Vous dites vouloir mettre fin à des pratiques intolérables, mais vous empruntez une voie d’improvisation juridique, celle du délit pénal, qui, cumulée avec l’indignation du Gouvernement sur les amendements sénatoriaux traitant des abus d’expression numériques dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, apparaît quelque peu surréaliste et crée des doutes sur vos véritables intentions.
La commission des lois, par la voix de notre éminent collègue Michel Mercier, a exprimé des doutes sérieux sur la compatibilité juridique du texte qui nous est proposé avec le droit français et européen, auquel il se heurte.
Elle est en contradiction avec la directive européenne du 8 juin 2000 sur les services de la société de l’information, qui encadre très étroitement les responsabilités pénales et la procédure d’interdiction au sujet des infractions en ligne.
Elle est en contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, plus particulièrement avec l’article 11 sur la liberté d’expression et d’information.
Elle est en contradiction avec le principe de proportionnalité entre le but visé et les moyens employés, qui constitue l’un des piliers de la jurisprudence de la Cour de justice.
Permettez-moi de m’interroger : s’agirait-il, par ce texte, de donner un signe, un gage politique ? Dans ce cas, votre sanction est un leurre, qui se heurte au droit et aux principes constitutionnels qui fondent notre démocratie.
Vous empruntez une voie dangereuse ; vous franchissez sans prudence le Rubicon de la liberté d’expression. Si vous être vraiment soucieuse d’efficacité et du respect des libertés démocratiques, vous ne pouvez pas choisir d’envoyer quelqu’un en prison pour des propos, aussi faux soient-ils, tenus sur un site librement consultable. Vous préférerez une écoute attentive de la proposition constructive de délit civil que je présenterai.
Madame la ministre, le sujet dont nous parlons ne peut être l’otage d’un contexte électoraliste.