Il y a donc toujours des cordes de rappel.
L’actualité a mis en exergue la question de l’acquisition du foncier, vieux débat dans l’agriculture entre propriétaires et exploitants. Ce débat avait d'ailleurs conduit, voilà bien longtemps déjà, le ministre breton Tanguy Prigent à poser les termes du fameux statut du fermage et du métayage, qui visait à donner un cadre à l’accès des fermiers et des métayers au foncier, à une époque où cet accès était difficile. Ce débat historique prend des formes nouvelles avec l’acquisition de ces 1 700 hectares. D'ailleurs, dans le monde actuel, c’est un sujet très important, puisqu’un certain nombre de pays, voire de grandes entreprises achètent des milliers d’hectares.
Le sujet nous a préoccupés. La loi Sapin II prévoyait un ensemble de dispositifs importants, visant en particulier à donner aux SAFER la capacité de repérer les changements de propriétaires fonciers. Nous avions également suggéré – et notre proposition avait d’ailleurs été adoptée au Sénat et à l’Assemblée nationale – des créations spécifiques de sociétés de portage pour que la SAFER puisse intervenir et préempter les terres dès que c’était nécessaire pour éviter, justement, un accaparement du foncier qui aurait pu léser ensuite les agriculteurs.
Ces sujets délicats ont fait l’objet de débats ; vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur. On est toujours à la limite constitutionnelle, qu’il s’agisse du droit de propriété, de l’accès au foncier, de la liberté des preneurs, des bailleurs de contractualiser. Ces questions sont d'ailleurs juridiquement et techniquement parmi les plus complexes.
Monsieur le rapporteur, avant d’envisager une nouvelle loi sur le foncier, compte tenu de ce qui a été fait, il faut bien réfléchir : on se heurte immédiatement à des sujets fondamentaux. Je m’étais moi-même posé la question du statut du fermage et du métayage au moment du dépôt de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Au-delà des évolutions qu’on connaît, il faut poser des limites, afin d’assurer à tous ceux qui veulent exploiter des terres l’accès au foncier et aux propriétaires l’usufruit de leur bien.
Sur ce sujet très important, je considère qu’un point d’équilibre a été trouvé ; vous y avez grandement contribué, monsieur le rapporteur. À l’heure où nous parlons, et compte tenu des enjeux qui sont posés, notamment en termes d’accès à la terre pour les jeunes agriculteurs, ce point d’équilibre renforce le rôle joué par cet outil spécifique à la France que sont les SAFER. Les modifications de la gouvernance des SAFER ont notamment été actées au travers de la création, dans le cadre de la loi d’avenir, des trois collèges de son conseil d’administration, qui regroupent des représentants des agriculteurs, des collectivités territoriales et des associations environnementales.
Ces trois collèges doivent être un lieu d’élaboration de cette politique foncière spécifique à la France, d'ailleurs copiée par certains pays européens. C’est cette politique qui a permis de consolider l’accès à la terre des jeunes agriculteurs et de renouveler ainsi les générations en agriculture. Elle a aussi permis, il ne faut pas l’oublier, au coût du foncier en France – il est vrai que notre superficie est importante –, d’être beaucoup plus raisonnable que dans d’autres pays, où il a flambé et où l’accès au foncier nécessite des investissements énormes en capital. Les pays dont la superficie est plus faible que la nôtre et qui ont une densité de population importante connaissent une pression foncière forte, faisant inévitablement monter les prix.
Le renforcement du rôle des SAFER, les possibilités de préemption qu’on leur a données constituent aussi une garantie d’accès au foncier à un coût raisonnable ; c’est là un enjeu de compétitivité de l’agriculture. L’augmentation du coût du foncier, avec une inflation supérieure au gain de productivité de l’agriculture, crée une situation de frein à l’accès au foncier et met notre agriculture en difficulté. L’outil de la négociation, l’outil de la gouvernance des SAFER est un point d’équilibre très important pour assurer cet accès au foncier, limiter les risques d’inflation sur cet accès et, en même temps, résister à la pression foncière. En tant qu’élus de collectivités territoriales, vous le savez bien : partout où existe une pression foncière sur l’urbanisme, elle s’exerce sur les terres agricoles.
Les dispositions que nous avons adoptées concernant les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF, qui sont aujourd'hui mises en place dans tous les départements, permettent également d’équilibrer les relations, d’éviter les excès, de mettre un frein aux pressions qui s’exercent sur le foncier et dans le domaine de l’urbanisme.
Cela forme un tout. À l’issue de tous les débats que nous avons eus, apparaît une forme d’équilibre entre ce qui existe, ce qui est la spécificité de la France, avec le rôle joué par les SAFER.
Sur le volet du biocontrôle et des certificats d’économie de produits phytosanitaires, je tiens à vous remercier du travail effectué et, surtout, de l’accord trouvé en CMP, monsieur le rapporteur. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, les certificats d’économie de produits phytosanitaires permettront à chacun d’assumer la part de responsabilité qui lui revient.
On montre souvent du doigt – pas nous, mais dans beaucoup de reportages – les agriculteurs pour leur utilisation importante des phytosanitaires, …