Intervention de François Grosdidier

Commission mixte paritaire — Réunion du 13 février 2017 à 16h05
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité publique

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Je confirme l'essentiel de ces propos et je salue également l'excellent climat dans lequel se sont déroulés nos échanges préparatoires avec le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Sur l'article 1er, je note avec satisfaction, même si elle apporte une précision supplémentaire, que l'Assemblée nationale confirme les conditions d'usage de l'arme après sommation dans les cas prévus aux 3° et 4° du nouvel article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure - pour stopper des fugitifs ou des véhicules présentant une dangerosité pour la vie d'autrui. La rédaction du texte gouvernemental pouvait imposer à l'agent de justifier d'être certain d'une possible atteinte à la vie, ce qui était absolument impossible à démontrer : dans ces cas, la probabilité peut être extrêmement forte, mais elle n'est jamais absolument certaine.

Le Sénat avait, pour ces deux cas d'ouverture du feu, retenu une rédaction s'inspirant des dispositions applicables au périple meurtrier. Nous avions beaucoup discuté de la temporalité, et nous avions estimé que la condition d'imminence ne s'appliquait pas dans ce cas précis, l'atteinte à la vie pouvant survenir dans un avenir proche sans pour autant être imminente, du fait de l'absence de foule autour de la personne considérée comme dangereuse.

La précision apportée par l'Assemblée nationale nous convient et s'inscrit dans l'esprit du Sénat.

Le premier alinéa de cet article L. 435-1 reprend certes la notion de légitime défense, en l'étendant, en l'adaptant, à des agents qui sont, non pas de simples particuliers amenés à défendre leur vie, mais des agents de la force publique chargés de protéger la vie d'autrui face à un danger et qui n'ont pas nécessairement la possibilité de fuir.

Il nous importait que les polices municipales, qui sont, selon le ministre de l'intérieur, « la troisième force de l'ordre de la République », puissent se prévaloir d'une partie de ces nouvelles dispositions du code de la sécurité intérieure et de la jurisprudence qui en découlera.

Je suis heureux que nous parvenions à un accord sur ces points.

Reste un désaccord : l'interruption du périple meurtrier, au 5°.

Un argument d'ordre technique justifierait qu'on exclue les policiers municipaux de ce dispositif. Le droit doit-il buter sur des considérations techniques ou doit-on d'abord fixer le cadre légal et ensuite y adapter les dispositions techniques ? Certes, les polices municipales ne sont pas dans la même boucle d'informations que la police nationale, la gendarmerie nationale ou les douanes en cas de périple meurtrier. Pouvoir tirer immédiatement et sans sommation nécessite d'avoir une information complète ; or nous n'avons pas la garantie que les policiers municipaux l'auraient. On peut cependant penser que les choses n'en resteront pas là et que, notamment dans des agglomérations où les polices municipales sont particulièrement bien structurées et travaillent quotidiennement en coopération avec la police nationale, il en irait différemment.

Se présentera toujours le cas où le policier municipal ne pourra pas tirer sur un individu engagé dans un périple meurtrier dès lors que celui-ci lui tourne le dos, se présente de profil ou ne le menacera pas directement.

Mettons-nous au moins d'accord, dans cette commission mixte paritaire, pour étendre aux policiers municipaux le bénéfice du 1° du nouvel article L. 435-1, en les rattachant désormais au code de la sécurité intérieure et non plus au code pénal comme n'importe quel autre citoyen. Seront ainsi couverts au moins 90 % des cas où ils peuvent être amenés à faire usage de leur arme.

Nous craignions au Sénat que l'anonymisation soit écartée dès lors que la peine encourue fût inférieure à trois ans de prison, même dans le cas d'une menace grave et sérieuse, proférée de surcroît par quelqu'un d'excessivement dangereux. La rédaction proposée par l'Assemblée nationale répond à cette situation, quand la peine encourue est inférieure à trois ans de prison, sans pour autant systématiser l'anonymisation. C'est une avancée par rapport à la rédaction initiale du Gouvernement. Nous vous proposons conjointement de parfaire ces dispositions.

Sur l'outrage, la rébellion et le criblage, nous sommes d'accord.

La dernière difficulté concerne la sécurité périmétrique des établissements pénitentiaires. Les agents de l'administration pénitentiaire vont être dotés des outils juridiques leur permettant de lutter contre des violations récurrentes de la loi dans les établissements pénitentiaires ou de part et d'autre de leurs enceintes - parloirs sauvages par-dessus le mur, jet d'objets illicites, notamment des téléphones. Beaucoup de prisons sont situées en milieu urbain - Nice, Mulhouse, Paris, etc. - donc le délit est commis depuis la voie publique, sur le trottoir. L'idée était d'offrir à l'administration pénitentiaire la possibilité d'exercer un droit de suite, d'autant qu'elle est souvent à l'origine de la détection de l'acte, sans mobiliser les forces locales de la police ou de la gendarmerie, qui ont souvent bien d'autres choses à faire.

M. le garde des Sceaux m'a adressé une longue lettre, que j'ai lue attentivement, dans laquelle il m'indique qu'il partage les objectifs de cette mesure, mais que celle-ci lui paraît prématurée au regard des incertitudes juridiques qu'elle présente mais également des moyens humains à disposition, du niveau de formation des agents, de l'adhésion du personnel dans le contexte actuel. Il n'a évoqué ce dernier point qu'oralement. Il demande du temps et considère qu'il faut procéder progressivement, une première étape consistant à ne pas retenir pour l'instant la voie publique comme champ d'action de l'administration pénitentiaire.

On peut faire une analyse différente et considérer que la loi fixe un objectif, qui peut être atteint en quelques mois ou quelques années. Puisque nous sommes tombés d'accord au sujet des polices municipales, je ne souhaite pas que cette commission mixte paritaire échoue sur ce point. Là aussi, il faudra de nouveau légiférer à l'avenir, mais au moins, nous aurons marqué une avancée avec ce texte.

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