C'est un honneur pour moi de m'exprimer devant la commission des affaires étrangères du Sénat et de me trouver dans cette maison, symbole de la démocratie française et de ses valeurs universelles. Je vous remercie de votre invitation, et j'en profite pour adresser, au nom de la Palestine et de son peuple, mes meilleurs voeux pour la nouvelle année 2017 à la France, au peuple français ami et à votre honorable assemblée.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la tenue à Paris le 15 janvier de la conférence pour la paix au Proche-Orient, à laquelle ont participé soixante-dix États et cinq des plus importantes organisations internationales, dans le cadre de l'initiative française lancée au début de l'année dernière, l'objectif étant de mobiliser le soutien international pour établir la paix et préserver la solution de deux États. Si la France avait ouvert la porte à d'autres pays, tous les membres de l'assemblée générale des Nations unies auraient été présents. La réussite de cette conférence vient après celle de la COP 21, qui a réuni 150 chefs d'États et de gouvernement.
Nous remercions le président François Hollande, le gouvernement et le peuple français ami d'avoir accueilli et organisé cette conférence et d'avoir déployé de grands efforts pour qu'elle soit une réussite et que son issue soit honorable. La paix n'est pas une nécessité pour le seul peuple palestinien, elle l'est aussi pour le peuple israélien, pour toute la région et pour le monde entier.
Cette conférence a marqué l'adhésion de l'ensemble des participants représentant la communauté internationale à la solution des deux États et à la nécessité d'agir ensemble pour parvenir à la paix, à la sécurité et à la stabilité pour tous. La conférence a également appelé « chaque partie à manifester, de manière indépendante, par des politiques et des actions, un engagement sincère en faveur de la solution des deux États et à s'abstenir d'actions unilatérales qui préjugeraient de l'issue des négociations sur les questions liées au statut final, en particulier concernant entre autres Jérusalem, les frontières, la sécurité et les réfugiés, actions unilatérales qu'ils ne reconnaîtront pas ».
Elle a aussi rappelé l'urgence de « prendre les mesures nécessaires pour trouver une solution à la situation humanitaire dramatique dans la bande de Gaza », assiégée depuis plus de dix ans. Enfin, elle a souligné l'importance de l'initiative arabe de paix comme cadre intégral pour la résolution du conflit israélo-arabe.
Je tiens également à remercier chaleureusement la France pour son vote au Conseil de sécurité de l'ONU le 23 décembre dernier en faveur de la résolution 2334. Cette résolution, votée à l'unanimité, a pour but principal de préserver la solution des deux États. Elle « affirme que la construction par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucun fondement en droit et doit cesser immédiatement ». Elle réaffirme en outre le principe de la légalité internationale et demande à tous les États, et c'est très important, « de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l'État d'Israël et les territoires occupés depuis 1967, et de condamner toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé. »
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la résolution du Conseil de sécurité et la déclaration de Paris interviennent à un moment où il est urgent d'agir ensemble contre une colonisation qui anéantit la solution des deux États et contre la radicalisation dans l'ensemble de la région, celle des groupes extrémistes comme celle des colons israéliens.
En réponse à tout cela, le ministre des affaires étrangères de la France, Jean-Marc Ayrault, a rappelé il y a quelques jours que « le conflit israélo-palestinien ne peut pas être considéré séparément de son environnement régional », que « penser que le Moyen-Orient pourrait rétablir sa stabilité sans régler le plus ancien conflit est irréaliste » et que « si le conflit n'est pas traité, il continuera à alimenter la frustration et le cercle vicieux de la violence et de la radicalisation ».
À cet égard, la volonté de la prochaine administration américaine de transférer l'ambassade américaine est en contradiction avec le statut de Jérusalem-Est, qui est un territoire palestinien occupé. Ce transfert constituerait une violation du droit international. Il attiserait les tensions, anéantirait les efforts de paix, accroîtrait l'extrémisme et heurterait les sensibilités de tous les croyants à travers le monde, notre crainte étant que le conflit politique ne devienne un conflit religieux. Jérusalem est pour nous une ville de paix et de tolérance. Nous voulons qu'elle demeure toujours ouverte à tous les croyants et à toutes les religions monothéistes et qu'elle reste un modèle de coexistence pacifique. Telle est notre position.
En marge de la conférence, le ministre français des affaires étrangères a qualifié de provocation lourde de conséquences ce potentiel transfert. En référence à l'intention américaine, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a mis en garde ce lundi contre toute « action unilatérale ».
Il est urgent d'envoyer un message fort et clair à l'administration américaine et de la mettre en garde contre un tel acte, qui aurait pour conséquence de réduire à néant la solution des deux États et de mettre la région à feu et à sang.
À cet effet, la direction palestinienne et le leadership palestinien se joignent à ces appels et mettent en garde l'ensemble de la communauté internationale contre une telle action. Le cas échéant, la direction de l'OLP sera obligée de prendre plusieurs mesures, y compris de revoir la reconnaissance de l'État d'Israël, laquelle n'est pas une carte ouverte pour toujours.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'État de Palestine respecte le droit international, les résolutions de légitimité internationale, l'intégralité de la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies et du communiqué final de la conférence de Paris. L'État de Palestine est disposé à reprendre des négociations significatives sur toutes les questions relatives au statut final pour instaurer une paix globale et durable, dans le cadre d'un mécanisme international et d'un calendrier défini selon les références internationales, les principes de Madrid, l'initiative arabe de paix, la résolution du Conseil de sécurité 2334 et la déclaration de Paris.
Après vingt-trois ans de négociations directes, et alors que cela fait plus de quarante ans que nous sommes en négociation, nous assistons à l'échec d'une stratégie de négociation dépourvue de couverture internationale, d'un cadre prédéfini déterminant les résultats escomptés, d'un calendrier suivi et de l'obligation pour toutes les parties de remplir leurs obligations.
La Palestine, déterminée à parvenir à une solution de paix fondée sur deux États, a fait des concessions historiques. Or, depuis la signature des accords d'Oslo, la droite israélienne et les gouvernements qui se sont succédé à la tête d'Israël n'ont pas ménagé leurs efforts pour enterrer les accords de paix et la solution des deux États en poursuivant l'occupation et la colonisation. Tout récemment, le ministre israélien de l'éducation, Naftali Bennett, s'est félicité de l'élection de Donald Trump en déclarant que « l'époque d'un État palestinien était révolue ». Une telle déclaration doit susciter une indignation collective et appelle une action urgente.
En rejetant toute initiative internationale visant à relancer un processus de paix crédible, Israël tente inlassablement de priver les futures négociations d'une garantie internationale et de nous plonger dans un nouveau cycle de négociations sans fin afin de disposer du temps nécessaire pour imposer ses plans de colonisation sur le terrain et de signer l'acte de décès de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de négocier de nouveaux accords, ne serait-il pas plus cohérent d'appliquer ceux qui ont été déjà conclus il y a vingt-trois ans et qui ne sont toujours pas mis en oeuvre ? La conférence de Paris exige le respect par Israël du droit international et de ses propres engagements en vertu des accords d'Oslo, l'arrêt total de la colonisation pour permettre une reprise des négociations crédible. Israël doit choisir entre l'occupation et la paix, entre la colonisation et la paix ! Il est évident, compte tenu des politiques mises en oeuvre par les gouvernements israéliens successifs, qu'un programme de colonisation a malheureusement pris la place du processus de paix.
Il y a deux ans, l'Assemblée nationale et le Sénat français ont adopté une résolution invitant « le Gouvernement français à reconnaître l'État de Palestine, en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit ». La reconnaissance de l'État de Palestine est le premier pas vers une relation d'égal à égal entre Israël et la Palestine. Elle est la condition sine qua non de l'ouverture de véritables négociations de paix. En ce sens, j'exhorte la France, qui soutient la solution des deux États, à reconnaître le second État, à écouter la voix de son peuple et de ses représentants, et à rejoindre le Vatican, le cent trente-huitième État à avoir reconnu l'État de Palestine.
En reconnaissant l'État de Palestine, la France préserverait la solution des deux États et ferait entendre la voix de la paix. L'alternative serait un seul État où régnerait l'apartheid. Un tel État serait non seulement incapable de garantir la sécurité de ses habitants, mais il alimenterait également l'instabilité au Proche-Orient, dans une région déjà dévastée par les crises et le terrorisme, fruits de la frustration et de l'humiliation qu'engendre l'occupation par Israël des territoires arabes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Palestine veut les mêmes droits et les mêmes responsabilités que les autres États, ni plus ni moins. Elle souhaite que le peuple palestinien puisse disposer du droit fondamental à l'autodétermination.
La reconnaissance par la communauté internationale de ces droits fondamentaux ne nie pas les efforts déployés pour faire avancer la paix sur la base de la solution des deux États. Au contraire, elle fait partie intégrante de cet engagement. Nous espérons que la conférence de paix sera suivie par une large reconnaissance par d'autres États de l'État palestinien aux côtés de l'État d'Israël. La communauté internationale doit clairement montrer son engagement en faveur de la solution des deux États. Nous espérons que la France sera la première à effectuer cette reconnaissance officielle.