Intervention de Serge Letchimy

Commission mixte paritaire — Réunion du 6 février 2017 à 17h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

Serge Letchimy, député :

Retenir le texte adopté par le Sénat n'est pas acceptable en ce qu'il vient frontalement contredire ce que nous avons voté unanimement il y a moins de deux mois dans la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional. Nous avions travaillé avec le Gouvernement pour éviter toute difficulté d'ordre constitutionnel, sachant bien que les relations extérieures, dont la conclusion d'accords de coopération, constituent une prérogative du pouvoir exécutif. Je crois toutefois que nous nous situons en l'espèce dans un cadre spécifique qui est celui du traité de Lisbonne.

Quel est le sens d'une politique européenne de voisinage lorsqu'on se situe à 8 000 kilomètres de l'Europe ? Comment faire ? Cela n'a d'intérêt que si on intègre cette politique dans la géographie de proximité, celle qu'Aimé Césaire appelait la « géographie émotionnelle ». Nous avons besoin de participer aux actions conduites en Europe mais il faut aussi agir intelligemment dans l'espace caribéen et dans l'océan Indien. Qui sait que la Martinique ne peut juridiquement coopérer avec le Brésil ou les États-Unis, pas plus que La Réunion avec l'Afrique du Sud ? Est-ce compréhensible ?

Je trouve la rédaction proposée très fermée et à l'opposé de la maxime d'Edgar Morin qui rappelle que la première politique est celle de la reconnaissance de l'autre. Le dispositif en vigueur concerne l'outre-mer mais nous avions pris soin d'en faire bénéficier les autres collectivités. En le restreignant, on donne l'impression de conduire une politique carcérale vis-à-vis de l'outre-mer.

La deuxième partie de l'article ne concerne que les compétences des régions d'outre-mer. Nous l'avions bien indiqué précédemment. Je m'étonne que ce point soit rappelé de façon aussi nette. Il me semble que cette précision vise à limiter le champ d'action en associant nécessairement les compétences des collectivités à celles de l'État. Vous m'amputez de la tête et des membres et vous voudriez que je continue à penser et à marcher ! La rédaction adoptée par le Sénat est inutile et blessante. Conserver la rédaction en vigueur est indispensable et marquerait un grand pas pour ces territoires.

Sur ce point, je souhaite que notre commission mixte paritaire puisse voter.

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