Intervention de Christian Cumin

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er février 2017 à 9h35
Table ronde sur la problématique de la qualité de vie au travail des personnels hospitaliers avec des représentants des syndicats infirmiers

Christian Cumin, de la CFTC santé-sociaux :

Pour que notre système de santé public reste l'un des meilleurs au monde, il nous faut prendre rapidement la mesure de la détérioration des conditions de travail à l'hôpital public. Les suicides de professionnels de santé, les burn-out à répétition, le mal-être, le stress, les troubles musculo-squelettiques, les arrêts maladie en sont autant de signes. Voilà de nombreuses années que la CFTC alerte les ministères concernés. Cette détérioration concerne tous les personnels hospitaliers et surtout celles et ceux qui sont au plus près du patient : les personnels soignants et médico-techniques.

L'hôpital public est devenu une fabrique de soins, complètement déshumanisée, où seule compte la rentabilité économique avec un système de facturation à l'acte - la T2A - qui n'a fait qu'aggraver une situation déjà préoccupante. Rappelons-nous aussi la mise en place des 35 heures sans moyens humains supplémentaires pour compenser le temps de travail passé auprès du patient. Ce temps indispensable passé à écouter, conseiller, expliquer, n'existe plus. Les personnels soignants se cantonnent désormais à des actes techniques et à des tâches administratives.

Pourtant, des mesures ont été prises ces dernières années pour corriger la situation, par exemple la création de contrats locaux d'amélioration des conditions de travail (CLACT) ou le travail d'enquête des CHSCT. Mais lorsque la logique économique prime tout le reste, les efforts consentis deviennent vains et l'on se concentre sur l'essentiel : faire tourner la boutique avec le personnel disponible et corvéable à merci, et engendrer des bénéfices afin de combler les déficits des années antérieures ou à venir.

Trop de tâches administratives prennent le dessus sur le coeur de métier des soignants. Trop de contraintes normatives sont chronophages : certifications, indicateurs, informatique... Trop de réformes hospitalières, depuis vingt ans, ont modifié en profondeur l'activité soignante et ce n'est pas la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui va améliorer la situation des professionnels de santé à qui l'on demande d'aller aider dans le service de l'hôpital d'à côté.

Bref, le soignant ne se retrouve plus dans son travail journalier. Il ne se retrouve plus dans sa vie personnelle et familiale : rappel sur congés, heures supplémentaires non rémunérées, congés imposés... Comment voulez-vous qu'un soignant stressé, fatigué, incompris, mal rémunéré, se sente bien, épanoui dans son travail et fournisse des soins de qualité ? De fait, la cohabitation entre vie personnelle et vie professionnelle n'est pas simple pour les agents hospitaliers et engendre régulièrement un mal-être au travail.

Les petits maux de la vie courante sont souvent source de contraintes dans l'exercice de la profession de soignant : éloignement du lieu d'habitation, temps de transport, garde d'enfants, enfants malades, horaires des écoles... Il en va de même de simples changements d'organisation du service : changement de planning inopiné, rappel sur congés, formation annulée pour pallier le manque de personnel, changement de service, remise en cause des acquis, travail de nuit, en douze heures, fermeture de lits, chirurgie ambulatoire - qui réduit la relation avec les patients à la portion congrue - ou nouveaux modes de soins à domicile. Tous les jours, c'est la même rengaine : manque de linge, de matériels, de tenues...

L'encadrement est de moins en moins au contact de ses équipes car il doit s'occuper de plusieurs services à la fois et il s'épuise à trouver des solutions impossibles afin de boucler ses plannings, ou à des tâches administratives subalternes. Les glissements de tâche prennent le dessus sur un fonctionnement normal et normé du fait du manque de personnel ou de la suractivité. Personne n'est satisfait, tout le monde se plaint, chacun souffre - et surtout, in fine, le patient. Les soignants nient trop souvent leur mal-être et n'en parlent pas ou peu. Ils s'occupent des autres avant de s'occuper d'eux, trop souvent au détriment de leur santé et de leur vie personnelle. Les soignants soignent ; mais qui soigne les soignants ?

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