Les positions des commissions sur cet article se sont révélées inconciliables, selon le rapport établi par notre éminent collègue André Reichardt.
La commission des lois, désireuse de parvenir à l’adoption d’un texte respectant l’esprit de la proposition de loi, penche pour une exonération partielle des droits de mutation, de 50 %, applicable pendant dix années.
La commission des finances, qui a toujours l’œil rivé sur la programmation des dépenses publiques, ne voyait nul inconvénient à porter le taux de l’exonération partielle à 60 %, sous réserve que la mesure vienne à son terme à la fin de 2020.
La dépense fiscale découlant de l’article 793 du code général des impôts n’est pas évaluée, au contraire de celle liée aux successions, prévue à l’article 1135 bis du même code, mais c’est évidemment à l’aune du débat mené sur les mutations en Corse que nous envisagerons la question que sous-tend cet article. Saluons d’ailleurs ici le travail du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le GIRTEC, qui, malgré la modestie de ses moyens humains et le recours à l’intervention extérieure des offices notariaux ou de généalogistes, a été à l’origine de près de 42 millions d’euros de droits en 2015, ce qui montre le bien-fondé de la démarche engagée en 2012.
Résumons cependant la situation et les perspectives que nous offre ce texte.
De 1801 à 2012, les successions corses ont vécu, si l’on peut dire, sous le régime de l’évaluation d’office issue de l’arrêté Miot.
De 2012 à 2017, un abattement de 30 % aura été appliqué sur la valeur des biens, aux fins d’inciter les propriétaires, par un avantage fiscal temporaire, à se faire connaître.
Puis, de 2017 à 2027, s’appliquerait une incitation plus forte, portée à 50 % de la valeur vénale du bien : une sorte de récompense, en fait, pour ceux qui auraient tardé à se faire connaître.
En l’état actuel des choses, le doublement de l’exonération partielle conduirait à la perte d’une partie des 42 millions d’euros perçus en 2015, signe que la résolution des dossiers encore en souffrance pourrait rapporter plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes fiscales, qui font tout de même défaut depuis trop longtemps maintenant. Car enfin, qui paie des droits de mutation par décès, si ce ne sont des héritiers disposant de quelques biens d’une certaine valeur ?
Depuis la loi TEPA – je le rappelle, pour ceux qui l’auraient oublié, ce qui est loin d’être un détail ici –, le tarif des droits de succession a été quelque peu allégé. Ainsi, un abattement de 100 000 euros est appliqué sur la part de chacun des héritiers en ligne directe. Par ailleurs, je crois me souvenir que la part du conjoint survivant est exonérée de droits. De mémoire, l’actif successoral moyen en France se situe aujourd’hui encore en dessous de 200 000 euros.
L’article 3, dans sa conception générale, ne vise donc qu’à prolonger encore un peu plus une situation transitoire qui ne conforte que la position des ménages les plus aisés, ayant, de plus, tardé à régulariser la situation de leurs biens.