Intervention de Catherine Coutelle

Commission mixte paritaire — Réunion du 24 janvier 2017 à 17h00
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse

Catherine Coutelle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

La commission mixte paritaire qui nous réunit aujourd'hui porte sur la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, déposée par notre groupe parlementaire ici même sur le bureau de l'Assemblée nationale le 12 octobre dernier.

Je remercie la rapporteure du Sénat d'avoir rendu compte des travaux menés par la Chambre haute et des modifications - sensibles - apportées par elle à ce texte. Je tiens à cet égard à souligner à quel point les débats au Sénat, que j'ai suivis avec attention, ont été plus sereins et plus constructifs que dans notre Assemblée, que ce soit en commission ou dans l'hémicycle, et je regrette que les députés n'aient pu donner l'image positive qu'ont donnée nos collègues sénateurs dans leurs débats sur ce texte.

Sur le fond, le Sénat a proposé une modification substantielle du texte, en procédant à une réécriture du seul troisième alinéa de l'article du code de la santé publique relatif au délit d'entrave, alinéa qui a trait aux pressions morales et psychologiques, aux menaces et aux actes d'intimidation exercés à l'encontre des personnes cherchant à s'informer ou à pratiquer une IVG.

Si la réécriture proposée me semble en effet plus claire que celle qui existe aujourd'hui, je déplore toutefois trois lacunes principales :

- tout d'abord, en limitant le délit d'entrave numérique à ce dernier alinéa, on passe en réalité à côté de tout un pan des moyens développés par les sites internet qui sont au coeur du problème : ces sites diffusent en effet des fausses adresses de centres de planning familial, perturbant ainsi au moins indirectement, mais même directement, l'accès à ces établissements, qui fait l'objet du deuxième alinéa. C'est pourquoi l'Assemblée avait proposé de modifier le « chapeau global » de l'article ;

- la deuxième lacune, à mon sens, dans cette rédaction proposée par le Sénat, réside dans le fait que, alors même que les débats à l'Assemblée se sont massivement focalisés sur le supposé risque juridique d'atteinte à la liberté d'opinion, la partie du texte supprimée par le Sénat était précisément de nature à protéger contre ce risque. En effet, ne figure plus dans le texte la mention aux « allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une IVG ». Autrement dit, en l'absence de ces précisions, on pourrait effectivement considérer que la seule diffusion d'informations contre l'IVG pourrait être pénalisée, alors que ce qui doit l'être, c'est bien cette diffusion si et seulement si elle est de nature intentionnellement dissuasive et destinée à induire la personne en erreur ;

- enfin, le texte adopté par le Sénat gomme toute référence explicite au délit d'entrave « numérique », qui est l'objet initial et fondamental de la proposition de loi, autrement dit, sa raison d'être : c'est pourquoi le fait de supprimer toute référence aux moyens électroniques et numériques ne me semble pas acceptable.

En tant que rapporteure pour l'Assemblée nationale, je tiens donc particulièrement au maintien des précisions apportées par notre assemblée sur l'intentionnalité des indications et informations visées et sur la caractérisation du support, numérique et électronique, afin de bien caractériser ce délit d'entrave numérique.

S'agissant en revanche de la rédaction proposée par le Sénat du dernier alinéa de l'article L. 2223-2 relatif aux pressions morales et psychologiques, elle me semble de bon aloi, sous la seule réserve de renvoyer la précision « par tout moyen » dans le chapeau de l'article.

Je constate, à l'issue des échanges que nous avons eus avec la rapporteure du Sénat, que nous ne semblons pas pouvoir nous acheminer vers un accord dans le cadre de cette commission mixte paritaire : je le regrette, mais je tiens néanmoins à souligner que la proposition que j'aurai l'occasion de soumettre à notre Assemblée en nouvelle lecture en cas d'échec de notre réunion, reprendra bien les modifications proposées par le Sénat.

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