Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 17 janvier dernier au Sénat pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016 et du 25 mars 2016 en matière de droit de la consommation est parvenue à un accord à l’unanimité de ses membres.
Le texte issu des délibérations de la CMP a été adopté par l’Assemblée nationale le 26 janvier. Aujourd’hui, c’est au Sénat qu’il revient de se prononcer.
Dans sa version initiale, le projet de loi revêtait une ambition limitée mais indispensable : donner force de loi à des dispositions qui, bien que relevant du domaine de la loi, seraient restées de nature réglementaire en l’absence de ratification. Pour l’essentiel, ce texte opérait des corrections techniques au travail ô combien nécessaire de recodification du code de la consommation, fruit de dix ans d’efforts destinés à redonner toute son intelligibilité au droit de la consommation, ainsi qu’aux mesures de transposition des règles européennes les plus récentes en matière de crédit immobilier.
En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat ont conforté cette démarche en apportant des correctifs complémentaires. La première lecture de ce texte au Sénat a néanmoins été l’occasion d’y introduire, sur l’initiative de votre commission des affaires économiques, et dans le strict respect des exigences de la procédure parlementaire, des dispositions de fond, qui avaient été considérées par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers législatifs ou comme des mesures contraires à la règle de l’entonnoir dans le cadre de la loi Sapin II. Tel est le cas de l’aménagement des modalités du droit de rétractation dans le cadre des achats de métaux précieux ou du remboursement des frais et taxes aéroportuaires en cas d’annulation de transports aériens outre-mer. Tel est surtout le cas de l’introduction d’un droit de substitution annuel dans les contrats d’assurance emprunteur, qui fait débat depuis de longues années.
L’Assemblée nationale avait adopté ce droit de substitution dans le cadre de la loi Sapin II en l’appliquant indistinctement aux contrats en cours et aux nouveaux contrats. Le Sénat, convaincu de la nécessité d’introduire davantage de concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur, a décidé dans un premier temps de n’appliquer ce droit qu’aux nouveaux contrats, ce qu’on appellera le « flux ». Ce choix, qui ne pose aucune difficulté juridique, a été confirmé par la CMP. Le texte prévoit ainsi que la mesure s’appliquera aux offres de prêts émises à compter de la date de publication de la présente loi.
En revanche, en première lecture, le Sénat a voulu se donner davantage de temps pour examiner l’application d’une telle mesure aux contrats en cours, notamment au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle s’attache à concilier la réalisation de l’intérêt général et la protection légitime des conventions légalement conduites. Il résulte de cette jurisprudence qu’une législation nouvelle ne peut affecter les contrats en cours que pour un motif d’intérêt général suffisant et qu’à la condition que la mesure soit proportionnée à la réalisation de cet objectif.
Après avoir réexaminé cette question avec ma collègue Audrey Linkenheld, rapporteur de l’Assemblée nationale, il nous est apparu que les conditions d’une application de ce droit aux contrats d’assurance en cours étaient remplies au regard de ces exigences constitutionnelles. Forts de cette conviction, nous avons donc proposé un dispositif de cette nature aux membres de la commission mixte paritaire, lesquels l’ont adopté. Il existe en effet un double intérêt général à consacrer l’existence d’un droit de résiliation et de substitution annuel pour les contrats d’assurance emprunteur en cours.
En premier lieu, nul ne conteste le caractère oligopolistique du marché actuel de l’assurance emprunteur. Il se caractérise par la prédominance des produits d’assurance émis par les filiales des grands groupes bancaires, qui sont avantagées de facto par le lien consubstantiel entre l’octroi de crédit et l’assurance qui couvre le risque de non-remboursement de ce dernier. Or cette prédominance a conduit ces sociétés à proposer des primes dont le montant n’est pas justifié par l’importance du risque encouru. Elle garantit avant tout une forte rétribution aux banques avec un commissionnement qui est souvent de l’ordre de 40 à 50 euros pour un montant de primes de 100 euros. Cette situation n’est pas acceptable, car elle n’est pas économiquement justifiable.
Le droit de résiliation annuel permettra aux titulaires de ces contrats – leur nombre est estimé à huit millions et représente un montant cumulé de plus de 6 milliards d’euros de primes – de bénéficier de produits d’assurance certainement moins chers, soit en souscrivant des assurances présentant le même niveau de garantie auprès de compagnies d’assurance concurrentes, soit en poussant les assureurs actuels à accepter par renégociation une diminution des primes prévues dans le contrat initial, et ce afin de conserver leurs clients. Ainsi, les sommes que les assurés n’auront plus à acquitter pour leur assurance pourront être affectées à d’autres usages, notamment à leur consommation quotidienne.
En second lieu, la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation conduit à faire des emprunteurs des consommateurs captifs de contrats dont ils ne sont pas en mesure de s’extraire avant plusieurs années. Compte tenu de l’allongement de la durée des crédits immobiliers, les contrats d’assurance emprunteur peuvent ainsi être conclus pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt ans. Comment accepter qu’il en soit ainsi, alors que l’évolution législative en matière d’assurance, qu’illustre notamment la loi Chatel du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, vise à permettre aux consommateurs de ne plus être captifs d’engagements contractuels sur de très longues durées ? Cette mesure est donc de nature à rééquilibrer la relation contractuelle.
Au regard de ces deux motifs d'intérêt général, l’application du droit de résiliation et de substitution annuel aux contrats actuels apparaît d’autant plus proportionnée que cette mesure ne s'appliquera aux contrats en cours d'exécution à cette date qu'à compter du 1er janvier 2018.
Sur l’initiative de votre rapporteur et avec le soutien de Daniel Gremillet et des sénateurs qui ont participé aux auditions, la commission mixte paritaire a en effet considéré qu’il était souhaitable de prévoir une entrée en vigueur différée de cette disposition, tant pour donner aux établissements bancaires et d’assurance un délai suffisant pour se préparer à l’appliquer, que pour assurer une certaine homogénéité dans l’application de cette prérogative. En effet, en pratique, le droit de résiliation et de substitution annuel ne s’exercera pour les nouveaux contrats qu’en 2018, puisque les consommateurs bénéficient déjà depuis 2014 d’un droit de résiliation au cours des douze premiers mois de la signature de l’offre. Désormais, ce sera donc également le cas pour les contrats en cours.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire est l'aboutissement d'une démarche de rationalisation du droit de la consommation et de renforcement des droits des consommateurs. Au nom de la commission des affaires économiques, je vous invite donc à l’adopter définitivement.
J’ai la profonde conviction qu’en votant cette mesure relative à l’assurance emprunteur le Parlement agit en faveur du pouvoir d’achat des familles. Ainsi, il tend à leur restituer environ 3 milliards d’euros. En outre, cette disposition conforte la relance du secteur du bâtiment et favorise l’accession à la propriété. Il s’agit donc d’une mesure d’intérêt général, qui concilie l’intérêt des familles et l’intérêt économique de notre pays.