Pour définir cette entrave, deux hypothèses sont retenues. La première survient lorsque les personnels, médicaux ou non, ou les femmes qui souhaitent recourir à une IVG sont empêchés d’entrer ou de circuler dans ces établissements. La seconde est issue de l’élargissement du délit d’entrave assuré via la loi de 2001 : elle concerne les pressions psychologiques exercées sur les femmes qui souhaitent subir une IVG ou sur leur entourage, mais toujours dans le cadre d’un établissement pratiquant l’IVG.
La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation admet assez facilement le délit d’entrave, mais toujours dans un cadre légal. Elle est fidèle en cela au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.
Or les dispositions de ce texte ne visent plus les agissements physiques qui se produisaient autour des centres d’IVG et pour lesquels le délit d’entrave a été instauré. Elles concernent certaines allégations diffusées sur internet ou directement auprès de personnes qui, après avoir consulté ces sites, prennent contact avec ceux qui les animent.
Dans quelle mesure est-il envisageable de sanctionner pénalement des comportements qui prennent une forme tout à fait différente de ceux pour lesquels le délit d’entrave a été instauré ? Dans quels cas une telle situation devrait-elle justifier une réponse pénale ? Dans quelle mesure le délit d’entrave à l’IVG pourrait-il lui être transposé ? Et comment l’incrimination pourrait-elle être précisément définie ?
Très objectivement, les réponses à ces questions ne paraissent pas évidentes. Pis, le texte adopté par nos collègues députés s’oppose à plusieurs principes, notamment constitutionnels. Michel Mercier l’a clairement démontré dans son rapport. Avec son autorisation, je me permets de reprendre sa présentation.
Pour ce qui est des principes généraux du droit pénal, ce texte contrevient, d’une part, au principe de clarté de la loi pénale et à l’objectif d’intelligibilité de la loi – en effet, ce texte est incompréhensible et Mme Riocreux, rapporteur de la commission des affaires sociales, l’avait elle-même qualifié, en première lecture, d’« inintelligible » ; d’autre part, au principe de légalité des incriminations.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point est claire : le législateur doit aller au bout de sa compétence et définir pleinement les infractions, sans laisser au juge la liberté de le faire. Or, sur ce point, le texte de l’Assemblée nationale entretient un flou important. Selon Michel Mercier et moi-même, le fait de propager « par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse » ne caractérise pas suffisamment une infraction.