Intervention de Alain Néri

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 février 2017 à 9h45
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain NériAlain Néri, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Algérie relatif aux échanges de jeunes actifs. Je crois que c'est un sujet important parce qu'il aide à développer nos relations avec l'Algérie et aussi plus largement, avec l'ensemble de l'Afrique, qui représente aujourd'hui 700 millions d'habitants et 2 milliards, dans vingt ans. Le continent africain sera le continent du XXIe siècle, compte tenu de ses importantes ressources minières, énergétiques et autres. Je crois que nous serions bien inspirés d'avoir une réflexion très large sur l'ensemble de nos relations avec l'Afrique. Aujourd'hui, nous parlons de l'Algérie, pays avec lequel nous avons une volonté de développer nos échanges. L'accord, que nous examinons, ne traite pas uniquement des échanges de jeunes professionnels, mais aussi des volontaires internationaux en entreprises (VIE), afin de sécuriser leur statut. Il est d'une portée relativement limitée certes, puisqu'il bénéficiera potentiellement à 100 jeunes actifs français et 100 jeunes actifs algériens, chaque année. L'Algérie n'ayant jamais reconnu le dispositif spécifiquement français des VIE, qui permet aux entreprises françaises de confier à de jeunes Français, hommes ou femmes, jusqu'à 28 ans, une mission professionnelle à l'étranger, de nature commerciale ou technique, pour une durée de 6 à 24 mois, il convenait de clarifier les choses. Jusqu'en 2013, l'accomplissement d'une mission de VIE tenait à la bonne volonté des administrations algériennes, qui leur octroyaient des visas de long séjour. Depuis 2013, il n'y a plus de VIE du fait, disons, de « tracasseries administratives » liées à des changements de personnels, or les entreprises françaises en Algérie sont particulièrement « demandeuses » et souhaitent pouvoir aussi envoyer certains de leurs jeunes cadres algériens se former en France, d'où la nécessité de renforcer les échanges de jeunes Français vers l'Algérie et de jeunes Algériens vers la France. En octobre 2014, la France a soumis, à l'Algérie, un projet d'accord marquant une volonté de faire avancer ce dossier, sans pour autant modifier l'accord franco-algérien de 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens. Il a été signé lors de la troisième session du comité mixte économique franco-algérien (COMEFA) en octobre 2015.

Avant d'examiner le contenu de l'accord, il convient de réfléchir sur la situation de l'Algérie et je voudrais dresser en quelques mots un petit bilan de nos relations bilatérales : l'Algérie est un des plus grands États d'Afrique - 2,5 millions de km2 - où vit une population d'environ 40 millions d'habitants. Son PIB de 188 milliards d'euros est le 4e PIB du continent africain. Les richesses de son sous-sol la placent au 7e rang des exportateurs mondiaux de gaz et de pétrole en 2015. Depuis 2014, la chute des cours du pétrole, qui représentait 98 % des exportations du pays et environ 70 % des recettes fiscales, pèse sur ses finances publiques et a souligné la vulnérabilité de son modèle économique. Cela pèse également sur la situation intérieure et notamment sociale, suscitant quelques inquiétudes pour les années à venir, voire à plus brève échéance. En 2015, le budget a ainsi connu un déficit de 16,4 % du PIB, mais la croissance est de 3,9 % dans le secteur, hors hydrocarbure. En 2016, le chômage touchait 9,7 % de la population active, qui s'élevait à environ 12 millions de personnes, dont 24,3 % des jeunes de 15 à 24 ans. Il convient de rappeler les liens humains qui lient la France et l'Algérie, avec la présence de 2 millions de ressortissants algériens sur le territoire national et plus de 11 millions de francophones en Algérie. Nos deux pays entretiennent des relations politiques et institutionnelles fortes, comme en témoigne la signature de la déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération, en décembre 2012. Sur le plan économique et commercial, la France est le deuxième fournisseur de l'Algérie après la Chine (16 % de part de marché) et devant l'Italie, avec une part de marché de plus de 10 % et des exportations d'un montant de 5,4 milliards d'euros en 2015, particulièrement des céréales, des préparations pharmaceutiques et des véhicules automobiles. Les importations françaises en provenance d'Algérie se composent à plus de 90 % d'hydrocarbures (hors hydrocarbures, les engrais et les composés azotés représentent le premier poste des importations françaises) et représentaient 4 milliards d'euros en 2015. La France est également le premier investisseur en Algérie hors hydrocarbures et le second, tous secteurs confondus, avec un stock d'investissements directs à l'étranger (IDE) estimé à 2 milliards d'euros fin 2014. Il y aurait, en Algérie, 450 entreprises françaises représentant près de 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects dans tous les secteurs d'activité. En 2015, l'Algérie était le 13e client de la France, son 1er client dans le monde arabe et son 2e client hors pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), après la Chine. En dépit de ses difficultés, l'Algérie reste un marché très porteur pour les entreprises françaises qui continuent à s'y intéresser, mais la position exceptionnelle, que nous y occupions, tend à s'éroder au fur et à mesure que l'Algérie élargit ses partenariats, d'où la nécessité de renforcer notre coopération bilatérale.

Venons-en au contenu de l'accord : conçu sur la base de la réciprocité, cet accord a pour objet d'encourager les échanges de jeunes actifs français et algériens, âgés de plus de 18 ans et de moins de 35 ans, afin de leur permettre d'acquérir une expérience professionnelle susceptible d'améliorer leur carrière, ainsi qu'une meilleure connaissance de l'Etat d'accueil. Les VIE sont expressément visés cette fois-ci. L'emploi dans le pays d'accueil aura une durée comprise entre 6 et 12 mois, qui pourra être prolongée jusqu'à 24 mois. L'accord fixe un contingent global de 200 bénéficiaires par an. Il convient de se rappeler que les accords similaires conclus avec le Maroc (2001) et la Tunisie (2003) se contentent de 100 bénéficiaires. Ce quota, modifiable par simple échange de lettres, semble difficilement réalisable, sans une forte volonté politique de part et d'autre. Côté français, on reste optimiste - en 2010, on avait atteint 70 VIE. Cet accord pose également le principe d'égalité de traitement salarial et prévoit que les jeunes actifs seront soumis aux conventions bilatérales applicables en matière de sécurité sociale et de fiscalité, sauf les VIE qui resteront assujettis au régime français. Enfin, si l'accord encourage la délivrance rapide des titres d'entrée et de séjour, il faudra toutefois veiller à ce que l'Algérie fournisse des détails sur la procédure de délivrance des visas aux jeunes actifs français, si l'on ne veut pas assister à un nouvel abandon progressif des VIE. Pour les ressortissants algériens qui viendront en France, c'est l'accord franco-algérien de décembre 1968 dont je vous ai parlé - dérogatoire au droit commun fixé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et plus favorable - qui s'appliquera.

En conclusion, je pense qu'il est important de développer les relations entre la France et l'Algérie et qu'un bon moyen d'affermir notre partenariat est l'échange de jeunes actifs, ainsi que le développement de la formation et de la connaissance de la vie économique et sociale de nos deux pays. Cet accord ne nécessite pas de modification de l'ordre juridique interne et ne devrait avoir aucun effet négatif sur le marché de l'emploi français. La Partie algérienne a fait savoir qu'elle ratifierait cet accord par un décret présidentiel, dès que la France aurait achevé sa procédure de ratification. C'est pourquoi je recommande l'adoption de ce projet de loi. Il ne peut, en outre, que favoriser la coopération bilatérale.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 16 février 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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