Intervention de Ismail Hakki Musa

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 février 2017 à 9h45
Audition de s.e. dr ismail hakki musa ambassadeur de turquie en france

Ismail Hakki Musa, ambassadeur de Turquie en France :

La Turquie ne change pas d'alliance : elle est membre à part entière de l'OTAN et elle entend y assumer toutes ses responsabilités. Après trois ou quatre ans d'efforts, la situation en Syrie ne s'améliorait toujours pas et nous assistions, impuissants, à l'assassinat d'un peuple tout entier : 700 000 morts ! Nous ne pouvions plus être spectateur. Dès le début de la crise, nous avons noué un dialogue avec la Russie et l'Iran, même si cela n'a pas été perçu de l'extérieur. Il ne s'agit donc pas de changement d'alliance ni de redistribution des cartes.

Lorsque nous avons abattu un chasseur bombardier russe qui violait notre espace aérien, nos relations avec la Russie se sont profondément détériorées. Nos amis, notamment au sein de l'OTAN, nous ont invités, à juste titre, à renouer avec ce pays. Aujourd'hui, les mêmes nous reprochent d'aller trop loin avec les Russes ! Or, la Russie est un partenaire incontournable dans cette région. Si nous avons des relations avec la France depuis six siècles, celles avec la Russie datent d'il y a quatre ou cinq siècles ! En outre, nous commerçons beaucoup avec ce pays. Nous avons donc normalisé nos relations avec la Russie.

Notre position à l'égard de Bachar el-Assad n'a pas non plus changé : comme la France, nous estimons qu'un chef d'État responsable d'une telle tragédie dans son propre pays doit tirer les conclusions qui s'imposent. Nous essayons néanmoins de trouver un dénominateur commun avec nos amis au sein des enceintes internationales.

La Turquie ne s'éloigne pas de l'Europe. C'est plutôt l'inverse qui semble se produire. Nous sommes liés à l'Europe depuis l'accord d'association de 1963. Je tiens à rendre hommage au président Chirac qui a été à l'origine du déclanchement des négociations pour l'entrée de la Turquie dans l'Union. Nous avons ouvert 16 chapitres ; à ce jour, seul un chapitre a été conclu. Parfois à raison, parfois à tort, nos amis européens nous critiquent dans les domaines des droits de l'homme, de la justice, de la sécurité. Mais ils refusent d'ouvrir les chapitres 23 et 24 alors qu'ils traitent précisément des droits fondamentaux, de la sécurité, de la liberté et de la justice. Pourquoi refuser d'ouvrir ces chapitres tout en poursuivant les critiques ? C'est injuste.

J'en viens à la présidentialisation du régime : des amendements constitutionnels ont été adoptés par le Parlement. A l'avenir, nous aurons un Président, des vice-présidents mais plus de Premier ministre. Le Président dirigera l'exécutif. La séparation des pouvoirs sera bien sûr respectée ; les députés seront 600 au lieu de 550 aujourd'hui. Vous devriez nous comprendre, car nos régimes politiques vont se ressembler. N'y voyez rien d'autre. La Turquie reste un pays démocratique, laïque et soucieux du respect des droits fondamentaux. Les quatre articles de la Constitution sont maintenus en tant que tels : seul le système de gouvernement évolue, mais pas le régime politique. Les principes prônés par Atatürk ne sont en rien remis en cause.

Comme cela a été dit, l'image de la Turquie en Europe s'est détériorée à la suite de la tentative du coup d'État. Nous devons faire oeuvre de pédagogie pour que vous compreniez la situation.

Nous ne reconnaissons pas l'annexion de la Crimée par la Russie et nous l'avons dit à tous nos interlocuteurs. Ce n'est pas parce que la Turquie tente de parvenir à une solution à la crise syrienne avec la Russie qu'elle approuve ce que fait ce pays en Ukraine.

La Turquie compte 1 430 entreprises françaises sur son territoire. La France est en septième position en termes d'investissements directs. Depuis l'empire Ottoman, votre pays est pour nous une fenêtre ouverte vers l'occident. Nous sommes très soucieux de la poursuite et de l'approfondissement de nos relations communes tant en matière culturelle, qu'économique, commerciale et humaines. En outre, elles se sont récemment enrichies d'une dimension stratégique. Désormais, nous allons coopérer en matière d'industrie de la défense.

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