Intervention de Jean-Vincent Placé

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 26 janvier 2017 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Vincent Placé secrétaire d'état auprès du premier ministre chargé de la réforme de l'état et de la simplification sur l'action du gouvernement en matière de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales en particulier dans le domaine du droit de l'urbanisme de la construction et des sols

Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État :

Merci de vos nombreuses questions. Le choc de simplification en cours depuis 2013 progresse, mais pas assez vite. Lors de mon déplacement en Allemagne pour faire du benchmarking, j'ai appris que Mme Merkel avait mis en place une agence de contrôle qui réalise des études d'impact avant chaque texte législatif, les évalue systématiquement au bout de cinq ans et juge si les dispositions de l'ensemble des textes économiques et sociaux votés doivent être ou non maintenues. Cette procédure devrait être totalement généralisée, et les parlementaires devraient pouvoir se saisir des études d'impact avant chaque proposition de loi et, si possible, avant chaque amendement. Les études d'impact sont prévues pour les projets de loi gouvernementaux, le Conseil d'État réalise un travail important, mais l'étude d'impact est souvent sommaire. Chacun doit se saisir du sujet, et j'essaie de faire avancer cette idée depuis mon entrée en fonction. Plutôt qu'un objectif de baisse de fonctionnaires, concentrons-nous sur l'inflation législative et l'efficacité des administrations - la conséquence en serait alors peut-être la réduction du nombre de fonctionnaires, une efficacité accrue et des économies. Les économies de simplification du fonctionnement administratif sont évaluées à 7 milliards d'euros. Intégrons aussi une approche européenne. La méthode doit être amplifiée, je sais que le président Larcher partage cet objectif et je remercie le Sénat pour le travail qu'il a effectué.

Sur les mesures réglementaires, MM. Pointereau, Daunis et Calvet sont très précis. Nous nous sommes saisis des 45 mesures, dont 5 ont été annoncées à Alençon et 4 autres auparavant. Certes, des blocages persistent. À terme, nous devons sortir du confort et de la sécurité des réunions interministérielles, et porter davantage de mesures sur la place publique. Je suis parfois excédé quand il faut lever les blocages sur les sujets publicitaires, les fouilles préventives, les réglementations des zones d'aménagement concerté (ZAC)... Certaines administrations bloquent des résolutions annoncées par le Premier ministre pour la simplification de la vie des entreprises et des particuliers, ce qui nous éloigne de nos concitoyens. Nous avons annoncé 800 mesures depuis trois ans : où en est-on ? Pourquoi des blocages perdurent-ils ? C'est un travail de Sisyphe, passionnant mais frustrant à la fois. Continuons la discussion. J'ai demandé au Premier ministre qu'un nouveau train de mesures soit annoncé début mars, avant la période de réserve.

Le sujet des SDIS a été arbitré difficilement avec le ministre de l'Intérieur. Nous ne pourrons aller plus loin dans la période actuelle, même si le sujet est très sensible. Nous avons pu alléger les normes incendie dans les gares et les stations RATP pour l'installation de boutiques. La question de l'authentification de la parole préfectorale avait inspiré la circulaire de 2016 relative à l'interprétation facilitatrice des normes applicables aux collectivités territoriales. L'administration centrale travaille trop en silo, d'où le rattachement de mon secrétariat d'État directement auprès du Premier ministre. Les départements reproduisent ce système en silo, à cause de la déconcentration en grandes régions : DRAC, DREAL, Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) prennent la parole, et les élus ne savent plus qui dirige. J'en parlerai lundi au Premier ministre. Le préfet doit redevenir le patron, porter la parole de l'État et avoir une marge d'interprétation. Oui, nous avons connu une période « ceinture et bretelles ». Depuis des drames survenus lors de sorties en kayak, plus aucun responsable de groupes d'enfants n'ose en organiser, de même après la chute de panneaux de basket. Et cela a donné lieu à une intensification de la production législative.

Ayons une culture entrepreneuriale, en nous attachant non pas toujours à la lettre même du texte, mais plutôt à son esprit.

Nous avons avancé sur le sujet des recours. Lors de débats très intéressants au Sénat, un accord a été trouvé sur les contentieux avec nos amis écologistes - des professionnels du contentieux ! N'en rajoutons pas. Nous avons augmenté les dommages et intérêts en cas de recours abusif, qui sont passés de 3 000 à 10 000 euros. Sinon d'aucuns abusaient des recours, puisqu'ils ne leur coûtaient pas trop cher...

Nous avons avancé sur le droit général concernant la sécurité incendie des ERP : une mesure proportionne les effectifs incendie au nombre de personnes de l'ERP et à la hauteur de l'immeuble, en tenant compte des conditions locales. Alors qu'aujourd'hui, la même norme vaut pour les grandes et les petites villes.

À la suite du rapport de Jean-Pierre Duport, les délais d'instruction des permis de construire ont été réduits de 10 à 5 mois. Avec tous les outils numériques, nous devons intensifier le travail réalisé. J'ai également annoncé la fusion du permis de construire avec l'autorisation environnementale pour les éoliennes terrestres. Auparavant, il fallait demander l'un puis l'autre, ce qui prenait six ans ! Le délai est désormais ramené à quatre ans et demi, avancée saluée par France Énergie Éoliennes.

J'ai rappelé au Premier ministre et au Président de la République l'importance de la proposition de loi que vous avez votée à l'unanimité. J'avais fait un lobbying important auprès de Jean-Marie le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, et je fais désormais le siège d'André Vallini depuis le remaniement, mais le cabinet du secrétaire d'État a changé. Je n'ai pas de réponse actuellement. À l'Assemblée nationale, la proposition de loi de M. Mézard sur les autorités administratives indépendantes va être débattue dans la niche parlementaire du groupe Les Républicains, grâce à une bonne collaboration. Nous pourrions envisager une procédure similaire, même si elle reste insatisfaisante.

Certaines propositions concernant le secteur du handicap ont été faites dans le rapport Boulard-Lambert sur la simplification ; c'est un sujet extrêmement sensible. Lorsque j'étais vice-président aux transports de la région Île-de-France, j'ai été confronté à l'application de la loi prévoyant un accès pour les personnes à mobilité réduite sur tout le réseau francilien, qui dessert 12 millions d'habitants, y compris dans le moindre petit village du fin fond de l'Essonne qui n'a qu'un arrêt de bus : le coût est colossal. Nous en débattons avec les associations de personnes handicapées. Les professionnels de l'immobilier ont proposé, dans le conseil de simplification de la vie des entreprises, sur un immeuble de cinquante logements, de n'adapter que 10 % des logements - soit deux fois plus que la proportion de personnes handicapées dans la population - au lieu de tout mettre aux normes. Cette idée est intéressante. Travaillons-y avec l'ensemble des partenaires, même si le sujet est sensible.

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