Trois questions concernent plus particulièrement la FBF.
S'agissant de la question de Philippe Dominati sur les priorités de la place de Paris - sujet sur lequel la mission confiée à Christian Noyer a réalisé un travail important -, les demandes des banques étrangères présentes au sein de notre fédération se résument en deux mots : la cohérence et la stabilité des décisions. Les acteurs bancaires ont besoin de prévisibilité : il vaut mieux changer les choses une fois pour toutes, en matière de fiscalité ou de charges sociales, puis s'y tenir. L'exemple de la suppression de la C3S est éloquent : celle-ci devait s'étaler sur trois ans, mais a finalement été interrompue après la deuxième année. Comment les décideurs peuvent-ils prendre des décisions importantes, par exemple en matière d'implantation, lorsque des annonces sur une période pluriannuelle sont remises en cause chaque année ? À cet égard, il est important que les pouvoirs publics se tiennent à la baisse sur quatre ans du taux de l'impôt sur les sociétés qui a été annoncée.
Sur le plan de la cohérence, rappelons que si la loi de finances pour 2017 a permis la mise en oeuvre des annonces faites par le Premier ministre à Paris Europlace, elle s'est également traduite par une hausse de la taxe sur les transactions financières et l'inclusion des transactions intraday dans son assiette - une disposition qui pose des problèmes de mise en oeuvre considérables alors qu'on l'on sait que son rendement ne sera pas élevé.
Le coût du travail et le droit du travail sont aussi l'une des priorités identifiées. S'agissant du coût du travail, il ressort d'une récente étude de COE Rexecode que le niveau des charges sociales au niveau du SMIC est aujourd'hui quasiment identique en France et en Allemagne, mais qu'il n'en va pas de même pour les salaires plus élevés : pour résumer, le coût de deux ingénieurs en France représente le coût de trois ingénieurs en Allemagne. Cette différence s'applique aux métiers de la finance et aux autres métiers à haute valeur ajoutée.
S'agissant de la flexibilité et l'adaptabilité du droit du travail, en termes de délais et en termes de coûts, les propositions de la FBF doivent encore être approfondies. Je vous citerai toutefois un exemple : la prise en compte de la part variable des rémunérations dans le calcul des indemnités prud'homales, qui est source d'un risque très important.
Il est difficile de répondre à la question de Michel Bouvard sur le périmètre des activités qui devront être obligatoirement transférées et localisées au sein de l'Union européenne, dans la mesure les conditions juridiques du Brexit ne sont pas encore connues avec certitude. Il semble toutefois acquis qu'il ne pourra pas y avoir de maintien du passeport européen, pour les raisons détaillées par Odile Renaud-Basso : sans soumission à la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ni libre circulation, il n'y a pas de marché intérieur.
Il existe aujourd'hui des régimes intermédiaires. Le régime d'association, sur le modèle de l'Espace économique européen (EEE), donnerait au Royaume-Uni un large accès au marché intérieur, mais impliquerait que le pays accepte de contribuer au budget de l'Union européenne et de se soumettre aux règles sans contribuer à leur négociation - il est par conséquent douteux que cette option soit privilégiée. Quant aux régimes d'équivalence, ils n'existent aujourd'hui que dans certains domaines, au cas par cas, et pour des places financières modestes : cette formule ne convient pas à la situation du Royaume-Uni, première place financière européenne. La City évoque la mise en place d'un régime « chapeau » d'équivalence ou de reconnaissance mutuelle.
En bref, le périmètre des activités qui devront être relocalisées au sein de l'Union européenne dépendra de l'issue des négociations, qui est aujourd'hui incertaine.
Cela dépendra aussi du degré d'exigence des superviseurs et des régulateurs quant aux activités sur lesquelles ils entendent exercer un pouvoir précis. Par exemple, il existe en matière de gestion une notion de « délégation » : les régulateurs seront-ils prêts à accepter, comme c'est le cas aujourd'hui, que l'activité elle-même soit localisée hors de l'Union européenne, pourvu que l'entité soit représentée par quelques personnes ? On peut aussi citer l'exemple des chambres de compensation, évoqué par Richard Yung, avec la question des accords de surveillance. Il s'agit là de sujets considérables, et les négociations n'en sont qu'à leur commencement.
Les implications sont importantes. En 2011, par exemple, la décision des superviseurs britanniques sur la hausse des appels de marge, prise de manière non concertée, a eu des conséquences majeures sur la zone euro dans son ensemble. De fait, en période de risque, chaque autorité de régulation tend à se focaliser sur la stabilité financière de son propre pays.
Il importe d'aboutir à une solution dans les deux prochaines années. Je me permets d'insister sur le fait que ces discussions doivent être spécifiques au secteur financier, et ne pas être liées aux autres sujets - par exemple aux discussions commerciales, qui relèvent de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et prendront vraisemblablement plus de temps. Les banques doivent y voir clair le plus vite possible, afin de ne pas créer des distorsions et des règles divergentes.
Enfin, je souhaite répondre aux questions portant sur la stabilité financière et les risques bancaires. Il est faux de dire que les banques françaises se plaignent constamment de la régulation, qu'elles la jugent inadaptée. Nous avons soutenu l'union bancaire, qui vient renforcer la régulation au sein de la zone euro. Nous sommes parfaitement conscients que la que la qualité de la supervision est un atout pour les banques, comme l'a d'ailleurs souligné René Proglio. En témoigne ainsi le niveau des créances douteuses détenues par les banques de chaque pays : 4 % en France, contre 18 % en Italie. C'est une question de bonne gestion de la part des banques elles-mêmes, mais la compétence et l'exigence du régulateur n'y sont pas pour rien. L'enjeu de l'union bancaire, aujourd'hui, est de parvenir à une supervision unique et de qualité au sein de l'ensemble de la zone Euro.
Il est vrai, toutefois, que nous sommes opposés à certaines réglementations au cas par cas. S'agissant des travaux actuels du comité de Bâle, notre opposition tient à ce que les discussions ne portent pas sur le renforcement de la supervision mais sur la comparabilité des modèles d'évaluation des risques. Or depuis quinze ans, l'évaluation des risques repose sur les modèles internes, ce qui a permis aux banques, notamment françaises, de développer des modèles permettant de gérer les risques au plus près - c'est d'ailleurs l'une des explications de la meilleure résistance des banques françaises à la crise de 2008. Notre crainte est qu'une approche standardisée au niveau du comité de Bâle ne débouche sur un retour en arrière, sous l'influence de certaines juridictions - notamment les États-Unis - dont les modèles sont moins exigeants.