Intervention de Philippe Nogrix

Réunion du 13 avril 2006 à 9h30
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Philippe NogrixPhilippe Nogrix :

Cet ensemble de « mesurettes » a un coût : 150 millions d'euros pour le second semestre 2006 et 300 millions pour l'année 2007. Cet argent ne serait-il pas mieux utilisé - selon votre propre diagnostic, monsieur le ministre - si on le consacrait à la formation professionnelle, pour préparer les jeunes à leur entrée dans l'entreprise ?

L'article 40 de la Constitution aurait dû s'appliquer. En effet, cette proposition de loi augmentant les dépenses de l'État, elle ne pouvait être gagée et devait se voir opposer l'irrecevabilité financière. Pour remédier à cela, le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement supprimant l'article de gage.

L'exposé des motifs de cet amendement expliquait : « Pour 2006, les mesures ayant un effet sur le budget de l'État seront financées en utilisant les possibilités de fongibilité des crédits offertes par la loi organique relative aux lois de finances et par une levée de la réserve de précaution portant sur la mission Travail et emploi à due concurrence. »

Il rappelait aussi que la réserve sur la mission Travail et emploi s'établissait à ce jour à 564 millions d'euros et que, « au titre de 2007 et des années ultérieures, les crédits nécessaires au financement de ces mesures [seraient] intégrés au projet de loi de finances initiale ».

Que signifient ces explications embarrassées ? Tout simplement que l'on déshabille Pierre pour habiller Paul. L'élargissement du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, le SEJE, se fera au détriment d'autres programmes de la mission Travail et emploi. Puiser dans la réserve de cette mission n'y changera rien puisque la réserve existe justement pour abonder l'ensemble des programmes de la mission qui en auraient besoin.

Finalement, quels dispositifs et quels publics seront sacrifiés ? Dans le secteur non marchand, ce seront les contrats d'avenir, donc les bénéficiaires des minima sociaux, et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, donc les personnes ayant des difficultés particulières d'insertion dans l'emploi ; dans le secteur marchand, les contrats d'insertion-revenu minimum d'activité, donc à nouveau les bénéficiaires de minima sociaux. La conclusion est évidente : une partie substantielle du plan de cohésion sociale est aujourd'hui sacrifiée par votre proposition de loi !

Dans ces conditions, l'impact de ces mesures sur l'emploi risque d'être nul, les effets d'aubaine et de substitution jouant à plein et les effets de seuil défavorisant les travailleurs âgés de vingt-six ans et plus.

En outre, soit les dispositifs sacrifiés tomberont en déshérence, soit ils seront financés par les collectivités locales : il reviendra encore une fois à celles-ci, en particulier aux départements, de régler la facture in fine. C'est un nouveau transfert de charges non compensé.

Enfin, étant donné le niveau du déficit public, toutes ces mesures seront, au bout du compte, financées par les générations futures : il appartiendra donc aux jeunes de financer l'insertion dans l'emploi qu'on leur propose aujourd'hui !

Et pourtant, les événements de ces dernières semaines dessinent en creux la méthode à suivre. Comme aux heures les plus graves, mais aussi les plus glorieuses, de notre histoire, nous devons tous ensemble nous retrousser les manches. Les Français et les partenaires sociaux sont assez mûrs pour retrouver cet esprit de responsabilité dont l'absence vient aujourd'hui sanctionner le recours aux facilités pratiquées et encouragées depuis des années.

Nous seuls, les politiques, continuons de camper sur des positions, des idées, des schémas, des réflexes d'un autre temps. Ne nous étonnons pas de voir s'accuser le décalage, paradoxe des paradoxes, source des désillusions les plus mobilisatrices et les plus désespérées, entre les représentés et leurs représentants, entre eux et nous, entre la nation et les citoyens, entre les inclus et les exclus, entre les riches et les pauvres, entre la droite et la gauche.

Mais force est de constater, au final, que toutes les questions intéressantes restent en suspens, malgré ce que vous nous proposez.

Combien d'emplois sont attendus de l'extension du SEJE ? Si l'on rapporte les 150 millions d'euros prévus au montant de l'aide mensuelle de 400 euros, ce sont 62 000 emplois qui pourront être créés par votre décision. Les contrats supports pourront-ils être indéfiniment renouvelés par une même entreprise ? En cas de rupture abusive d'un contrat support, le remboursement du SEJE par l'employeur sera-t-il prévu ? Autant de questions qu'il aurait été intéressant de vous poser. Mais il faut voter le texte en l'état !

Dès lors, le groupe de l'Union centriste-UDF, dans sa grande majorité, ne participera pas au vote.

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