Monsieur le secrétaire d'État, en marge de votre dernière cérémonie de vœux, vous avez insisté sur le fait qu’« une révolution culturelle devait avoir lieu dans le sport professionnel », soulignant cependant que vous n’étiez « ni Nostradamus ni David Copperfield ». Je partage pleinement votre conviction ! §
Nous sommes conscients des difficultés qu’il peut y avoir à réformer en profondeur en France, notamment dans le domaine du sport, mais le modèle de développement du sport français, né dans les années soixante, est aujourd’hui à bout de souffle.
Nous savons que cette proposition de loi ne révolutionnera pas l’organisation du sport professionnel dans notre pays. Nous pouvons cependant la considérer comme la première étape d’un processus qui doit nous amener à réfléchir, en étroite collaboration avec le mouvement sportif, à son avenir, afin de donner à la France les moyens de ses ambitions.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, nous avons adopté des amendements, dont certains ont été supprimés au cours de la navette parlementaire. Nous voulions aller plus loin en matière de financement, avec l’élargissement de la taxe Buffet aux compétitions étrangères diffusées en France dans lesquelles la France est représentée. Cela aurait contribué à rééquilibrer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
En effet, les écarts de financements sont aujourd’hui gigantesques entre les sports très médiatisés et les sports plus « intimistes », qui participent pourtant grandement au rayonnement de la France. Et encore, nous ne parlerons pas ici des différences de financements entre les compétitions masculines et les compétitions féminines. Le modèle de la taxe Buffet est intéressant, mais doit être modernisé ; c’est que nous proposions.
Nous avons ouvert le débat sur l’encadrement de la participation des collectivités territoriales au financement des infrastructures utilisées par les clubs professionnels. Ainsi, mes chers collègues, nous avons soumis à votre vote un amendement visant à limiter le financement des dépenses de construction d’une nouvelle enceinte sportive pour les collectivités territoriales, si cette structure est destinée à être utilisée majoritairement par une société sportive. L’établissement d’une réglementation dans ce domaine nous semble nécessaire pour éviter les dérives. Les clubs doivent être encouragés à devenir propriétaires de leurs infrastructures.
Supprimée, cette mesure devra être remise sur la table dans un avenir proche. Il nous faudra adapter ses conditions d’application et imaginer une contribution nécessaire du secteur privé dans une proportion minimale, dans le cadre des investissements dans les infrastructures sportives.
Nombreux sont les acteurs qui, lors de la première lecture, étaient très sceptiques face à cette disposition. Ils font aujourd’hui le constat qu’elle devra un jour être sérieusement envisagée, afin de protéger nos collectivités, mais aussi nos clubs. L’ouverture des débats à laquelle nous avons contribué est donc une bonne chose pour l’avenir. Cette décision permettra de couper peu à peu le lien, aujourd’hui très fort, mais totalement dépassé, entre collectivités et clubs de sport professionnels.
Aujourd’hui, de nombreux points décisifs, défendus par l’ensemble des groupes politiques, sont présents dans ce texte : l’éthique sportive, l’amélioration de la compétitivité des clubs, avec le contrat commercial, la reconnaissance du droit d’usage du numéro d’affiliation, la lutte contre le streaming illégal et la garantie d’emprunt par les collectivités locales, très attendue par certains clubs professionnels, et bien d’autres.
En toute objectivité, les mesures retenues permettent de faire bouger les choses. L’adoption de la garantie d’emprunt est un signal fort envoyé tant aux clubs qu’aux collectivités. Aujourd’hui, celle-ci est interdite, afin de protéger les collectivités territoriales, mais, nous le voyons bien, la protection de ces dernières passe par l’adoption d’une telle mesure : elle permettra en effet aux clubs d’investir directement et relâchera donc la pression financière sur les collectivités, qui sont aujourd’hui étranglées. Ces dernières n’ont plus les moyens d’investir seules dans des stades ou infrastructures sportives utilisés majoritairement par des clubs professionnels.
La modernisation du statut des agents sportifs ressortissants d’un État membre de l’Union européenne est aussi un point essentiel. Bien que cela ne réponde certainement pas à l’ensemble des questions concernant cette profession, il est aujourd’hui plus que nécessaire de le réguler et d’assurer sa transparence, et ce dans l’intérêt premier des sportifs et du sport.
Je tiens aussi à mettre en valeur la mesure concernant le numéro d’affiliation. Les investisseurs ont besoin d’une telle garantie, qui doit leur permettre d’assurer une viabilité sur le long terme à leur investissement, tout en protégeant les associations sportives qui restent les propriétaires de ces numéros d’affiliation.
La question tant attendue de la rémunération des sportifs est aussi traitée, avec une distinction désormais possible entre salaire et redevance. Cela doit remettre le sport français dans une dynamique compétitive et renforcer l’attrait du sport professionnel français.
L’article 12, que nous avions introduit en première lecture, est lui aussi très important. Il permet d’assurer aux diffuseurs des compétitions sportives une protection contre le piratage illégal de ces contenus, au travers d’un accord professionnel entre les acteurs du milieu. Nous pouvons regretter que l’article ait été modifié par l’Assemblée nationale, ce qui limite sa portée normative, mais l’inscription dans la loi d’une telle mesure est extrêmement importante et pleine de sens : elle a vocation à sécuriser les investissements dans le monde du sport, qui in fine contribuent à son développement.
La disposition prévue à l’article 12 est fondamentale tant pour les acteurs du monde du sport que pour les diffuseurs TV. Le Sénat aura à cœur de veiller à la mise en œuvre effective de cette disposition, la lutte contre le fléau du piratage nécessitant la mobilisation de tous les acteurs.
Bien d’autres dimensions toutes aussi importantes ont été intégrées au texte : encouragement au développement du sport féminin, en lui assurant une plus grande visibilité, gouvernance, lutte contre le dopage et le trucage des compétitions grâce à la création d’un délit de fraude mécanique, introduction du concept de corruption dans le sport, extension des pouvoirs des DNCG, soutien plus poussé en faveur du handisport, rédaction d’une charte éthique sportive, plus grande régulation des jeux d’argents liés au sport ou encore promotion du français à travers le monde.
Tous ces sujets montrent l’ampleur de la tâche qui nous incombe, dans le cadre d’un travail collaboratif avec le mouvement sportif. Une réflexion plus large sur tous ces enjeux doit être menée, afin de moderniser ce domaine essentiel dans notre société, que nous affectionnons tous.
Cette proposition de loi répond à certaines des attentes du monde du sport professionnel. Nous ne pouvons que saluer ces avancées. Eu égard aux délais d’examen du texte, une adoption conforme du texte est aujourd’hui nécessaire, afin que les mesures attendues par le monde sportif soient adoptées et promulguées. Nous faisons donc le choix politique de la raison et c’est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce texte.
Les clubs professionnels, mais aussi les élus locaux et l’ensemble des acteurs du monde sportif, attendent que des signaux forts leur soient adressés. C’est ce que nous faisons, mais nous ne manquerons pas à l’avenir d’engager une réflexion plus large sur ces sujets aujourd’hui si importants, car le milieu sportif est en pleine mutation.
Alors que Paris et la France connaîtront dans moins de sept mois leur avenir olympique, je forme aujourd’hui le vœu que la désignation de la ville hôte en France permette d’insuffler une nouvelle énergie au sport français et de lui donner un profond élan de modernisation.