Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour de l’aboutissement de la procédure d’examen de ce texte qui aborde deux sujets à forts enjeux et que le groupe socialiste et républicain votera.
Je reviendrai rapidement sur les dispositifs adoptés, en les replaçant dans le contexte plus large des grandes mutations de nos agricultures.
L’accord trouvé sur la mise en œuvre des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est à souligner, parce qu’il traduit un progrès, et, plus significativement, une maturité certaine dans l’approche de la question sanitaire en agriculture.
La pression sociétale pour une alimentation saine et de qualité justifie pleinement ces dispositions. Je salue le travail du ministre, qui a engagé, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, notre agriculture dans la triple performance économique, sociale et environnementale.
L’accord obtenu en commission mixte paritaire nous renforce dans la confiance dans notre capacité collective à trouver et à mettre en œuvre des solutions efficaces. La dynamique de création de dispositifs alternatifs est bien enclenchée, par les acteurs de terrain eux-mêmes. Il faut s’en réjouir.
Je note aussi que, à l’échelon européen, les choses bougent dans le bon sens ; M. le ministre l’a indiqué. Hier, par son vote, le Parlement européen a appelé à un mécanisme simplifié d’autorisation de mise sur marché, plus rapide et plus facile, des pesticides biologiques à faible risque et des produits de biocontrôle. Cette filière doit se développer comme une alternative efficace aux produits phytopharmaceutiques.
Compte tenu des enjeux de santé évidents – je pense aux perturbateurs endocriniens – et des risques encourus, y compris pour les agriculteurs eux-mêmes, je souhaite qu’une nouvelle législation voie rapidement le jour, afin d’accélérer les procédures d’évaluation, d’autorisation et d’enregistrement des pesticides à faibles risques.
Pour ce qui est de notre texte, et en attendant la généralisation du biocontrôle, je persiste à penser que l’agriculteur ne doit pas supporter seul la responsabilité de l’emploi des produits phytopharmaceutiques.
Comme pour la valeur ajoutée agricole ou agroalimentaire, dont on sait qu’elle est trop souvent trop faible pour le producteur et qu’elle devrait en conséquence être redistribuée plus équitablement sur toute la chaîne de valeur, la responsabilité de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques doit être répartie de l’amont à l’aval, des fournisseurs d’intrants aux metteurs en marché. Le texte va dans ce sens. Il faudra veiller à ce que son esprit ne soit pas détourné en pratique au détriment de l’agriculteur.
En première lecture, j’avais posé la question de la maîtrise du foncier agricole de notre pays comme un enjeu de souveraineté nationale.
Le dispositif que nous avons adopté et que la commission mixte paritaire nous a permis de sécuriser juridiquement aide à faire un grand pas dans ce sens. C’est un point de progrès notable, qui doit nous engager maintenant vers une nouvelle étape, sous la forme d’une loi foncière spécifique qui traiterait du foncier agricole en lien avec l’ensemble du foncier national.
Entre autres questions, la capacité financière des SAFER à intervenir efficacement et la rémunération des externalités positives des espaces ruraux et agricoles – la captation et le stockage de CO2 en sont des exemples – pourraient être utilement abordées en lien avec les espaces métropolitains et urbains.
La prise en compte des externalités positives au bénéfice des agriculteurs pourrait faire l’objet de propositions et d’améliorations dans le cadre de la future politique agricole commune.
Pour ce qui est du pouvoir d’intervention des SAFER, les moyens nécessaires doivent être disponibles pour que la mission que nous leur confions et que nous avons renforcée avec ce texte puisse être correctement exercée.
À partir de là, je propose que le Parlement appréhende la problématique des moyens nécessaires aux SAFER en prenant en compte la réalité des missions, du fonctionnement et des résultats constatés de tous les opérateurs publics du territoire – je pense en particulier aux établissements publics fonciers – qui prélèvent, par la fiscalité directe, des ressources sur les territoires ruraux agricoles qui, en retour, n’en bénéficient pas ou très peu. Au cœur de la loi foncière dont nous pourrions être amenés à débattre prochainement devrait donc figurer l’objectif d’égalité territoriale, de justice territoriale.
Les deux sujets de ce texte nous rappellent que l’agriculture se situe dans un moment de mutation profonde et accélérée. Cela appelle de notre part à tous un bon diagnostic, une problématisation juste et un plan d’action tout aussi pertinent qu’efficient.
L’agriculture est en crise et les éleveurs gersois sont – hélas ! – bien placés pour mesurer ce qu’il en est depuis deux ans dans la filière du foie gras. Mais, au sens étymologique, « crise » signifie aussi « choix », « prise de décision ». À cet égard, l’année 2017 sera essentielle pour l’avenir du modèle de politique agricole commune. Je souhaite que la France fasse valoir l’intérêt de ses paysans et de ses territoires dans le concert agricole européen.
Le Sénat sera force de propositions. Je me réjouis, après les débats nombreux que nous avons eus ici sur le sujet, qu’ait été prise l’initiative de constituer un groupe de suivi de la PAC. Sous la présidence de Jean Bizet, j’aurai l’honneur d’en être l’un des rapporteurs.
Notre agriculture est confrontée, à l’échelon national comme européen, à des défis de sécurité et de qualité alimentaire, des défis économiques, environnementaux, territoriaux et de résilience à l’égard des nombreux aléas dont elle est en permanence l’objet. Pour répondre à ces défis, nous devons faire une analyse juste du fonctionnement de la PAC actuelle et en déduire les objectifs pertinents pour la prochaine, en cours de préparation.
La PAC des années 2020 doit être construite sur les objectifs suivants : la garantie de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité, la contribution aux enjeux climatiques et environnementaux, le développement de la ruralité, la gestion des risques de toute nature pour une agriculture plus résiliente et plus durable, le respect et la prise en compte de la diversité des modèles et l’octroi de soutiens proportionnés.
Sans rentrer dans les détails, l’enjeu de gestion et de couverture des risques économiques, la question du niveau et de la garantie du revenu du producteur agricole conditionneront l’avenir de notre agriculture et le devenir de nombre de nos territoires. La proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, que j’avais présentée avec Henri Cabanel et Didier Guillaume, texte adopté par le Sénat à l’unanimité, pourra être utilement reprise dans cette perspective.