. Abbas d'ouvrir les discussions ; or ce dernier a refusé. Six ans après, la situation reste inchangée et il n'est pas envisageable d'arrêter les constructions si aucune discussion n'a lieu entre les deux parties. Je ne comprends pas pourquoi la communauté internationale ne demande pas à M. Abbas d'accepter des pourparlers de paix. Pourquoi est-ce toujours Israël qui est mise sous pression ? En tant qu'Israélienne, j'ai beaucoup de mal à le comprendre. On a le sentiment que M. Abbas attend de la communauté internationale qu'elle fasse pression sur Israël pour accepter ses conditions. Ce n'est pas acceptable. Nous avons déjà accepté des concessions territoriales très douloureuses : il y a onze ans, Israël s'est retiré de la bande de Gaza, où 10 000 Israéliens vivaient depuis des décennies. Le Gouvernement Sharon a décidé le retrait, en espérant aboutir à un accord de paix. Malheureusement, depuis 2005, nous avons connu trois conflits armés avec la bande de Gaza, qui refuse de reconnaître l'existence d'Israël.

Les implantations - ce que vous appelez les colonies - restent sur la table des négociations. Mais ce qui nous pose problème, c'est que les Palestiniens refusent d'accepter Israël comme l'État du peuple juif. Les négociations qui se sont déroulées durant toutes ces années ont échoué non pas à cause des implantations mais de ce refus de reconnaître la Nation juive. Je vous renvoie aux négociations du Camp David ou d'Annapolis, en 2007 : Israël était prêt à de grandes concessions mais les Palestiniens devaient accepter Israël comme pays juif -l'Etat du peuple juif-, ce qu'ils ont refusé. La population israélienne considère donc qu'il n'y a pas de partenaire pour discuter de la paix, d'autant que l'incitation à la haine contre Israël perdure. Il y avait beaucoup d'attentats terroristes il y a un an et il y a quinze jours, un camion a tué quatre jeunes gens. Or M. Abbas n'a pas condamné cet attentat, pas plus qu'il n'a condamné les précédents. Tout au contraire, il rend visite aux familles des terroristes, les soutient financièrement et donne leur noms à des rues. Comment voulez-vous que les Israéliens réagissent !

Je comprends que la France veuille faire avancer la paix, mais le message a été brouillé avec la Conférence de Paris : la paix s'éloigne lorsqu'on encourage les Palestiniens à ne pas discuter directement avec Israël. On ne peut continuer à inciter les Palestiniens à espérer que la communauté internationale fasse pression sur Israël.

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