Intervention de Jean-Vincent Placé

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 26 janvier 2017 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Vincent Placé secrétaire d'état auprès du premier ministre chargé de la réforme de l'état et de la simplification sur l'action du gouvernement en matière de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales en particulier dans le domaine du droit de l'urbanisme de la construction et des sols

Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État :

J'observe également que l'une des mesures de la résolution sénatoriale, visant à établir une charte nationale harmonisant les niveaux d'exigence des Architectes des Bâtiments de France (ABF), trouve un début d'application dans les annonces de Privas, dont la mesure 13 prévoyait la réduction des divergences d'appréciation de la covisibilité d'un monument historique. Désormais, l'avis demandé sera conforme, mais le même type d'avis sera imposé à tout le monde dans le cadre d'un périmètre propre à chaque monument. Cette mesure est incluse dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

D'autres mesures annoncées à Privas concernent l'urbanisme. La mesure 8 vise à faciliter la mise en oeuvre et la généralisation des télé-déclarations en matière d'actes d'urbanisme ; la mesure 9 autorisait les collectivités territoriales à mettre à disposition par voie dématérialisée les documents de l'enquête publique. La révolution numérique est en train de bouleverser les pratiques des collectivités et leurs relations avec les usagers. Je signale d'ailleurs que l'OCDE classe la France au deuxième rang pour l'administration numérique, après la Corée du Sud.

Comme je m'y étais engagé, toutes les propositions de votre groupe de travail ont fait l'objet d'une instruction interministérielle. Les services du Premier ministre ont recensé 75 propositions législatives, réglementaires ou infra-réglementaires faites par le Sénat : 31 d'entre elles ont bénéficié d'un arbitrage positif du Gouvernement, soit 41 %. Je continue à demander que l'on accélère le rythme, mais il faut reconnaître que le résultat déjà obtenu, dans des délais aussi brefs, n'est pas médiocre, compte tenu du fonctionnement de la machine administrative : le SGMAP a donc particulièrement bien travaillé. J'ajoute que ces sujets sont sensibles. Lors des débats budgétaires, nous disions en plaisantant que, derrière chaque niche fiscale, il y avait un chien ; la même remarque vaut pour les normes. Lorsque nous voulons alléger les contraintes pesant sur les cantines scolaires, toutes les fédérations de parents d'élèves nous tombent dessus !

Enfin, la principale difficulté de la simplification concerne la mise en application. Je sais que vous êtes attachés aux instructions du Premier ministre relatives à l'interprétation « facilitatrice » des normes applicables aux collectivités territoriales et à l'accompagnement des élus pour leur mise en oeuvre. Il s'agit d'encourager les services déconcentrés et les préfets à accorder davantage de dérogations. Dans cet état d'esprit, j'ai contribué en juin dernier, avec Emmanuel Macron, à lancer le dispositif France Expérimentation pour les entreprises : lorsqu'une entreprise innovante démontre qu'une législation ou une réglementation s'oppose à son développement, il doit être possible d'y déroger, à titre expérimental. Ce travail doit être davantage poussé, mais l'interprétation facilitatrice, à court terme, permet de donner une marge de manoeuvre accrue aux préfets dans les départements. Je sais que vous êtes les relais de cette démarche, car la parole de l'État doit être unique et authentifiée. En janvier 2016, Manuel Valls a signé une circulaire en ce sens, qui faisait suite à une circulaire de Jean-Marc Ayrault, et je souhaiterais qu'une troisième circulaire soit publiée afin que l'interprétation facilitatrice s'inscrive dans la pratique administrative.

Telle est la méthodologie du Gouvernement. Sans en tirer aucune gloriole, je dois avouer que la simplification est un art difficile. Quelles que soient les options prises par nos concitoyens en mai et juin prochain, je voudrais que nous soyons tous les avocats de ce dispositif, qui doit être intensifié. Le Président de la République a voulu ce choc de simplification, mais peu de choses avaient été faites auparavant. Depuis Philippe le Bel, notre administration s'est complexifiée, produisant de la norme à foison, souvent à bon escient. Le monde a changé, la compétition internationale s'est intensifiée, exerçant une pression accrue, y compris sur les collectivités territoriales, et nous devons adopter une vision plus « industrielle » de la réduction des normes. Nous disposons d'outils mais nous en restons encore à l'artisanat, et je souhaite que chaque formation politique, dans le programme qu'elle présentera aux Français, reprenne cette priorité et cette méthodologie, qui nécessite une vraie force politique. Il ne s'agit pas d'opposer les politiques à l'administration, mais de rallier tout le monde à cette philosophie nouvelle. Actuellement, quand nous créons une norme, nous essayons d'en supprimer une autre ; à terme, il faudra vraisemblablement en supprimer deux. C'est à ce prix que nous serons plus efficaces et que nous améliorerons notre image aux yeux de nos concitoyens.

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