Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 1er février 2017 à 14h30
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Dès la première lecture de la présente proposition de loi au Sénat, le groupe Les Républicains avait émis de sérieux doutes sur la constitutionnalité de ce texte. Les débats qui se sont déroulés, tant à l’Assemblée nationale que dans cette enceinte même, ne font que nous conforter dans la certitude de l’inconstitutionnalité de celui-ci.

Cette proposition de loi est bien contraire à la Constitution, pour quatre motifs essentiels.

Elle méconnaît d’abord les principes d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Aucune entreprise n’a les moyens de savoir ni ce que doit comporter le plan de vigilance ni quelles sont les mesures de « vigilance raisonnable » qui doivent être mises en œuvre.

Le renvoi à un décret ne règle pas cette question ; il constitue au contraire, et manifestement, un cas d’incompétence négative du législateur. Le Conseil constitutionnel a récemment censuré, pour ce motif, une disposition renvoyant à un décret.

L’article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale tombe sous le coup du grief d’incompétence né de l’article 34 de la Constitution.

En outre, la proposition de loi viole les exigences constitutionnelles applicables en matière de sanctions : le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que le principe de légalité des délits et des peines s’applique aux amendes civiles lorsqu’elles ont la nature de sanctions ayant le caractère d’une punition. Il a décidé que les principes découlant des articles VIII et IX de la Déclaration de 1789 sont applicables à ces amendes.

L’amende civile prévue par le texte de l’Assemblée nationale, laquelle peut aller jusqu’à 10 millions d’euros, constitue une sanction ; elle doit donc respecter le principe de légalité pénale. Une telle obligation implique un impératif de précision, que le texte ne respecte pas, ni en matière de définition du champ d’application ni en matière de qualification juridique de l’infraction et du référentiel applicable.

De la même façon, le texte ignore le principe constitutionnel d’égalité. En effet, seules les entreprises dont le siège est domicilié en France seront affectées par ce texte. Celles de leurs concurrentes dont les sièges sociaux sont établis hors de France pourront continuer à vendre sur le territoire français des produits ne répondant pas aux mêmes exigences.

Enfin, la proposition de loi se heurte à la garantie des droits. Lorsqu’un dommage surviendra du fait d’une filiale ou d’un sous-traitant, les sociétés mères seront considérées comme coupables de ne pas avoir conçu ou mis en œuvre un plan de vigilance suffisant. Mais elles ne disposeront d’aucune possibilité de dégager leur responsabilité en démontrant leur absence d’implication ou de faute.

Je ne développerai pas davantage mon propos ; mon collègue Christophe-André Frassa l’a très bien fait.

Vous l’aurez compris : le groupe Les Républicains votera pour la motion.

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