Des initiatives de deux ordres ont été prises pour renforcer l'attractivité de la place de Paris.
Nous nous sommes tout d'abord interrogés sur nos atouts et nos faiblesses. Le panorama dressé par les intervenants précédents est très complet. J'insiste, comme René Proglio, sur la qualité des régulateurs. Il s'agit en effet d'un point qui n'apparaît pas comme un critère de choix évident d'implantation mais qui est pourtant un atout déterminant pour la France.
Par ailleurs, des mesures d'organisation pratique destinées à aider les réflexions des acteurs concernés ont été mises en oeuvre. Il est en effet nécessaire d'avoir des éléments de réponse opérationnels sur les capacités d'accueil en termes de bureaux ou de places dans les écoles internationales, etc. C'est l'objet du guichet unique, qui a été mis en place autour de Business France avec la région Île-de-France, la ville de Paris et les pouvoirs publics, et qui vise à répondre à toute demande d'investisseur étranger intéressé.
Une mission a également été confiée à Christian Noyer, ancien gouverneur de la Banque de France, qui a pris contact avec de nombreux investisseurs potentiels pour présenter les avantages de Paris, écouter et répondre à leurs préoccupations, démentir certaines idées fausses et, le cas échéant, répercuter auprès des pouvoirs publics les questions qu'ils peuvent se poser.
Ce dialogue a été très apprécié par les investisseurs potentiels. Cela montre notre crédibilité ainsi que la mobilisation des pouvoirs publics.
Sur les questions de droit de travail et de charges sociales, une mission spécifique a été mise en place avec un inspecteur des finances spécialisé sur ces questions, pour établir un bilan de la réalité de la situation française. D'une part, on se rend compte que la France n'est pas si mal classée par rapport à ses vrais concurrents et, d'autre part, que certains classements internationaux un peu datés ne prennent pas en compte les évolutions récentes. Il est donc important de donner une image fidèle de la situation existante et d'essayer d'identifier les « points durs », spécifiques à la France, qu'il reviendra à la représentation nationale de lever, si elle le juge opportun.
S'agissant des négociations du Brexit et des conséquences que nous en tirerons en termes de régimes d'équivalence et de chambres de compensation, le discours de Theresa May a clarifié un certain nombre de points. La fin du libre-accès des personnes et de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne, deux éléments centraux du marché intérieur, font que le Royaume-Uni ne sera plus dans le marché intérieur.
Les discussions autour des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni n'ont pas commencé. En matière de services financiers, le Royaume-Uni devrait probablement se situer comme un pays tiers.
Des directives prévoient l'existence de régimes d'équivalence pour les pays tiers. Cela n'existe pas en matière bancaire mais c'est le cas pour certains types d'activités financières. Les régimes actuels ne nous semblent clairement pas adaptés à la situation où le du Royaume-Uni sortirait de l'Union européenne. Si l'équivalence des systèmes juridiques est évidente à l'heure actuelle, nous ne savons pas comment les règles britanniques évolueront et seront mises en oeuvre. Or les régimes d'équivalence existants sont peu contraignants sur les mécanismes de supervision dans la durée, et les mesures qui peuvent être prises en cas de divergence sont radicales, à savoir la suspension de l'équivalence. C'est tout blanc ou tout noir.
À cet égard, il nous semble important, pour qu'un régime d'équivalence puisse fonctionner, de prévoir des clauses de revue régulière permettant de s'assurer que les dispositifs juridiques demeurent équivalents, ainsi que des procédures de sauvegarde pouvant être facilement déclenchées en cas de divergence, sans aller forcément jusqu'à la suspension totale. Je pense par exemple à des exigences prudentielles plus fortes.
C'est un élément qui nous paraît extrêmement important car la situation du Royaume-Uni après le Brexit ne sera pas comparable à celle d'un pays tiers dont l'activité est marginale. Il s'agira d'un pays qui constitue actuellement le coeur de l'activité financière de l'Union européenne. En termes de souveraineté européenne, il n'est pas possible d'accepter que l'essentiel des fonctions financières ou que des fonctions financières centrales soient soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l'Union européenne sans avoir un mécanisme tel que la Cour de justice de l'Union, qui constitue le « noeud » du système européen et permet de garantir que le droit est appliqué de la même façon. Je pense que notre vision sur ce sujet est extrêmement claire et partagée par nos partenaires.
La question des chambres de compensation se pose dans les mêmes termes, mais de façon encore plus marquée. Aujourd'hui, l'activité de compensation a pris une grande importance. La réglementation financière postérieure à la crise de 2008 a en effet considérablement renforcé le rôle des chambres de compensation. Alors que l'essentiel de l'activité de compensation est localisée au Royaume-Uni, la Banque centrale européenne avait imposé en 2011 aux chambres centrales de compensation procédant au règlement de transactions en euros d'être localisées dans la zone euro. La Cour de justice de l'Union Européenne a donné raison au recours formé par le Royaume-Uni, non pas pour des raisons de fond, mais au motif qu'elle ne disposait pas de la compétence nécessaire en vertu des traités. Le Brexit entraînerait de fait la compensation d'activité en euros en dehors de la zone euro, alors même que les chambres de compensation vont représenter un risque systémique important, puisque la défaillance d'une chambre aurait un impact sur l'ensemble des acteurs dont les opérations sont compensées dans cette chambre. Le lien avec la Banque centrale reste ainsi extrêmement important. L'enjeu de la souveraineté est également majeur. Comme en témoigne l'exemple de l'augmentation des exigences de collatéral pour la zone euro décidée en 2011, les autorités de supervision britanniques ont déjà, par le passé, pour des raisons de stabilité propres au Royaume-Uni, pris des mesures sans réelle concertation avec leurs partenaires européens ayant entraîné des conséquences pour l'ensemble de la zone euro. Cet épisode montre l'importance d'avoir une vraie supervision et un lien réel avec ces chambres de compensation.
Deux dispositifs sont envisageables pour répondre à cette problématique. La première option repose sur une logique de supervision extraterritoriale, comme aux États-Unis : il pourrait être envisagé de confier la supervision des chambres de compensation du Royaume-Uni aux autorités de supervision européennes. La seconde option serait celle de la localisation, qui consiste, comme cela avait été envisagé par la Banque centrale européenne en 2011, à localiser les chambres de compensation procédant au règlement de transactions en euros dans la zone euro. Cette dernière option nous paraît être celle qui répond le mieux à la double exigence de supervision et de gestion de crise, par exemple en cas de problème de liquidités. La solution extraterritoriale se heurte en effet à la priorité nationale souvent donnée en situation de crise.
Concernant Euronext, les pouvoirs publics français ont d'ores et déjà signalé leurs préoccupations à la Commission européenne relatives, d'une part, aux enjeux de concurrence et de stabilité financière que cette opération engendrerait et, d'autre part, de souveraineté européenne, dans le contexte du Brexit. Si cette question est prioritairement regardée sous le prisme de la concurrence, il nous semble que les deux autres enjeux doivent également être pris en compte.