Intervention de David Assouline

Réunion du 13 avril 2006 à 9h30
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Discussion d'une proposition de loi

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'il introduisit l'examen par notre assemblée du projet de loi pour l'égalité des chances le 23 février dernier, M. Jean-Louis Borloo conclut son intervention par l'affirmation suivante : « Le texte qui vous est soumis vise à faire partager notre République à tous. »

Il a réussi ! En effet, avant même sa promulgation, le CPE a fait partager à l'ensemble des organisations représentatives des salariés, des étudiants et des lycéens ainsi qu'à 83 % des Français - excusez du peu ! - un bien commun : le retrait du CPE, enfant mort-né de la politique de l'emploi de M. de Villepin.

Finalement, même vous, monsieur le ministre, vous avez fini par rejoindre ce grand rassemblement républicain et vous vous êtes rendu à l'évidence : la société française n'a pas accepté une mesure que ses gouvernants ont, seuls, cherché à lui imposer.

Dans cette affaire, avant d'aller à Canossa, le Premier ministre a montré son ignorance tant des réalités de la société française que de ses valeurs.

Premièrement, dans la poursuite de son action gouvernementale, il a estimé nécessaire de faire l'impasse sur le dialogue social et la délibération démocratique pour élaborer et faire approuver une réforme importante du droit du travail.

Deuxièmement, il a cru, de cette manière, pouvoir imposer au corps social une mesure effaçant d'un trait de plume des conquêtes essentielles du mouvement ouvrier visant à protéger de jure les salariés, tout en accroissant encore l'incertitude et la précarité pesant sur la jeunesse qui entre dans le monde du travail.

Résultat : une double faillite ! La première est celle d'une politique de l'emploi visant à « flexibiliser » le droit du travail et consistant à faire peser le risque économique plus sur l'employé que sur l'employeur. La seconde est celle d'un système politique au bord de l'effondrement qui a vu un exécutif à deux têtes concentrant tous les leviers de commande du pays se couper peu à peu de la population, des corps intermédiaires et de la représentation nationale, tout occupé qu'il était à chercher les moyens de rester encore au pouvoir pour longtemps.

La France a donc connu en quelques semaines deux crises profondes : une crise sociale et une crise politique.

Dans la presse étrangère, italienne et anglaise, notamment, des observateurs ont dépeint non pas des Français archaïques, rétifs à la réforme, mais des « jeunes générations voulant entrer dans le monde du travail » et ont décrit les manifestations estudiantines comme « une partie d'une révolte plus étendue contre le soutien de l'élite à un projet thatchérien ».

Comment a-t-on pu imaginer en haut lieu faire partager à notre jeunesse le prétendu bien-fondé d'une mesure qui consistait à institutionnaliser une période d'incertitude dans la relation de travail, et ce non pour six mois, mais pour deux ans ?

Faut-il rappeler la situation sociale de nombreux jeunes de ce pays, qu'ils soient non qualifiés, diplômés de l'enseignement supérieur ou qu'ils poursuivent encore leurs études ?

Dans ce contexte, comment ce Gouvernement espérait-il vendre une mesure de précarisation du droit du travail comme un remède aux difficultés sociales d'une jeunesse s'accrochant justement à l'espoir de décrocher un CDI pour enfin accéder à l'autonomie ?

Il est vrai que la droite nous a habitués à ne pas miser sur l'avenir, à ne pas faire confiance à la jeunesse pour prendre sa part au développement économique du pays, comme l'ont montré les arbitrages politiques de ces dernières années, systématiquement défavorables à la recherche universitaire, à la création artistique et à l'enseignement supérieur.

Comment avoir osé intituler cette loi « pour l'égalité des chances » alors qu'elle a supprimé l'obligation de scolarisation jusqu'à seize ans en abaissant l'âge de l'apprentissage à quatorze ans et qu'elle a condamné les jeunes de moins de vingt-six ans à deux ans d'arbitraire dans leur activité professionnelle ?

Promouvoir l'égalité des chances, ce serait au contraire chercher à comprendre pourquoi 300 000 offres d'emploi restent non pourvues dans ce pays faute de candidats. Quelle est la réponse économiquement et socialement viable à ce problème ? La qualification des jeunes, et donc leur formation initiale et professionnelle. §

Quelle est la réponse du Gouvernement ?

Dans un premier temps, offrir avec le CPE des emplois jetables. Aujourd'hui, le dos au mur, élargir des dispositifs d'emploi aidé prévus par le plan de cohésion sociale.

Dans le premier cas, la réponse était désastreuse. Dans le second, elle est inexistante. La preuve : pour justifier le CPE vous avez qualifié ce qui existait avant de « rien ». Maintenant, ce « rien » devient le remplacement du CPE ; c'est dérisoire !

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