Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », proclame la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, aujourd’hui inscrite au fronton de notre Constitution.
Le combat pour l’égalité est constitutif de l’histoire de la France. Pourtant, dans ce pays au sein duquel l’égalité revêt un sens si particulier et si puissant, d’une manière presque unique au monde, certains citoyens souffrent encore de criantes injustices du simple fait de leur lieu de vie.
Actuellement, le taux de mortalité infantile est en moyenne, dans les départements d’outre-mer, celui qui prévalait dans l’Hexagone il y a vingt-trois ans. Le taux de chômage est deux fois plus élevé en Martinique et trois fois plus élevé à Mayotte qu’en France hexagonale. Le taux de pauvreté est trois fois plus élevé à La Réunion que dans l’Hexagone. Rien ne peut excuser les disparités dont souffrent nos 3 millions de concitoyens ultramarins.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque de pareils écarts sont constatés. De tels retards ne seraient acceptés dans aucun département hexagonal. Il est maintenant temps – plus que jamais temps, et vous serez, je crois, tous d’accord avec moi sur ce point – de garantir à nos concitoyens ultramarins l’égalité réelle, c’est-à-dire, au-delà du droit, l’égalité dans les faits.
C’est une question de dignité, et même, de façon plus fondamentale, plus essentielle, plus vitale, une question de fierté.
Ce projet de loi, support de mesures à la fois importantes et concrètes, permettra d’amplifier ce que les gouvernements successifs de cette mandature se sont acharnés avec conviction à réaliser depuis cinq ans : redonner à nos compatriotes la fierté d’être ultramarins, la fierté d’être Français, la fierté d’appartenir à cette République océanique !
Promouvoir une politique de fierté, c’est poursuivre le combat pour la justice sociale. Cette longue marche vers le respect et la dignité est déjà largement entamée.
Permettez-moi de saluer, en cette journée si particulière, la mémoire de Gaston Monnerville, de Léopold Bissol, de Raymond Vergès et d’Aimé Césaire, qui se sont battus, avec opiniâtreté et passion, pour que les outre-mer participent pleinement à la République. C’est grâce à ces quatre parlementaires que la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion sortirent du statut colonial qui était le leur pour devenir des départements français.
Cette belle loi du 19 mars 1946, que nous connaissons tous, fut votée à l’unanimité. Je voudrais souligner le fait, pour moi fondamental, que, en dépit du contexte économique, et notamment budgétaire, très difficile de l’après-guerre, les représentants de la Nation n’ont pas transigé avec les principes de la République : oui, les outre-mer sont la France ! Oui, les outre-mer font la France !
Ce projet de loi vise ainsi à parachever l’égalité sociale dans les quatre départements d’outre-mer, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon, et à accélérer son avènement pour le département de Mayotte.
Grâce au soutien déterminé du Président de la République, François Hollande, qui s’est engagé à faire adopter et à mettre en œuvre le projet de loi dès 2017, et à celui des Premiers ministres Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, les montants de nombreuses prestations sociales, notamment le complément familial, vont être, comme vous le savez, harmonisés avec ceux de l’Hexagone. Il s’agit là de mesures de justice sociale qui permettront aux familles ultramarines de bénéficier des mêmes droits que les familles de la France hexagonale. C’est une belle et grande avancée qui peut être entérinée aujourd’hui !
Promouvoir une politique de fierté, c’est permettre aux territoires de construire, en lien avec l’État, un nouveau modèle de développement pour les outre-mer.
Les politiques publiques seront désormais différenciées et respectueuses des spécificités et des besoins de chaque territoire : c’est toute l’ambition de ce projet de loi.
Les plans de convergence seront déterminés par les départements et collectivités d’outre-mer, en partenariat avec l’État, afin de définir leurs stratégies de développement au plus près du terrain.
Promouvoir une politique de fierté, c’est combattre les discriminations dont souffrent encore les Ultramarins.
Nous interdisons toute discrimination en raison de la domiciliation bancaire des personnes. Trop souvent, nous le savons, nos un million de concitoyens ultramarins résidant dans l’Hexagone se voient refuser leur demande de crédit en raison d’une domiciliation bancaire dans les outre-mer. Cela doit cesser : chacun doit bénéficier des mêmes droits dans ce pays.
Mais lutter contre les discriminations implique également de s’attaquer aux représentations. Les outre-mer s’avèrent encore trop souvent absents des médias nationaux : en ne montrant pas la vitalité, la dynamique, l’élan pris par ces territoires, nous reproduisons les clichés erronés à leur sujet. Nous demandons donc au secteur audiovisuel public d’accroître, dans son cahier des charges, la visibilité des outre-mer, notamment dans ses programmes dédiés à l’actualité.
Il est en effet crucial que les outre-mer soient mieux connus et reconnus. C’est ainsi que nous parviendrons à lutter contre les clichés dont ils souffrent et à réduire les discriminations intolérables et insupportables dont ils sont trop souvent victimes !
Promouvoir une politique de fierté, c’est poursuivre le combat contre la vie chère.
Concrètement, pour ne prendre qu’un exemple parmi les nombreuses dispositions en la matière, les grandes et moyennes surfaces à Mayotte et en Guyane devront négocier un tarif de gros maximal à l’égard des petites surfaces de détail. Cette mesure permettra de contenir les prix pratiqués par les petits magasins alimentaires – je pense aux doukas, à Mayotte – et de soutenir leur activité si nécessaire.
En Nouvelle-Calédonie, nous allons par ailleurs progressivement aligner les prix des services bancaires sur ceux de l’Hexagone. Cela constituera un gain important pour nos concitoyens calédoniens.
Promouvoir une politique de fierté, c’est renforcer la continuité territoriale au bénéfice des Ultramarins.
Les tarifs d’affranchissement des courriers de moins de 100 grammes seront alignés sur les tarifs hexagonaux. Concrètement, envoyer une lettre depuis Fort-de-France vers Paris coûtera autant qu’expédier un courrier depuis Lyon vers la capitale.
De plus, pour les familles faisant face à un deuil, des aides pourront contribuer à la prise en charge du transport du corps du défunt. Cette question difficile est bien connue des Ultramarins résidant dans l’Hexagone. Il s’agit là d’une revendication ancienne, à laquelle nous répondons avec dignité.
Promouvoir une politique de fierté, c’est combattre le mal-logement, qui porte atteinte à la dignité de nos concitoyens.
Concrètement, nous simplifions les procédures afin de construire davantage de logements sociaux et de permettre à chacun de vivre dans un logement décent. C’était un impératif absolu que de lutter contre l’habitat insalubre. Des dispositifs d’accession à la propriété seront créés pour les logements sociaux.
Nous avançons également en matière de logement intermédiaire, afin d’offrir un parcours résidentiel au sein du parc locatif social et de donner de nouvelles perspectives à nos concitoyens.
Nous créons par ailleurs des aides fiscales destinées à la réhabilitation du parc immobilier, privé comme social, vieillissant dans les outre-mer.
Nous souhaitons ainsi offrir la possibilité à toutes les familles, y compris les plus modestes, de s’inscrire dans un véritable parcours résidentiel et d’accéder à la propriété.
Ces dispositions constituent également un soutien aux TPE-PME et à la filière du BTP, et permettent la création d’emplois non délocalisables.
Promouvoir une politique de fierté, c’est également penser de nouvelles mobilités pour les Ultramarins.
La mobilité est encore trop souvent conçue comme « un départ vers l’Hexagone » ; elle doit désormais être vue comme une mobilité depuis l’Hexagone !
Il faut maintenant encourager les « mobilités retours ». Dans cette perspective, le projet de loi permettra d’aider les jeunes à revenir dans leur collectivité d’origine jusqu’à cinq ans après la fin de leur formation en mobilité. Cela représente un véritable progrès, qui leur permettra de terminer leurs études et d’acquérir une première expérience professionnelle avant de revenir dans leur collectivité d’origine pour y exercer leurs compétences.
Des territoires comme la Martinique ou la Guadeloupe sont en effet confrontés à un vieillissement démographique significatif. La Martinique a perdu pas moins de 12 000 habitants en cinq ans et sera, d’ici à 2030, le deuxième département le plus vieux de France. Face à ces grands enjeux démographiques, nous agissons !
Toujours dans l’objectif d’innerver le tissu économique ultramarin grâce à de nouveaux talents, un dispositif de formation en mobilité avec garantie d’emploi au retour sera également expérimenté.
Ce projet de loi instaure également un « passeport pour la mobilité en stage professionnel », qui permettra de financer les titres de transport nécessaires pour effectuer un stage hors du territoire. Cette disposition est fondamentale, car le tissu économique local n’offre pas toujours des possibilités de stage adéquates. C’est une avancée tant pour les étudiants, y compris ceux de STS ou d’IUT, que pour les élèves de terminale professionnelle ou technologique.
Promouvoir une politique de fierté, c’est, enfin, assumer notre histoire et construire une mémoire apaisée. La Polynésie française fut, chacun le sait, le théâtre de 1966 à 1996 de 193 essais nucléaires, visant à doter la France d’un outil essentiel en période de guerre froide : la dissuasion nucléaire.
Si ces essais permirent à notre Nation d’accéder à l’indépendance stratégique et militaire, aujourd’hui vitale, ils n’en eurent pas moins de terribles conséquences du point de vue sanitaire pour nos concitoyens du Fenua comme pour les travailleurs du Centre d’expérimentations du Pacifique.
En ce moment solennel, même historique, je tiens à ce que nous saluions l’engagement que le Président de la République a formulé à Papeete en février 2016. François Hollande, soucieux que la France regarde son histoire avec courage et lucidité, a non seulement reconnu le fait nucléaire, mais également annoncé une refonte de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
L’État fit déjà preuve de justice lorsque, par exemple, il mit fin à l’inégalité de traitement entre militaires retraités français et étrangers – pour la plupart africains – ayant servi dans l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale.
François Hollande a souhaité favoriser la même prise de conscience nationale au sujet des essais nucléaires menés en Polynésie française. Trop souvent, trop longtemps, les victimes des essais ont vu leurs demandes rejetées du fait de critères trop restrictifs.