Intervention de Pascale Boistard

Réunion du 1er février 2017 à 14h30
Transport sanitaire héliporté — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde une question essentiellement opérationnelle : l’aide médicale urgente réalisée par Héli-SMUR et les interventions réalisées par les hélicoptères d’État de la sécurité civile, notamment dans le cadre du secours à personne. Elle a pour objet de demander la mise en place d’une gestion mutualisée de ces deux flottes d’appareils.

En ce qu’ils contribuent à garantir l’accès aux soins urgents de la population en moins de trente minutes, comme s’y était engagé le Président de la République en 2012, les hélicoptères d’État et les hélicoptères des établissements de santé représentent un enjeu majeur pour l’accès aux soins urgents sur le territoire national.

Il est en effet nécessaire d’optimiser l’utilisation du vecteur héliporté, afin d’améliorer la complémentarité, la cohérence et l’efficacité du recours aux différentes flottes.

Cette initiative parlementaire du groupe du RDSE rejoint une ambition de l’État : donner au service public héliporté un cadre toujours plus adapté aux enjeux actuels.

Avant toutes choses, je souhaite rappeler que le secours à personne et l’aide médicale urgente recouvrent des champs distincts, mais complémentaires.

L’aide médicale urgente et le secours à personne sont en effet des missions de service public différentes par leur objet ; néanmoins, elles se complètent dans leur finalité : le service des mêmes usagers, patients ou victimes.

L’aide médicale urgente, mission de service public hospitalier, a pour objet d’assurer aux malades, blessés ou parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état.

Le secours à personne, quant à lui, est l’une des missions de sécurité civile assurée principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services départementaux d’incendie et de secours. Il vise notamment à assurer la mise en sécurité des victimes, à pratiquer les gestes de secourisme en équipe et à réaliser l’évacuation éventuelle de la victime vers un lieu d’accueil approprié.

Si les Héli-SMUR sont entièrement dédiés à l’aide médicale urgente, les missions remplies par les hélicoptères de la sécurité civile ne se bornent pas aux missions de secours à personne et d’aide médicale urgente. Elles englobent le champ plus vaste de la protection des personnes et des biens, avec des missions complémentaires telles que la lutte contre les feux de forêt, la projection d’équipes spécialisées, ou la participation à des missions de sécurité publique. La structure de commandement de ces moyens et leur cartographie d’implantation découlent d’ailleurs de cette pluralité de missions.

Je l’ai dit en introduction, nous partageons largement l’objectif de complémentarité des moyens héliportés ; c’est le sens du travail interministériel déjà engagé.

Si l’aide médicale urgente relève de la compétence du ministère de la santé, et si les missions de sécurité civile relèvent de celle du ministère de l’intérieur, la coordination des interventions, la complémentarité des moyens et, plus généralement, la coopération des services constituent un impératif. Cette coopération se réalise déjà au quotidien, à travers, notamment, la participation quotidienne des hélicoptères de la sécurité civile aux missions d’aide médicale urgente. Il est toutefois possible d’aller plus loin.

Le travail interministériel qui a déjà été engagé sur les Héli-SMUR et les hélicoptères de la sécurité civile traduit la volonté de renforcer la complémentarité de ces moyens. En effet, l’axe 2 de la feuille de route santé-intérieur de 2014 a fixé comme objectif de « renforcer les outils permettant d’assurer la complémentarité des moyens humains et matériels, tant terrestres qu’héliportés. » Dans cette optique, un comité de pilotage interministériel dédié précisément à la complémentarité des moyens héliportés utilisés dans le cadre du secours à personne et de l’aide médicale urgente a été mis en place.

La direction générale de l’offre de soins, la DGOS, et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la DGSCGC, finalisent actuellement une instruction interministérielle relative à la complémentarité des Héli-SMUR et des hélicoptères d’État.

Ce document identifiera des principes partagés de complémentarité, de cohérence, d’efficience, de transparence, ainsi que des indicateurs communs d’activité des moyens héliportés.

Il détaillera également les modalités d’implantation et de fonctionnement des bases, ainsi que les principes de mise en œuvre opérationnelle des moyens, c’est-à-dire, concrètement, l’emploi de l’hélicoptère le plus adapté à la mission et disponible dans les délais compatibles avec l’état du patient.

Enfin, cette instruction interministérielle posera les principes de gouvernance à l’échelon national comme territorial.

Mais, sur le terrain, les avancées sont d'ores et déjà notables dans plusieurs régions, avec un engagement fort des directeurs généraux des agences régionales de santé et des préfets, dans la droite ligne de la feuille de route santé-intérieur. En plus de l’interconnexion déjà existante entre le 15 et le 18, l’objectif de complémentarité des moyens héliportés est retenu, en vue de la couverture de l’accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes et de l’élaboration d’une doctrine d’emploi d’une ressource en réalité rare et précieuse.

Dans certaines régions, l’articulation des deux flottes Héli-SMUR et sécurité civile est déjà active pour la période nocturne, ce qui permet la couverture d’anciennes zones blanches.

Pour aller encore plus loin sur ce sujet, le Gouvernement a également souhaité qu’une revue des dépenses soit conduite au mois de mai 2016 sur le thème des hélicoptères de service public, par une mission inter-inspections réunissant l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration, l’Inspection générale des affaires sociales et le contrôleur général des armées.

La mission a salué le travail interministériel conduit par les ministères de la santé et de l’intérieur pour améliorer la cohérence d’emploi des hélicoptères, ainsi que la complémentarité de l’utilisation des moyens.

Si les recommandations de la mission font actuellement l’objet d’une réflexion approfondie et partagée entre les administrations, il est intéressant de relever qu’elles comprennent non pas la mutualisation des flottes, mais l’amélioration de la coordination des moyens.

J’en viens maintenant au contenu de la proposition de loi que nous examinons.

Tout d’abord, je tiens à saluer la cohérence de la commission des affaires sociales, dont le Gouvernement souscrit pleinement à l’analyse concernant le contenu de la version initiale du présent texte.

En effet, le Gouvernement l’avait déjà exprimé lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ou à l’occasion de l’examen de la loi Montagne, le dispositif contenu dans la proposition de loi initiale relevait essentiellement du domaine réglementaire, ce qui n’était pas sans poser certaines difficultés.

En réécrivant l’article unique de ce texte, la commission des affaires sociales, par la voix de son rapporteur, a proposé la création d’un service placé auprès du Premier ministre, service qui serait chargé de la gestion mutualisée des hélicoptères.

Cette proposition pose, selon nous, d’autres difficultés. Davantage qu’une nouvelle structure qui viendrait se superposer aux structures ministérielles existantes, mieux vaudrait mettre en place des instances de coordination et de concertation à l’échelon tant national que territorial qui sont à notre avis nécessaires pour renforcer la cohérence et l’efficience du système.

C’est la direction préconisée par les travaux menés conjointement par la DGOS et par la DGSCGC, et sur lesquels la revue de dépenses s’est en partie fondée.

Par ailleurs, vous avez vous-même soulevé lors de l’examen en commission le risque d’« hélicentrisme », puisque la proposition de loi que nous examinons semble inciter à faire reposer l’accès aux soins d’urgence prioritairement sur le vecteur héliporté, sans aborder la complémentarité avec les autres vecteurs terrestres et maritimes.

Actuellement, si l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes est assuré pour quasiment 100 % de la population – 98, 5 % exactement –, c’est parce que nous prenons en compte l’ensemble des services d’urgence, SMUR, médecins correspondants du SAMU, Héli-SMUR et hélicoptères de la sécurité civile. Ce résultat montre bien que les hélicoptères sont des vecteurs complémentaires des vecteurs terrestres de l’aide médicale urgente.

Il ne faut pas oublier que ces derniers ont leurs propres contraintes, notamment le respect des conditions minimales de vol et de la réglementation aérienne. J’ajoute que le texte que nous examinons, en prévoyant une gestion mutualisée des Héli-SMUR et des hélicoptères de la sécurité civile sous l’angle unique de l’accès aux soins d’urgence, apporte une réponse incomplète à la problématique globale des hélicoptères de service public.

En effet, les hélicoptères de la sécurité civile ne sont pas les seuls hélicoptères d’État à participer aux missions de secours à personne et d’aide médicale urgente. C’est aussi le cas d’une partie de la flotte de la gendarmerie nationale, notamment en zone de montagne et en outre-mer, mais aussi d’une partie de la flotte de la marine nationale et de l’armée de l’air.

Ces flottes ont en commun d’avoir des missions qui ne sont pas limitées au secours à personne et à l’aide médicale urgente. Leur localisation et leurs chaînes de commandement répondent à la diversité de ces missions, dans des logiques d’articulation avec d’autres moyens qui sont propres à chaque service.

Enfin, une régulation de l’offre des vecteurs héliportés, telle qu’elle est inscrite dans la proposition de loi à un niveau central, serait en décalage avec les missions déléguées aux ARS dans l’organisation et la régulation de l’offre de soins, je pense en particulier à l’attribution et au renouvellement des autorisations d’activité des structures d’urgence.

Le principe de subsidiarité en faveur des représentants de l’État en région – les préfets et les directeurs généraux des ARS – doit prévaloir avec l’appui de chaque ministère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de coordination que vous appelez de vos vœux avance et va se poursuivre, avec la publication prochaine de l’instruction interministérielle que j’ai annoncée.

Si le Gouvernement partage la volonté de mieux coordonner encore les moyens aériens pour mieux couvrir nos territoires, les outils législatifs ou réglementaires qui seraient nécessaires ne peuvent précéder la fin des travaux actuellement menés entre les acteurs opérationnels.

Vous l’aurez donc compris, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cette proposition de loi qui pourrait compromettre l’ensemble des travaux engagés par le ministère de la santé et par le ministère de l’intérieur.

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