Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 7 février 2017 à 14h30
Lutte contre l'accaparement des terres agricoles — Article 10

Stéphane Le Foll, ministre :

Nous sommes là au cœur du débat.

Pour ma part, j’ai cherché, pendant cinq ans, à porter un projet visant à intégrer dans l’agriculture la dimension environnementale, non pas comme une contrainte, mais comme un enjeu économique pour l’avenir de l’agriculture française. Or, à chaque fois, on m’a opposé l’idée que les agriculteurs agissent pour l’environnement et qu’il ne faut donc pas les pénaliser. C’est exactement ce que j’ai fait !

C’est Marion Guillou, ancienne présidente de l’INRA, nommée sous des gouvernements qui n’étaient pas vraiment tentés d’aller trop loin dans la défense de l’environnement, qui m’a proposé de mettre en place les certificats d’économie de produits phytosanitaires.

Après un Grenelle de l’environnement, auquel vous avez participé en tant que professionnel, monsieur Gremillet, où avait été pris l’engagement de baisser la consommation de produits phytosanitaires de 50 % en 2018, cette même consommation avait augmenté de 12 % au moment de mon arrivée au ministère. J’ai dit ici même, lors de ma première intervention, qu’une telle augmentation rendait difficile une diminution de moitié en 2018. Un certain nombre d’ONG m’ont alors accusé de lâcher l’affaire ! Dès lors, comment prétendre que je n’assumerais pas la réalité des faits ?

Il s’agit d’un véritable débat de fond. Selon vous, monsieur le rapporteur, il ne faut surtout pas faire ce qui permettrait d’aller un tout petit peu plus loin, pour enclencher un processus mis en œuvre en 2014 et 2015 : la quantité de produits phytosanitaires utilisée avait alors baissé, ce qui avait été salué par tous, notamment par la FNSEA, dans le cadre d’un communiqué, et avec raison. En effet, quand on est face à des citoyens et des consommateurs qui demandent une diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires et qu’on réussit à le faire, où est le problème ? C’est du bénéfice pour tout le monde !

Si je suis obligé de revenir devant le Sénat sur la question des CEPP, c’est parce qu’un recours a été introduit au Conseil d’État par l’industrie des produits phytosanitaires, par les vendeurs-négociants de produits phytosanitaires et, malheureusement, par les coopératives agricoles.

Certes, les vendeurs pourraient n’être responsables de rien et continuer de vendre leurs produits, les agriculteurs payant l’addition finale.

Avec les CEPP, ceux qui vendent des produits phytosanitaires doivent mener une politique permettant d’introduire des solutions alternatives. Ainsi, on sait que l’on pourrait diminuer de 30 %, dans la viticulture, la consommation de produits phytosanitaires, en modifiant simplement les matériels utilisés. Que faisons-nous ? Ceux qui vendent des produits ne peuvent-ils pas aussi participer à la promotion de stratégies de baisse et de matériels efficaces ? Si ceux qui vendent des produits phytosanitaires ne sont pas incités à vendre des solutions alternatives, que se passera-t-il ? Les agriculteurs ne les utiliseront pas ! On viendra ensuite leur dire qu’ils consomment trop de produits phytosanitaires.

Des sanctions sont donc prévues en 2021-2022 pour ceux dont l’objectif d’une diminution de 20 % du NODU, le nombre de doses unités des produits phytosanitaires, n’aurait pas été atteint. Pour chaque certificat non atteint, la sanction serait de 5 euros. Le petit négociant dont l’objectif serait de 15 CEPP payerait 5 euros s’il n’obtenait que 14 certificats. Il est vrai que le gros industriel, celui qui devrait atteindre 250 000 certificats, pourrait avoir à payer un peu plus de 1, 25 million d’euros. Toutefois, n’est-ce pas simple et logique ? Et s’il atteint ses objectifs, personne ne paiera rien !

Vous voulez remettre en cause la sanction, en arguant que les vendeurs feront payer celle-ci aux agriculteurs. Pourtant, si les vendeurs font leur travail, aucune sanction ne s’appliquera. N’est-ce pas notre intérêt collectif ? On aura ainsi fait baisser de 20 % les quantités de produits phytosanitaires vendues, d’une manière accompagnée, en ayant recours à des solutions alternatives, notamment le biocontrôle, pour le bénéfice de nos rivières, de nos paysages, de nos concitoyens et de nos agriculteurs.

Or vous voulez remettre en cause cette sanction, que j’ai négociée avec la FNSEA. Fixée au départ à 11 euros le NODU, elle a été réduite à 5 euros. Une expérimentation a été lancée, qui satisfait tout le monde, profession agricole comprise. Dès lors, pourquoi revenir sur une telle décision ? Pour satisfaire ceux qui vendent et veulent continuer à vendre ? Si c’est ça, il faut le dire et assumer !

Pour ma part, j’ai été particulièrement fâché du recours introduit au Conseil d’État, qui nous oblige à revenir sur un débat particulièrement long, la négociation ayant duré deux ans.

Les CEPP permettront à la France de respecter, en 2018, la réglementation européenne. J’attends de voir ce qui se passera dans les autres pays de l’Union européenne ! Que vont mettre en place l’Espagne ou l’Allemagne pour respecter les engagements qu’elles ont pris ? J’entends dire qu’il y a de la concurrence. Non ! Nous avons pris de l’avance, si bien que la Commission européenne considère presque que ce mécanisme pourrait être étendu à l’échelle européenne.

Si nous développons le biocontrôle et les solutions alternatives et si la France est un jour en tête dans ce domaine, ne croyez-vous pas que nous exporterons notre savoir-faire ? À qui le statu quo bénéficie-t-il ? Voulez-vous que je dresse la liste des grandes entreprises de produits phytosanitaires ? Une seule d’entre elles est-elle française ? Non ! En revanche, de petites entreprises françaises se lancent dans l’activité de biocontrôle. Tous ceux qui parlent de patriotisme économique devraient prendre en compte ces aspects !

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