Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 1er février 2017 à 14h30
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues – je salue également les internautes –, nous devons nous prononcer cet après-midi en peu de temps sur un sujet digne d’intérêt et très important, fort bien résumé par mes collègues.

Le groupe écologiste est contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, essentiellement parce qu’il est pour l’existence du Sénat. Dans le contexte actuel, il est important de témoigner de l’utilité des deux chambres, qui doivent travailler ensemble jusqu’au bout, malgré leurs oppositions. Ce n’est pas parce que le texte concerné soulève un certain nombre de questions que nous devons nous dérober à ce travail parlementaire. C’est la première raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à cette motion. Le Sénat a son utilité, le bicamérisme est important. Quel que soit le texte, qui va trop loin pour certains et pas assez pour d’autres, notre travail parlementaire a un sens.

Selon M. le rapporteur, le texte qui nous est soumis soulève des incertitudes juridiques et risque la censure du Conseil constitutionnel. Pourtant, il nous est souvent arrivé, quelle que soit notre appartenance politique, de tenir profondément à une mesure qui nous semblait importante, sans nous préoccuper vraiment de sa constitutionnalité. Certes, ce n’est pas bien – heureusement que le président de la commission des lois veille –, mais, en l’espèce, nous pensons que le risque d’inconstitutionnalité n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Peut-être la cause défendue mérite-t-elle de prendre ce risque, quitte à procéder ensuite à la saisine du Conseil constitutionnel, afin de vérifier la pertinence d’une telle interprétation.

Le deuxième argument mis en avant pour défendre la motion soulève un problème plus grave. Avec une franchise tout à fait étonnante, plusieurs de nos collègues ont insisté sur le risque majeur que ferait courir ce texte à nos entreprises, en pénalisant leur compétitivité. Face aux images de cadavres d’enfants qu’on a pu voir après les différents accidents auxquels a mené l’affranchissement des normes – les entreprises s’installent dans des pays où les normes sont soit inappliquées, soit inexistantes –, est-il raisonnable de pousser à ce point le raisonnement de la compétitivité ?

Le groupe écologiste estime – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre collègue Joël Labbé s’est battu pied à pied pour ce texte – qu’il n’est pas possible d’invoquer la compétitivité concernant des entreprises qui sont parfois de très grands groupes internationaux, aux structures parfois extrêmement opaques, ayant tendance à déjouer, ma collègue Éliane Assassi l’a rappelé, les règles fiscales, ici et là-bas. L’argument de la compétitivité, s’il a le mérite intangible de la franchise, ne peut pas recueillir notre assentiment.

Pour cette raison, nous n’acceptons pas cette dérobade au débat, même si celui-ci est inconfortable, puisqu’il révèle un attachement à une compétitivité où l’être humain est un capital productif, qu’on peut laisser mourir en ne respectant pas des normes élémentaires de sécurité ou sanitaires. Nous ne sommes pas en accord avec une telle logique.

Pour certains d’entre nous, ce texte constitue un carcan inacceptable pour la compétitivité des entreprises. Qu’il crée des périls juridiques, c’est possible, mais nous ne le pensons pas. Nous croyons que les entreprises sont capables de tenir les contraintes fixées. Pour toutes ces raisons, il est selon nous regrettable de ne pas discuter de cette proposition de loi.

Monsieur le secrétaire d’État, ce texte est selon vous le reflet d’un équilibre raisonnable. Pour notre part, nous aurions préféré des dispositions plus ambitieuses. Quoi qu’il en soit, lorsque des vies humaines sont en jeu, nous préférons une ambition modeste à un renoncement justifié par la compétitivité.

Je le répète, nous sommes farouchement opposés à la motion. Nous regrettons vivement que le Sénat n’ait pas montré sa capacité à travailler de façon constructive, comme il l’a fait voilà moins d’une heure, sur un sujet qui n’est pas moins important, à savoir le financement des partis politiques. Alors que nous travaillons paisiblement sur des questions nous concernant au plus près, je suis consternée par notre incapacité à appréhender une réalité lointaine.

Nous sommes attristés par la tournure prise par ce débat. Nous aurions aimé, malgré ses graves imperfections, voter ce texte.

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