Pour ce qui concerne les principes constitutionnels, les dispositions de ce texte portent, selon nous, atteinte à la liberté d’expression.
Madame la ministre, de notre point de vue, il est essentiel de réunir deux principes : d’une part, la liberté de recourir ou non à l’IVG, de l’autre, le respect de la liberté d’expression et d’opinion.
Dans notre droit, la liberté d’opinion est clairement définie par le Conseil constitutionnel. Dans une décision du 11 octobre 1984, le juge constitutionnel estime que le législateur ordinaire ne peut porter atteinte à liberté d’opinion et d’expression que pour la rendre plus effective ou pour la rendre compatible avec une autre liberté de valeur constitutionnelle. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Le droit de recourir à l’IVG est un droit, et non une liberté constitutionnelle.
En effet, comment apporter la preuve irréfutable que la consultation des sites en question est l’élément déclencheur du renoncement au recours à l’IVG ? Au mieux, elle ne peut constituer qu’un élément supplémentaire dans une action en justice, mais je doute que cela aboutisse, ou nous entrerons alors dans une dimension inquiétante de restriction de la liberté d’expression !
Pourquoi avez-vous cette volonté de fragmenter, plutôt que d’aborder la question dans sa globalité en apportant des réponses différentes à des situations différentes, mais issues de la même origine : la numérisation de nos sociétés, la multiplicité des sources et la diversité des canaux d’information ?
Ce texte, objectivement, ne résoudra rien ; il ne sert, une fois de plus, qu’à rouvrir les plaies.
Madame la ministre, mes chers collègues, lors du vote de la loi Veil, le député Eugène Claudius-Petit, qui ne fit jamais mystère de ses convictions, tint ce propos que j’ai déjà cité en première lecture et que je rappelle : « Je lutterai contre tout ce qui conduit à l’avortement, mais je voterai la loi. »
Cette position d’Eugène Claudius-Petit justifierait-elle, aujourd’hui, madame la ministre, la qualification de délit d’entrave ?