Intervention de Jean Desessard

Réunion du 14 février 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les territoires d’outre-mer connaissent, depuis des décennies, de graves difficultés sociales et économiques, des inégalités héritées de l’histoire coloniale que la République peine à résorber.

Les problèmes éducatifs, sanitaires, économiques, les difficultés d’accès aux droits, aux services publics ou à l’emploi sont régulièrement dénoncés par les habitants, les associations et les élus de ces territoires, sans que l’on constate d’amélioration notable de la situation. Ce projet de loi vise à répondre à une partie de ces problèmes, et il est très attendu.

Nombre d’entre nous font part depuis des années de ces difficultés. Nous avons pu échanger récemment à ce sujet avec les communautés amérindiennes – Palikours, Wayanas, Kali’nas, Tekos, Wayampis, Lokonos – ou bushinenguées. Ma collègue Aline Archimbaud a rencontré leurs représentants lors de sa mission en Guyane, en 2015, et ceux-ci se sont déplacés à Paris, au mois de novembre 2016, pour exprimer leur colère devant la lenteur des changements, leurs revendications et leurs attentes.

La République est une tout en étant diverse. C’est à la fois une richesse et une source de difficultés lorsque l’on veut réformer. Il faut, à rebours du jacobinisme uniformisant, mettre en place les conditions de l’exercice effectif des droits en analysant chaque territoire et en prenant en compte ses spécificités.

Le groupe écologiste se réjouit que nombre de ses propositions aient été retenues, qu’il s’agisse de l’information des jeunes en matière de santé, du renforcement de la représentativité et de l’extension du champ de compétences du nouveau grand conseil coutumier, en Guyane, ou de la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, pratique dont nous connaissons les ravages, tant sur la santé des populations du fleuve que sur leur sécurité et sur l’environnement.

Enfin, la notion de « risque négligeable » est supprimée de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite Morin, ce qui représente la fin d’une véritable injustice envers les victimes des essais nucléaires. Les victimes, en particulier civiles, pourront être indemnisées au titre de leur exposition aux retombées des essais nucléaires, dont les radiations, je le rappelle, correspondent, en cumulé, à 9 900 fois la bombe d’Hiroshima !

Nous espérons que la nouvelle commission créée la semaine dernière à l’Assemblée nationale par adoption d’un amendement du Gouvernement ne remettra pas en cause cet acquis fondamental. La loi Morin est une loi de présomption et indique clairement que les personnes concernées par l’indemnisation sont les demandeurs et leurs ayants droit. Par conséquent, qu’entend le Gouvernement par « réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires » ? Cette formulation n’est pas complètement claire et peut susciter l’inquiétude des associations et des victimes.

Cela étant dit, ce projet de loi nous inspire aussi quelques regrets.

Le Sénat avait adopté un amendement tendant à poser les fondements de la création d’un observatoire du suicide en Guyane, afin de s’attaquer enfin à ce grave problème et de créer les conditions d’un « mieux-être » pour tous ces jeunes qui n’ont plus d’espoir en l’avenir.

Contrairement à ce qui a été dit pendant les débats, les représentants des populations autochtones de Guyane sont favorables à la création d’un tel organisme. Cette disposition a été, de façon totalement incompréhensible, supprimée par la commission mixte paritaire. Eu égard à l’importance du fléau que représentent les suicides en Guyane, notamment chez les jeunes Amérindiens – il y a encore eu un suicide la semaine dernière –, cette suppression est, à nos yeux, inadmissible. Elle témoigne de l’absence de prise en compte par les parlementaires de ce problème grave. Avec Annie David, alors présidente de la commission des affaires sociales, nous nous étions rendus au Québec pour étudier quelles mesures y avaient été prises pour limiter l’ampleur de ce fléau. Des solutions existent, il est dommage de ne pas traiter cette question en profondeur.

Nous avions également déposé un amendement portant sur l’accès à l’éducation en langue maternelle, qui a été rejeté. Cela nous semble incompréhensible, eu égard au besoin des enfants de pouvoir étudier, au moins en partie, dans leur langue maternelle. En effet, beaucoup ne maîtrisent pas le français en arrivant à l’école. Les langues autochtones doivent être reconnues, surtout si l’on veut lutter contre l’échec scolaire, donner à tous les moyens de réussir et favoriser l’intégration sociale.

Néanmoins, au-delà de ces quelques déceptions, ce texte comporte nombre de bonnes mesures, attendues depuis des années. Aussi le groupe écologiste, tout en souhaitant que le travail se poursuive pour aboutir à une véritable égalité entre les habitants de l’Hexagone et ceux des outre-mer, votera-t-il le texte issu de la commission mixte paritaire.

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