Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi de MM. Alain Bertrand et Jacques Mézard, et des membres du groupe du RDSE, visant à mettre en place une stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté.
Je veux remercier tout d’abord Gilbert Barbier de son rapport approfondi et mesuré.
L’objet de cette proposition de loi est donc de mettre en place une stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté. Dans la version initiale de ce texte, l’organisation en revenait aux agences régionales de santé, l’objectif étant de permettre un transfert primaire – prise en charge de patients du domicile ou de la voie publique et conduite vers les services d’urgence en moins de trente minutes – ou secondaire – transfert de patients d’hôpital à hôpital.
Selon les auteurs de cette proposition de loi, qui met particulièrement l’accent sur le transport primaire, il s’agit d’optimiser le recours aux hélicoptères sanitaires entre Héli-SMUR et sécurité civile, afin de permettre une prise en charge homogène de l’urgence sanitaire et de garantir une égalité des chances dans l’accès aux soins à tous nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. Mon groupe ne peut que souscrire aux objectifs de mes collègues.
Reprenant les propos du professeur Pierre Carli, médecin-chef du SAMU de Paris, M. le rapporteur indiquait que chaque hélicoptère du SAMU à son histoire.
Permettez-moi une rapide incursion au sein du SAMU 62 : il dispose depuis plus de vingt-cinq ans d’un hélicoptère sanitaire, financé au départ par l’État et le conseil général du Pas-de-Calais. À ce jour, il n’existe plus que des crédits d’État déconcentrés à l’échelon de l’agence régionale de santé.
Dès son implantation, cet hélicoptère a surtout concerné le transport secondaire, le Pas-de-Calais, département de 1, 5 million d’habitants ne disposant pas de centre hospitalo-universitaire, mais bénéficiant de sept SMUR implantés dans ses sept hôpitaux généraux. Cela permet une bonne couverture pour le transport primaire quand, par ailleurs, les relations entre le SAMU et les sapeurs-pompiers sont excellentes.
Ainsi, en 2014, cet appareil a effectué 703 heures de vol, 1 heure par mission, 75 % de transports secondaires, 25 % de transports primaires, 83 % de vols de jour et 17 % de vols de nuit, uniquement du transport secondaire.
Par ailleurs, cet hélicoptère, loué à une société belge, répond totalement aux normes de sécurité européennes, puisqu’une personne de surveillance des fonctions techniques se trouve aux côtés du pilote.
Cet exemple n’illustre pas forcément le sujet que nous traitons aujourd'hui, à savoir le transport primaire, qui est le focus de cette proposition de loi, mais il permet de mettre en évidence certaines obligations, rappelées à juste titre par M. le rapporteur.
La prescription d’un transport héliporté relève de la décision du médecin régulateur du SAMU qui doit s’assurer que l’autorisation de vol, relevant de la responsabilité du pilote, a été donnée.
Par ailleurs, le recours à un transport héliporté doit être manié avec discernement, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, au regard d’importantes contraintes, je pense en particulier aux conditions météorologiques.
Au SAMU 62, à la suite d’un grave accident d’hélicoptère, deux personnes se sont retrouvées paraplégiques : le pilote et un membre du personnel du SAMU.
Si mon groupe adhère à l’objet de cette proposition de loi, il s’interroge sur le bien-fondé du dispositif régional, à savoir la mise en place de la commission régionale des transports héliportés autour des agences régionales de santé. L’ARS peut-elle avoir autorité sur ce qui relève de la responsabilité du ministère de l’intérieur, notamment sur les hélicoptères de la protection civile ?
Nos travaux en commission ont permis d’améliorer le texte sous l’impulsion du rapporteur, qui a proposé un amendement de réécriture globale de l’article unique de cette proposition de loi.
L’article unique modifié prévoit une gestion mutualisée par un service placé auprès du Premier ministre des hélicoptères susceptibles d’assurer le transport sanitaire, afin de garantir la répartition de ceux-ci sur le territoire. La gestion des hélicoptères serait faite à l’échelon territorial le plus adapté, en coordination avec les possibilités de transports terrestres. Elle préserverait la compétence du médecin régulateur pour décider de la nécessité d’un transport héliporté, ce que nous approuvons.
Cependant, Mme Bricq nous a alertés sur un point. On peut en effet s’interroger sur l’efficacité d’une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre entre les agences régionales de santé et les préfets de département pour assurer une coordination de l’utilisation des transports héliportés. N’avons-nous pas toujours considéré que les délégations interministérielles ne fonctionnent pas ?
À l’heure actuelle, comme Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, un travail interministériel est mené sur les Héli-SMUR et les hélicoptères de la sécurité civile dans une volonté de recherche de la complémentarité des moyens entre les deux ministères de la santé et de l’intérieur. Cela n’est pas à négliger.
C’est l’objectif de l’axe 2 de la feuille de route santé-intérieur de 2014, à savoir « renforcer les outils permettant d’assurer la complémentarité des moyens humains et matériels, tant terrestres qu’héliportés. »
La direction générale de l’offre de soins et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises ont mis en place un comité de pilotage interministériel dédié à la complémentarité des moyens héliportés utilisés dans le cadre du secours à personne et de l’aide médicale urgente, le SAP-AMU, les Héli-SMUR et les hélicoptères de la sécurité civile. Cette structure est le lieu de concertation interministérielle sur ces questions d’intérêt commun.
Les deux directions viennent de s’accorder sur un texte conjoint relatif à la complémentarité des moyens héliportés qui sont utilisés dans le cadre du SAP-AMU, Héli-SMUR et hélicoptères d’État.
Le comité de pilotage du 30 juin 2016 a entériné cet accord dans un document qui comporte les éléments suivants : les principes généraux, à savoir complémentarité, cohérence, efficience et transparence ; les principes d’organisation applicables aux modalités d’implantation et de fonctionnement des bases, ainsi qu’aux partenariats locaux ; les principes de mise en œuvre opérationnelle des moyens, c’est-à-dire la coordination dans l’intérêt de la personne à prendre en charge, l’emploi de l’hélicoptère le plus adapté à la mission et disponible dans les délais compatibles avec l’état du patient ; les principes de gouvernance à l’échelon national et territorial.
Par ailleurs, des indicateurs d’activité sont testés en région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre d’une expérimentation. Cela doit permettre d’objectiver et de suivre conjointement l’activité réalisée, ainsi que les éventuelles incidences de modifications des cartes d’implantation.
La mission inter-inspections a salué le travail engagé par les deux directions et n’a pas recommandé la mutualisation des flottes, mais elle a soutenu l’amélioration de la coordination des moyens. Au regard de ce constat, nous sollicitons avec force le Gouvernement pour que les conclusions de l’expérimentation aboutissent le plus rapidement possible à la définition précise des principes de gouvernance à l’échelon tant national que territorial.
Cela étant, la majorité de mon groupe s’abstiendra sur ce texte. Néanmoins, certains d’entre nous le voteront, afin de souligner la nécessité de prendre rapidement des décisions. L’égalité d’accès aux soins pour l’ensemble de nos concitoyens est une priorité, que nous espérons tous voir se concrétiser. Et le transport héliporté est un vrai sujet.