sénateur de l'Aveyron, représentant l'Assemblée des départements de France, l'ADF. - Je suis très heureux d'intervenir devant vous au titre de l'ADF, même si j'ai démissionné de la présidence du conseil départemental de l'Aveyron depuis une semaine, pour éviter le cumul des mandats. Mais je connais très bien les routes de l'Aveyron, et le beau viaduc de Millau, construit par un concurrent de Vinci... Je parlerai donc surtout de ce territoire que je connais, même si les départements ont les mêmes préoccupations.
Les départements ont trois dilemmes : la réduction des dotations de l'État ; la nécessité de se substituer à l'État pour cofinancer des infrastructures routières appartenant à l'État ; la forte progression des dépenses de fonctionnement et notamment des dépenses sociales, limitant d'autant les marges de manoeuvre pour les routes.
L'Aveyron compte 6 200 kilomètres de routes, pour un budget de 365 millions d'euros et 280 000 habitants. J'ai choisi de maintenir un niveau élevé d'investissements pour permettre plus d'activité et donc d'emploi. Nous avons le taux de chômage - de 7,5 % - le plus bas d'Occitanie, après la Lozère. Nous investissons en moyenne 245 euros par habitant.
La route nationale RN 88 aurait besoin d'être transformée en autoroute. J'ai contractualisé avec l'État et la région pour la cofinancer. L'État n'a plus les moyens d'investir ni d'entretenir les routes nationales, en mauvais état. J'ai donc investi 50 millions d'euros sur ce tronçon, mais cela vient en déduction des investissements pour mon propre patrimoine. Le désenclavement autoroutier est structurant pour le développement d'un département comme le nôtre afin de maintenir les populations, l'activité et l'emploi. Mais je dois aussi investir dans le très haut débit, dans un aéroport - 3 millions d'euros par an - et dans les autoroutes à la place de l'État.
Pour retrouver des marges de manoeuvre financières, j'ai dû augmenter les impôts de 6,5 % l'année dernière. Ce n'est pas facile dans le contexte actuel, mais indispensable pour investir, créer des emplois et entretenir les routes départementales, qui sont en très bon état. Nous avons été contraints de rationaliser les coûts et de gérer différemment notre patrimoine. Désormais, un seul agent se déplace par véhicule, avec des outils informatiques adaptés. Nous n'avons pas renouvelé 60 agents des routes sur 300. Malgré notre capacité à investir, nous nous heurtons à la grosse machine de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, ou DREAL, qui est davantage un censeur qu'un partenaire, sans parler du Conseil national de protection de la nature, le CNPN, qui met au moins trois mois à rendre un avis. Pendant ce temps, les chantiers sont bloqués malgré le vote des crédits, même si nous avons contractualisé avec l'État et obtenu une maîtrise d'ouvrage déléguée. J'en ai parlé au directeur de cabinet de M. Vidalies : faute du déblocage des crédits de paiement, les entreprises ont arrêté le chantier.
Un million d'euros de travaux sur les routes aveyronnaises ne couvrent pas autant de voirie que la même somme en Picardie ou en Beauce : nous devons déneiger, établir des barrières de dégel... On ne peut pas avoir une règle unique s'appliquant partout - c'est une tentation française, et je pense à mes collègues travaillant sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement... Nous travaillons selon les conditions météorologiques, la pente et l'altitude, et non à partir de statistiques. Entretenir des routes n'est pas la même chose dans le Larzac, la vallée du Lot ou l'Aubrac... Les départements ont d'autant plus de difficultés à financer leur patrimoine qu'ils doivent financer également celui de l'État. Ils sont souvent plus vigilants sur l'état des routes, les affaissements, les ouvrages d'art... En Aveyron, nous avons 3 000 ponts, 1 000 kilomètres de murs de plus de trois mètres de haut. Lorsque le prix du fuel, donc du goudron, fluctue, la différence est incroyable sur les marchés. Récemment, nous avons pu lancer des appels d'offres à des prix normaux, mais si le prix du pétrole augmente de 20 %, cela aura des effets directs sur un chantier de 20 millions d'euros.
En moyenne à l'échelle nationale, 53 agents sont affectés par département à l'entretien de 1 000 kilomètres, contre 38 dans mon département. Nous avons du matériel adapté, et nous avons rationalisé notre organisation grâce aux outils informatiques, à la réduction du nombre de centres d'exploitation et de la masse salariale, pour pouvoir investir. Nous sommes le département qui investit le plus par habitant.