La conférence d'Abou Dhabi, en 2016, a acté la création d'un fonds financier et d'un réseau de refuges pour protéger le patrimoine en péril en période de conflits. La mise en place concrète du fonds se fait progressivement, avec pour objectif de collecter 100 millions de dollars. Les statuts du fonds devraient être arrêtés en février prochain et le conseil exécutif de l'UNESCO d'avril 2017 devrait finaliser le processus. Cette relative lenteur s'explique par le statut juridique particulier du fonds puisque ses ressources ne seront pas exclusivement étatiques, mais également privées à travers le mécénat. Or, les missions du fonds peuvent interagir avec des questions intergouvernementales, au risque d'être ralenties.
En ce qui concerne l'adaptation de la convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à la révolution numérique, c'est une tâche qui nous tient à coeur. À défaut de pouvoir adopter de nouvelles normes, nous proposons d'ajouter des directives qui seront présentées pour validation au Conseil exécutif prochainement. Deux pays sont particulièrement impliqués à nos côtés : le Canada et l'Australie.
La question du réseau de refuges susceptibles d'accueillir temporairement un patrimoine menacé de destruction dans son pays d'origine s'avère particulièrement sensible car elle renvoie à la problématique plus générale de la restitution des objets d'art. Certains pays, souvent d'anciennes colonies occidentales, sont réticents sur la possibilité pour certaines institutions comme Le Louvre ou le Metropolitan Museum of Art d'accueillir des oeuvres d'art en péril. L'UNESCO est engagée dans la mise en place d'une réglementation. Les négociations sur ce sujet tendent à privilégier l'instauration de refuges géographiquement proches des zones en guerre.
En ce qui concerne les langues régionales, c'est un sujet sur lequel l'UNESCO ne se prononce pas. En effet, cette dernière est une structure intergouvernementale dont nombre de ses membres bloquent toute initiative dans ce domaine dans la mesure où la question de la reconnaissance des langues régionales est étroitement liée à la question de la place des minorités. Ce sujet a donc vocation à être traité soit au niveau national, soit au niveau européen, au sein du Conseil de l'Europe.
Je dois avouer que je n'ai pas eu connaissance de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur le programme ReLIRE. Sans pouvoir me prononcer sur le fond, il me semble que les interlocuteurs naturels sur ce sujet sont essentiellement le ministère de la culture et de la communication et la Bibliothèque nationale de France.
Je comprends votre critique sur la multiplication des décennies internationales, qui pourrait d'ailleurs être étendue aux ambassadeurs de bonne volonté, et qui rend le dispositif de soutien de l'UNESCO à certaines actions ou grandes causes moins visible. Il existe une réelle tendance à multiplier la labellisation des projets, tout en laissant ensuite une grande liberté de manoeuvre aux porteurs de projet dans l'utilisation du label. Cette multiplication des projets reflète également la structure de l'UNESCO qui comporte sept sous-directions générales, dont l'une se veut transversale, celle de l'Afrique. Or, l'Afrique constitue une priorité de l'UNESCO depuis quinze ans, notamment en raison du retard accumulé dans la promotion de ce continent auparavant. Toutefois, l'obtention d'un label comprend des contreparties en termes d'engagement de la part des porteurs de projet et de plans de gestion du site. De même, le Centre du patrimoine mondial poursuit un dialogue permanent avec les autorités nationales afin d'assurer le contrôle de l'état du site. À cet égard, et pour répondre à la question de la présidente, le fait de placer Venise sur la liste des sites en péril pourrait avoir l'avantage de sensibiliser davantage les autorités concernées sur la nécessité de prendre des mesures pour protéger ce patrimoine.
En ce qui concerne le rayonnement de l'UNESCO et son influence dans le monde, les ambassadeurs de bonne volonté jouent un rôle fondamental. Choisis souvent parmi des artistes ou des sportifs bénéficiant d'une forte visibilité et d'une grande popularité, ces derniers permettent de sensibiliser les États et leurs populations sur les valeurs que défend l'UNESCO.