Intervention de Carole Bienaimé Besse

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 25 janvier 2017 à 9h40
Audition de Mme Carole Bienaimé besse candidate désignée par le président du sénat aux fonctions de membre du conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Carole Bienaimé Besse, candidate aux fonctions de membre du CSA :

Concernant l'impartialité, pour répondre à Mme Laborde et à M. Bonnecarrère, l'idée est de se prémunir contre tout conflit d'intérêts. Malgré tout, au sein du CSA, c'est la collégialité qui prime ; si je suis nommée, je ne le serai pas en tant que représentante des producteurs. J'apporterai au collège mes compétences d'ancienne professionnelle du secteur.

S'agissant d'éventuels conflits d'intérêt et de mon investissement dans les différents groupes de travail du CSA, la question devra être posée à Olivier Schrameck. Peut-être faudra-t-il, en effet, que je ne travaille pas sur les questions de création et de production, afin qu'aucun soupçon de conflit d'intérêts ne puisse voir le jour. Quoi qu'il en soit, la question se pose.

Mes sujets de prédilection sont les droits des femmes, la jeunesse, la protection des jeunes en termes d'exposition aux écrans. Le Sénat a voté la suppression de la publicité pour les programmes jeunesse à la télévision publique ; une telle disposition me paraît essentielle, sachant qu'en 2020, l'obésité pèsera plus lourd sur les caisses de l'assurance maladie que le tabagisme. C'est une vraie question de santé publique !

Sur la question des droits des femmes, comme sur toutes les questions, le CSA, par définition, travaille en bonne intelligence avec le législateur, qu'il s'agisse de la Délégation de l'Assemblée nationale ou de celle du Sénat - c'est ce qui me semble avoir été fait autour de la loi de 2014 pour la parité. Le CSA, de toute façon, dépend du législateur.

La francophonie est un vaste sujet. La tentation est grande, lorsqu'on souhaite exporter un programme, de le faire écrire et tourner en anglais. La langue n'est pas un frein à l'exportation. Des séries tournées en hébreu, en suédois ou en danois sont exportées dans le monde entier ; pourquoi pas en français ? C'est la qualité du programme qui doit jouer. Favorisons la langue française et faisons en sorte qu'elle soit au coeur des créations originales et patrimoniales, s'agissant y compris des titres.

Dans quels groupes de travail m'investirais-je plus particulièrement ? Sans doute les groupes « Jeunesse et éducation » et « Affaires internationales » - je pense à l'ERGA (European Regulators Group for Audiovisual Media Services), qui permet, depuis 2014, aux différents régulateurs européens de travailler ensemble, ce qui me paraît essentiel.

De ce point de vue, monsieur Assouline, la régulation du web pose question. Comment faire ? Il faudra y réfléchir, légiférer sans doute, et y mettre les moyens. Une grande partie de ces images sont hébergées à l'étranger ; faut-il couper les canaux ? La question, dans sa dimension technique, relève l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). En tant que mère de famille, je milite pour la vigilance la plus stricte ; mais cela suppose de mettre en oeuvre des moyens considérables, dont je ne suis pas certaine qu'on puisse les réunir aujourd'hui.

Un mot sur la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Je rejoins les propos de M. Assouline sur le cas de cette chaîne de télévision dont la rédaction a été partiellement décimée. L'actuelle hyperconcentration ne doit pas nous faire perdre de vue que les fréquences sont des biens publics ; à ce titre, leur occupation va de pair avec le respect d'un cahier des charges. Cette obligation vaut de manière générale, mais s'applique particulièrement lorsqu'il s'agit d'information. Il est indispensable que les journalistes puissent exercer leur métier en toute indépendance, notamment vis-à-vis des actionnaires. Je salue, de ce point de vue, le vote de la loi sur la liberté des médias. Je compatis avec les journalistes d'iTélé ; leur combat, au fond, était un combat pour l'indépendance plutôt que lié à des problèmes économiques.

Madame Blandin, vous parliez de « vraies-fausses » chaînes de télévision ; les réseaux sociaux méritent parfois eux aussi, en un sens, ce qualificatif. On a pu constater, dans le cadre de la campagne présidentielle américaine, la prolifération de telles vraies-fausses informations. Les patrons de Facebook ou de Twitter ont d'ailleurs été interpellés à ce sujet.

Monsieur Assouline, la question des parts de coproduction est explosive. Elle a fait l'objet de développements dans le rapport d'information du sénateur Plancade et dans celui de MM. Gattolin et Leleux. Un équilibre doit être trouvé. Je le disais à propos du financement de l'audiovisuel public : les choses évoluant, il faut changer !

D'ailleurs, tous les genres ne sont pas financés de la même manière. Le documentaire, mon domaine de prédilection, est le parent pauvre de l'audiovisuel ; les financements y sont relativement faibles, ce qui nous conduit souvent à rechercher un coproducteur à l'étranger. La fiction, quant à elle, exige beaucoup de moyens ; tout le travail de développement d'un programme est à la charge du créateur, qui écrit son scénario dans son coin, parfois pendant des années, et du producteur. Il faut valoriser le travail accompli en amont du projet, qui est aujourd'hui négligé - un projet ne démarre pas au moment du tournage -, et trouver, ensuite, un équilibre en termes de parts de coproduction, mais également de prises de participation dans les sociétés, afin que chacun puisse s'y retrouver.

Madame Blandin, comment expliquer la violence qui a entouré l'annonce de ma candidature ? Ce poste, visiblement, est très convoité ; il s'agit par ailleurs d'un secteur violent qui subit une révolution violente. Une telle violence fait partie intégrante de nos métiers, d'autant plus que les budgets se réduisent, que l'hyperconcentration règne, que les petits indépendants se sentent délaissés au profit des grands groupes. Mais la créativité n'appartient à personne ! Au-delà de ma personne et de ce que je représente, nous vivons une révolution qui est à la fois un moment difficile - la crise, tous nos concitoyens la connaissent - et un âge d'or - nous n'avons jamais autant consommé de programmes, de séries, de documentaires, qu'aujourd'hui ; la France est primée dans les compétitions internationales.

Un mandat au CSA dure six ans. Je me suis posée la question de cet engagement. J'ai été ravie qu'on puisse considérer ma candidature ; mais cela veut dire, pendant six ans, fermer totalement la page de la production. En même temps, je suis sans doute arrivée au bout d'un cycle. Dans six ans, le paysage audiovisuel français aura totalement changé. Il y a deux ans, Netflix arrivait ; cela semble une éternité. Où en serai-je dans six ans ? Je préfère me concentrer sur la mission qui sera la mienne, si vous décidez de me la confier, à savoir travailler à la régulation de ce secteur en pleine mutation.

Sur la culture scientifique, pour avoir travaillé sur la réforme du COSIP, le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels, dédié au documentaire, je peux vous dire que le documentaire scientifique et historique a été au coeur des propositions que nous avons faites au CNC. La science doit avoir toute sa place à la télévision, que ce soit dans les programmes jeunesse, dans les émissions d'information, dans le cadre de magazines, de documentaires, mais aussi, pourquoi pas, de séries de fiction. Le Conseil, néanmoins, n'a pas à intervenir sur les choix éditoriaux des chaînes ; son rôle ne peut être qu'incitatif.

J'ai déjà répondu à propos de mes sujets de prédilection : le droit des femmes et la parité, la jeunesse, ainsi que le problème de la régulation du web. Il n'est pas du ressort du CSA de statuer sur les questions qui intéressent la HADOPI ; malgré tout, nous devons veiller à ce que les auteurs ne soient pas lésés, c'est-à-dire à ce que la chaîne de droits soit respectée. Numérisation, piratage, évolution des comportements et des usages ne doivent jamais faire perdre de vue que des auteurs et des réalisateurs existent en amont des oeuvres, et qu'ils doivent percevoir des droits.

Au sein du CSA, tout doit se faire dans la collégialité et la confidentialité. Je ferai en sorte, dans le cadre de ma mission, de respecter ces deux piliers de l'institution.

Monsieur Bonnecarrère, afin de prévenir tout soupçon de conflit d'intérêts, plutôt que de transférer mes parts, ce qui pourrait laisser planer le doute sur une éventuelle croissance des sociétés de production concernées, il me paraît préférable de les liquider à l'amiable, en prenant soin, au préalable, de proposer à chaque réalisateur d'identifier un producteur partageant ma vision et susceptible d'accompagner les projets en cours. Je le ferai dans un délai court - le délai légal est, me semble-t-il, d'un mois.

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