Je tiens à préciser que je suis un faux ambassadeur mais un vrai gestionnaire d'actifs. J'ai, pendant sept ans, géré les activités de gestion du groupe Rothschild, et, auparavant, celles du groupe Axa.
La gestion d'actifs est un enjeu important du Brexit, et partant, pour la place de Paris. Elle constitue un domaine d'excellence française, même s'il reste néanmoins peu connu : 3 800 milliards d'euros d'actifs sont ainsi gérés en France, ce qui représente le deuxième marché de la gestion d'actifs en volume d'actifs gérés en Union Européenne après le Royaume-Uni, et le premier marché de la zone euro.
Ma présentation des atouts de la France pour la gestion d'actifs aux grands groupes anglo-saxons susceptibles de s'installer en France repose sur trois mots et un chiffre.
Le premier mot est la profondeur. Nous avons en effet en France un marché de la gestion d'actifs non seulement important, mais également fort de cinquante années d'histoire, et extrêmement développé pour toutes les classes d'actifs. Des filiales de banques et de compagnies d'assurance, mais également des entités indépendantes, comme Carmignac, se situent au premier rang européen voire mondial dans les techniques de gestion. La présence d'acteurs de très haut niveau confère de la profondeur aux métiers de la gestion d'actifs. En outre, l'écosystème de la gestion français contribue à la rendre très performante. Gérer une société d'investissement à capital variable (Sicav) en France coûte ainsi le tiers du coût de gestion d'une même société située au Luxembourg.
Le deuxième mot est talent. Si beaucoup de gérants d'actifs londoniens sont très fiers de leurs talents français, la majorité des talents français est localisée à Paris. Nous avons également la capacité d'attirer de plus en plus de talents à Paris : de nombreux étudiants du Moyen-Orient et d'Amérique Latine choisissent d'effectuer leurs études en Europe, et en France en particulier, plutôt qu'aux États-Unis.
Le troisième mot est l'innovation. Les métiers de la gestion d'actifs connaissent de grands bouleversements, dus d'abord à l'évolution des conditions de marché. Nous entrons dans une phase de remontée des taux d'intérêt, que nous constatons déjà, et qui va se poursuivre. Il s'agit d'un changement considérable par rapport aux quinze dernières années de baisse continue des taux d'intérêt qui ont permis à tous les gérants d'actifs d'enregistrer des rendements positifs. La notion de rendement sans risque est également amenée à disparaitre. Enfin, la remontée des taux d'intérêt fera baisser la valeur des actifs qui constituent pourtant le coeur des portefeuilles de nos assureurs, de nos gérants de caisses de retraite et d'OCPVM. Les métiers de la gestion d'actifs vont également être bouleversés par l'innovation technologique, qu'il s'agisse de l'arrivée de l'intelligence artificielle, du Big Data, ou de la blockchain.
Je voudrais parler d'un de nos atouts, qui est moins connu dans son application à la finance : le crédit d'impôt recherche. Une piste de réflexion consisterait à en élargir l'application, afin de faire de Paris le « paradis de la recherche ». En effet, la recherche en finance est importante, car elle permet de développer des algorithmes, de traiter des données de plus en plus nombreuses, et d'utiliser des outils pour optimiser la gestion du risque.
Le chiffre auquel je faisais référence est 17. Il correspond au délai de 17 jours ouvrables dans lequel l'Autorité des marchés financiers (AMF) s'est engagée à répondre aux demandes d'autorisation de produits ou d'activités. Ce délai est bien plus élevé au Luxembourg et à Dublin, où il atteint près de trois mois. Or, nos concurrents en matière de gestion d'actifs post-Brexit ne sont pas à Francfort, davantage une place bancaire qu'une place de gestion d'actifs, mais Dublin et Luxembourg. Les interlocuteurs américains disent d'ailleurs préférer Paris à Francfort pour l'installation de sociétés de gestion d'actifs.
La clé pour renforcer l'attractivité de Paris en matière de gestion d'actifs, notamment aux yeux des sociétés américaines, est la flexibilité. Le taux d'imposition ne me paraît pas être le coeur du problème, dès lors qu'il est calculé au niveau mondial et que le taux d'imposition effectif des sociétés n'est pas aussi élevé qu'on le prétend. La priorité est aujourd'hui d'inclure, dans le « package d'impatriation », des éléments de flexibilité supplémentaire en droit social. En conclusion, je reste convaincu que notre industrie bénéficiera du Brexit si elle s'y prend de la bonne manière.