Intervention de Stéphane Boujnah

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 février 2017 à 10h00
Compétitivité de la place de paris — Audition de Mme Marie-Anne Barbat layani directrice générale de la fédération bancaires française fbf M. Stéphane Boujnah président du directoire d'euronext n.v. M. Jean-Louis Laurens ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international M. Jean-Frédéric de leuSse président du directoire d'ubs france M. René Proglio directeur général de morgan stanley france Mme Odile Renaud-basso directrice générale du trésor

Stéphane Boujnah, président du directoire d'Euronext N.V :

Nous ne sommes pas ici réunis pour un colloque technique, mais bien pour échanger avec la représentation nationale. Je commencerai donc, si vous le permettez, par évoquer quelques éléments d'information qu'il me semble important de porter à la connaissance du Parlement et de nos concitoyens - sans revenir sur les atouts qui viennent d'être évoqués et qui sont réels.

Tout d'abord, le Brexit est une situation subie qui marque une rupture assez fondamentale par rapport au monde que nous avons connu ces trente dernières années. Nous devons réagir face à une situation qui nous est imposée. Quelle est l'ambition collective que nous souhaitons porter dans ce contexte nouveau ? Avons-nous la volonté de conduire une action coordonnée, une véritable stratégie pour l'emploi avec le levier que représente l'industrie financière ? Ou souhaitons-nous rentrer dans une logique d'observation, de commentaire et de résignation ? Dans ce dernier cas, il est probable que les activités se relocaliseront ailleurs.

En outre, il faut prendre conscience d'un certain paradoxe. Les entreprises mondialisées européennes se situent presque toutes sur le continent, mais leurs banquiers sont à Londres. L'essentiel de l'épargne privée est localisée sur le continent européen - ce qui est logique puisqu'il compte 450 millions d'habitants avec un niveau de vie plutôt supérieur à celui du reste du monde - et pourtant, la plus grande partie de la gestion d'actifs est effectuée à Londres, même si la France dispose aussi d'une belle industrie. La monnaie unique est celle du continent : les citoyens et les États de la zone euro en assurent le fonctionnement, soit implicitement à travers la discipline budgétaire prévue par les traités, soit explicitement en contribuant à des fonds de solidarité pour aider certains pays en difficulté comme la Grèce. Et pourtant, 40 % à 70 % du trading d'actifs en euros est situé à Londres.

Ce paradoxe est compréhensible dans la perspective d'une Europe fédérale - j'emploie ce mot par commodité de langage, mais j'entends par là un destin commun, avec une convergence réglementaire très coordonnée renforcée par certains outils techniques mais puissants comme l'autorité de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Mais dès lors qu'un pays s'extrait de cette logique, la situation devient anormale. Il n'y a aucune raison que 450 millions de citoyens qui disposent d'un gisement d'épargne considérable et que de grandes entreprises mondialisées décident de se résigner à ce que la finance se passe ailleurs. La première condition de l'attractivité, c'est un sursaut et une prise de conscience : aujourd'hui, il y a une opportunité de fermer la parenthèse de la place disproportionnée qu'a pris Londres dans la finance européenne pendant trente ans. Le marché unique n'a pas été créé pour que se constitue une place financière « offshore ». Il a été conçu pour assurer une convergence des économies et des modes de production dans le cadre d'une concurrence équilibrée. Il ne faut donc pas se demander comment nous allons parvenir à cohabiter avec le secteur financier britannique tel qu'il s'est développé depuis trente ans et je suis convaincu que, demain, le rôle de Londres dans la finance européenne sera très différent. Les Britanniques eux-mêmes sont en train de déterminer, dans le cadre de leur démocratie très vibrante, ce qu'ils veulent en faire.

L'enjeu est de taille : nous sommes dans les mois où se dessine la localisation des entreprises qui vont gérer les actifs de 450 millions d'européens. Concernant le nombre d'emplois, je ne dispose pas d'estimations précises mais il est tout à fait considérable, avec des effets d'entraînement significatifs. Paris a de nombreux atouts objectifs pour profiter de cette dynamique, qui résultent pour partie du fait que la France est un pays très centralisé depuis mille ans : nous avons donc une concentration de grandes universités, d'entreprises importantes, d'infrastructures de qualité... Notre capitale est située à deux heures et demie de Londres, c'est l'une des trois plateformes aéroportuaires d'Europe... Bref, à bien des égards, il s'agit d'un lieu « naturel » d'accueil des activités financières qui partiront de Londres.

Cependant, certains marqueurs éloignent de Paris les décideurs. Quels sont ces marqueurs qui envoient un signal très négatif et dont l'impact sur les décisions de relocalisation est disproportionné ? La taxe à 75 %...

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