Il y a trois points sur lesquels je souhaite revenir : les revendications du secteur financier, comme le demande Philippe Dominati, le périmètre des activités qui devraient être transférées, avec la question de passeport qui est cruciale dans le secteur de la gestion d'actifs, et enfin l'avantage lié à la qualité du régulateur français en matière de gestion d'actifs.
Concernant les demandes du secteur de la gestion d'actifs, notre principal souci est simple : nous avons besoin d'être compétitifs. Or la taxe sur les transactions financières ou la taxe sur les salaires constituent des désavantages comparatifs car les autres pays européens n'ont pas de tels dispositifs fiscaux. Le secteur financier n'a que très peu de contraintes liées à la géographie d'un territoire : la finance est très mobile et, si les conditions ne sont plus réunies pour exercer des activités financières de façon compétitive sur un territoire donné, les entreprises du secteur iront s'installer ailleurs. De façon plus concrète, je pense qu'un élargissement du crédit d'impôt recherche, afin d'en permettre une application accrue à la recherche financière, serait bienvenu. Cette originalité française constitue un atout, comme j'ai pu le constater lors de mes échanges avec des acteurs américains ou anglais. Cette mesure, dont le coût serait limité, pourrait avoir un effet d'entrainement important. Un autre point important est la flexibilité : quand le Royaume-Uni sera sorti du périmètre d'application de la directive Bolkenstein, il pourrait être opportun de prévoir des contrats de détachement d'une durée supérieure à deux ans en les réservant aux plus hautes rémunérations, car il ne s'agit pas d'ouvrir la porte au dumping social. Ces deux modifications permettraient de faire sauter quelques verrous, en partie psychologiques.
S'agissant du périmètre des activités transférées, il faut d'abord noter que la gestion d'actifs est un secteur encadré par une réglementation très stricte. Ainsi, non seulement les entreprises doivent disposer d'un passeport de société de gestion, mais les produits aussi doivent bénéficier d'un passeport. Il y a donc un double passeport : pour les sociétés de gestion d'actifs d'une part, pour les actifs eux-mêmes d'autre part. La directive « Undertakings for Collective Investment in Transferable Securities », dite UCITS, qui régule l'immense majorité des OPCVM en Europe, n'a pas prévu de régime pour les pays tiers : il va donc falloir l'inventer.
Les Britanniques ont tout de suite pensé à contourner ce problème en installant à Dublin ou à Luxembourg des entités « boîte aux lettres » qui bénéficieraient du passeport et le transfèreraient à leur produit. Selon nous, un des éléments-clés de la négociation va être d'éviter qu'on accède au passeport européen à travers une simple boîte aux lettres, et qu'il faille justifier de ressources de gestion et des ressources de contrôle en nombre suffisant pour l'obtenir. Soyons clairs : sur ce point, les intérêts de Paris ne sont pas forcément alignés avec ceux de Dublin ou de Luxembourg. Nous allons donc devoir y travailler.
Dans la mesure où il faudra une entité en Europe suffisamment « musclée », il apparaît pertinent de la situer à Paris, qui dispose d'un écosystème puissant, de ressources qui n'existent pas au Luxembourg ou à Dublin, qui ont des administrateurs mais pas de gérants. Je suis en outre persuadé que le modèle du Luxembourg et de Dublin sera remis en cause par les nouvelles technologies qui vont remplacer les métiers de « processing » : contrôles, formulaires, prospectus à traduire, etc. Attirer les talents de gestion et de recherche en France est toutefois essentiel.
S'agissant du régulateur, l'Autorité des marchés financiers est effectivement un atout concurrentiel de la place de Paris. Cela a été un atout pour le Luxembourg et pour l'Irlande pendant longtemps, cela l'est devenu pour la France. Aujourd'hui, nous disposons d'un régulateur de très bon niveau, extrêmement rigoureux, qui ne tarde pas à mettre en oeuvre les règlementations européennes, mais qui le fait de manière constructive et qui est ouvert au dialogue. Cela n'est pas le cas avec le régulateur irlandais ni avec le régulateur luxembourgeois. Les délais de réponses du régulateur français sont en outre très courts : 17 jours ouvrables. Dans mon activité passée, j'ai mis jusqu'à six mois pour avoir un accord sur un nouveau fonds au Luxembourg, ce qui obère l'accès au marché, surtout dans un univers très réactif.