Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aurais mauvaise grâce à ne pas remercier le rapporteur et, plus largement, la commission des affaires sociales, qui l’a suivi. Ses propositions s’inscrivent en effet directement dans la logique du rapport que Catherine Troendlé et moi-même avons commis voilà quelques mois. Son intitulé, Secours à personne : propositions pour une réforme en souffrance, dit assez clairement que beaucoup reste à faire si l’on entend vraiment déployer au mieux les potentialités de notre service public du secours à personne, lequel ne manque pas d’atouts.
Les maux dont il souffre sont d’abord l’imparfaite coordination des responsabilités entre des acteurs multiples, aux moyens financiers divers et, surtout, encore trop enfermés dans des logiques institutionnelles trop souvent élevées au rang de « culture ». D’ailleurs, à en juger par l’intervention de Mme la secrétaire d’État, ces acteurs ont de solides appuis au plus haut niveau…
Constatons notamment l’absence de liens institutionnels forts – les concertations ne sont pas des « liens institutionnels forts » – entre les trois principaux acteurs : le ministère de la santé qui a ses propres exigences, souvent d’ailleurs guidées par un souci d’économies, les services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS, et la sécurité civile. Pour couronner le tout, l’organisation théorique et réglementaire ne correspond que de loin à la réalité des rôles effectifs de chacun sur le terrain. Je reste à la disposition de ceux qui en douteraient.
On comprend donc que la proposition de confier la gestion des secours héliportés à un « service placé auprès du Premier ministre » intégrant l’ensemble des parties prenantes ne pouvait que nous satisfaire. Elle rejoint en effet, sur une question particulière, notre proposition générale d’instituer auprès du Premier ministre une « autorité responsable de l’application du référentiel portant sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente ».
Même à propos des seuls moyens héliportés, confier cette tâche au seul ministère de la santé à travers les ARS n’aurait été ni possible ni souhaitable vu le nombre d’acteurs à intervenir et, surtout, l’importance du rôle de la sécurité civile.
En effet, à ce jour, les SAMU et la sécurité civile, pour ne rien dire de la gendarmerie et des douanes, disposent chacun de moyens d’intervention héliportés propres, implantés et utilisés selon une logique leur appartenant.
Pour les Héli-SMUR, notons 45 appareils loués auprès d’opérateurs privés ; cela a été évoqué.
Pour la sécurité civile, relevons 35 hélicoptères EC145 équipés pour assurer des soins d’urgence. Ils sont capables d’intervenir en milieu difficile et la nuit, ainsi que de réaliser des hélitreuillages, ce qui est rarement le cas des appareils des Héli-SMUR.
Le secours à personne représente 80 % des missions de la sécurité civile. Cela donne une idée de la place qu’il occupe pour la sécurité civile ; ce n’est pas un passe-temps annexe. Cela se retrouve également pour les SDIS, bras terrestres du dispositif.
Comme cela a été rappelé, nous devons à l’Histoire le fait que les interventions de secours en haute montagne, qui font largement appel à l’hélicoptère, soient assurées par la gendarmerie.
Mettre en place une coordination entre les intervenants potentiels par une autorité extérieure aux intérêts et routines des acteurs, mais tenant compte des réalités de terrain et des solutions mises au point localement est d’autant plus nécessaire que cette autorité pourra alors décliner une doctrine globale du déploiement du service public du secours à personne garantissant qu’aucun point du territoire ne sera oublié.
C’est en tout cas ainsi que j’interprète le deuxième alinéa de l’article unique de la proposition de loi : « Ce service établit les règles d’implantation des appareils afin de garantir une couverture optimale du territoire et un accès aux services d’urgence en moins de trente minutes. »
Une autre disposition de la proposition de loi rejoint les préoccupations figurant dans notre rapport : considérer les moyens d’intervention dont on dispose, terrestres et aériens, comme un tout, en laissant – en tout cas, je l’interprète ainsi – le soin à la régulation de décider quel est le vecteur le mieux approprié dans chaque situation particulière.
Ainsi avons-nous proposé la généralisation, sur l’ensemble du territoire, de plateformes communes d’appel 15-18. Sans confondre les compétences et les responsabilités de chacun des acteurs, notamment celles des médecins régulateurs en matière de diagnostic et de soins, cela permettrait l’élaboration d’une culture commune en matière d’urgence et, surtout, l’utilisation au mieux des moyens disponibles.
J’en viens aux moyens héliportés. À nos yeux, compte tenu de son expérience et de sa capacité à mobiliser des moyens extérieurs en cas de catastrophe, l’échelon territorial de mutualisation et d’emploi « le plus adapté », pour reprendre les termes de la proposition de loi, est la zone de défense.
Autant dire que cette proposition de loi, dont j’espère qu’elle pourra continuer sa route, vient à point pour rappeler que, dans les territoires ruraux et les îles bretonnes, l’hélicoptère reste le seul moyen permettant de répondre aux cas les plus graves, ceux pour lesquels les délais d’acheminement jusqu’au centre où ils pourront être traités sont décisifs. C’est aussi cela, « l’égalité réelle ».
La concentration des moyens médicaux dans les villes, au nom de la qualité des plateaux techniques et de l’efficacité des soins, serait une tromperie si seuls les citadins pouvaient en bénéficier.