Morgan Stanley est une banque née aux États-Unis, mais elle est avant tout une banque mondiale. Après la crise de 1929, il y a eu une séparation aux États-Unis entre les banques de dépôts et les banques d'affaires. Morgan Stanley est le résultat de la déconsolidation de la banque Morgan entre, d'une part, la banque commerciale qui s'appelait JP Morgan et, d'autre part, la banque d'affaires, qui s'appelait Morgan Stanley. Je souhaitais rappeler ce contexte historique car la crise de 2007-2008 a rappelé que les risques pris pouvaient avoir un impact sur les épargnants lorsqu'il faut effacer les pertes enregistrées par les banques d'investissement. On a tendance à oublier les leçons du passé.
Morgan Stanley est présente en France depuis cinquante ans. Il y a un immense respect pour la France de la part des établissements non français dont nous faisons partie.
Si j'avais une exhortation à faire, je dirais qu'il faut être pragmatique. L'autosatisfaction ne sert à rien.
Comme l'a rappelé Stéphane Boujnah, la situation que nous connaissons est inédite et doit inviter à réagir. Des décisions seront prises dans les douze ou vingt-quatre prochains mois selon la nature des négociations, mais nous n'aurons pas le temps de réagir si nous ne nous y sommes pas préparés.
Je souscris au panorama qui a été fait par les précédents intervenants. Je rajouterai simplement un point positif pour la France qu'est la qualité du régulateur. Il s'agit d'un point crucial dans les décisions prises à New-York. En effet, la Federal Reserve Bank (FED), l'autorité de régulation américaine, ne souhaite pas connaître à nouveau les affres de la crise de 2007.
Il faut avoir à l'esprit que le régulateur américain veut absolument éviter une nouvelle catastrophe. Or il me semble que la France n'insiste pas assez sur la qualité de sa régulation, qui a permis aux banques françaises de sortir quasi intactes de la crise qui a secoué le monde de la finance. Il y a là un effort pédagogique à fournir auprès notamment de la FED. Il suffit de regarder l'état des banques de nos concurrents pour comprendre que Paris doit nécessairement compter. Ce point ne suppose pas d'effort particulier si ce n'est insister sur la qualité de la régulation française et des banques françaises parce qu'elles ont été soumises à des contrôles très lourds.
En outre, je souhaiterais rappeler que les décisions seront prises par des « managers », qui répondent à des critères de rentabilité pour les actionnaires. Que les employés soient heureux ou non, « écrasés » d'impôts ou pas, cela ne les fait pas sourciller. Le régime d'impatriation n'a donc aucun effet d'entraînement pour les décideurs. J'ai longtemps travaillé pour des entreprises américaines, les américains considèrent que si nous élisons des gouvernements souhaitant taxer à 70 % ou 80 % certains revenus, cela est notre problème. Il faut se garder de se laisser emporter par une philosophie humaniste consistant à croire que le bien-être des salariés est déterminant dans les décisions prises. Cela n'est pas le cas.
Si l'on considère que la France dispose de toutes les qualités rappelées par les intervenants précédents et que Paris dispose d'une culture financière très forte, il faut se demander quels sont les problèmes et tenter de les régler de manière pragmatique.
S'agissant des règles relatives aux licenciements, il convient de regarder qui sont nos compétiteurs. Ce n'est plus Londres, compte tenu du Brexit et des formes qu'il devrait prendre. La vraie compétition se situe à Francfort, voire Dublin, mais Dublin est une petite place financière, certains activités y seront transférées mais pas l'essentiel de celles-ci. Ces activités seront majoritairement transférées sur le continent où deux places seulement comptent : Francfort et Paris.
Or, les règles de licenciement sont pires en Allemagne qu'en France. Il est plus difficile de licencier en Allemagne et l'on peut forcer l'entreprise à réintégrer les salariés licenciés. Nous avons donc des efforts à fournir sur ce point, cela est évident, mais ce n'est pas là que le bât blesse.
Ce qui nous handicape, ce sont les charges sociales - et ça c'est colossal. Et je parle des charges sociales patronales, parce que les charges salariales ne font pas « frémir » à Wall Street, dans la mesure où elles sont payées par les salariés. Quand vous regardez les écarts entre Francfort et Paris sur ce point, vous comprenez qu'on a un très, très gros problème.
Pour conclure, je dirais que je suis convaincu que Paris dispose d'importants atouts, de véritables talents que l'on a formés et qui sont reconnus dans le monde de la finance. Ces personnes iront à Francfort ou Paris selon les décisions prises. Mais le vrai sujet est de savoir comment la France peut tirer profit des talents qu'elle a formés.