Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 1er février 2017 à 14h30
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons pour la troisième fois la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères. Je regrette, à titre personnel, que l’Assemblée nationale n’ait pas choisi de rebondir sur la version adoptée par le Sénat en deuxième lecture. En restant figés sur leur texte, en ignorant les propositions du Sénat, nos collègues députés ont exclu d’avoir un débat démocratique et constructif.

Pourtant, en deuxième lecture, la majorité sénatoriale avait opté pour une approche plus consensuelle visant à transposer la directive européenne d’octobre 2014. Elle avait ainsi modifié le champ du texte initial, en retenant le périmètre des sociétés visées par la directive, c'est-à-dire les sociétés cotées dont le bilan est supérieur à 20 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros.

Elle avait également élargi le périmètre du texte, en considérant les entreprises de plus de 500 salariés et non plus de 5 000 salariés.

Elle avait aussi prévu la publication d’un rapport annuel sur les principaux risques. Quant aux mesures de vigilance, elles devaient également être publiées et soumises à un organisme vérificateur tiers indépendant. Était également prévu le recours de toute personne intéressée devant le TGI en cas de manquement à ces obligations. Tous les éléments essentiels du texte étaient donc repris.

Certes, nous avions supprimé l’amende civile et le régime spécifique de responsabilité, jugés excessifs et portant atteinte aux principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité des peines.

La rédaction retenue par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ignore ces propositions et leur visée européenne. Elle aggrave encore le risque constitutionnel. En effet, en matière de responsabilité, alors que la rédaction antérieure précisait que le non-respect des obligations concernant le plan de vigilance « engageait la responsabilité de son auteur » dans les conditions prévues par le code civil, il est désormais prévu que ce non-respect « l’oblige à réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter ».

Cette formulation nouvelle soulève une difficulté constitutionnelle plus grande, en raison de sa portée incertaine et ambiguë. Elle revient à dénaturer le lien de causalité entre la faute et le dommage, en ouvrant ainsi un nouveau risque lié à la remise en cause du principe de responsabilité du fait d’autrui.

Concernant l’amende, la nouvelle version du texte prévoit que, dans le cadre d’une action en responsabilité, le montant de l’amende au titre du manquement aux obligations de vigilance passe de 10 millions à 30 millions d’euros. Sachant qu’il s’agit de réprimer les imperfections d’un plan de vigilance, une telle disposition risque de remettre en cause la nécessaire proportionnalité des peines.

Enfin, s’agissant du contenu de ce plan et des dispositions relatives à l’entrée en vigueur du texte, les principes de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi sont également mis à mal.

Pourtant, mes chers collègues, je suis persuadée que nous aurions pu trouver un accord, en partant notamment de la transcription de la directive européenne. Transposer la directive, c’était s’engager dans une approche responsable et pédagogique du rôle et de l’intérêt de l’Union européenne ; c’était promouvoir une démarche incitative reposant sur la transparence ; c’était adapter les modalités de la directive aux réalités des entreprises françaises, que nous voulons exemplaires, en évitant de les pénaliser excessivement et de créer des handicaps concurrentiels supplémentaires sur le marché international, tout en maintenant un objectif de vigilance.

Malheureusement, cette vision responsable et pragmatique n’a pas trouvé l’écho qu’elle méritait auprès de l’Assemblée nationale, qui s’est arc-boutée sur un traitement partisan du dossier, quitte à faire peser sur les entreprises françaises des contraintes supplémentaires non seulement excessives, mais aussi exclusives.

Le groupe UDI-UC adhère à l’objectif de vigilance porté par la directive européenne, mais s’oppose, vous l’avez compris, aux mesures excessives et pénalisantes, pour nos entreprises, de cette proposition de loi. Il regrette l’absence de débat et de recherche d’un consensus au sein du Parlement. En conséquence, la majorité de ses membres votera la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

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