Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 15 février 2017 à 14h30
Éthique du sport et compétitivité des clubs — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

À l’image du dopage, le soupçon même, sans démonstration ou preuve, fait des dégâts considérables sur la réputation de certaines compétitions et érode violemment les valeurs que celles-ci sont censées véhiculer et illustrer.

L’Assemblée nationale a proposé de « border » de manière importante le dispositif de conventionnement des agents sportifs communautaires. Son insertion au sein d’un nouvel article du code du sport clarifie la situation en faisant de ce système de conventionnement un outil restreint.

Certes, l’exigence de qualification ou d’expérience professionnelle minimale n’est plus de mise pour le conventionnement, mais le droit européen lui-même va faire passer de deux ans à un an l’expérience des agents sportifs communautaires souhaitant exercer de manière occasionnelle en France. La limitation à une convention sportive par saison est essentielle, pour bien entériner le fait qu’il s’agit d’une dérogation pratique, qui, concrètement, ne touchera que quelques joueurs par an.

Les craintes que nous pouvions avoir au regard de la première version du dispositif ne sont plus justifiées grâce à la mise en place de plusieurs garde-fous : la transmission des conventions aux fédérations délégataires, assortie de sanctions en cas de non-respect de cette obligation, ainsi que la nécessité pour l’agent sportif communautaire cocontractant de disposer de l’autorisation d’exercice dans un pays européen.

De même, nous pouvons être particulièrement satisfaits de l’introduction d’une disposition excluant de la fonction d’agent sportif les personnes ou structures condamnées pour des faits de fraude fiscale. Ce nouvel article illustre l’équilibre que nous devons définir, entre la souplesse offerte aux clubs pour assurer leur compétitivité et la prise en compte, sans naïveté ou exagération, de certaines pratiques douteuses, bien que très minoritaires.

La pose d’une nouvelle pierre dans l’infrastructure du contrôle financier de l’activité des agents sportifs doit également être saluée. Le rôle et les pouvoirs accrus des DNCG, y compris en matière de supervision des achats et cessions de clubs, font avancer la sécurité économique des clubs et des joueurs ; on s’achemine vers une des solutions les moins contraignantes, tout en étant efficace pour tenter de mettre de la lumière dans les divers flux financiers qui touchent au sport professionnel.

Il nous faudra veiller particulièrement au fait que les DNCG puissent remplir parfaitement ces missions nouvelles, qui sont cruciales pour la viabilité économique et financière de certains écosystèmes sportifs brassant beaucoup d’argent. Sur ce point également, nous devrons dresser un bilan dans quelque temps, pour nous assurer de la réussite de ce dispositif de contrôle et, le cas échéant, proposer de nouvelles solutions.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place de contrats commerciaux permettant de rémunérer l’image d’un sportif professionnel, les DNCG seront également destinataires de ces documents pour en favoriser le contrôle. Sur cette initiative, il faut d’ailleurs saluer le travail de réécriture de nos collègues députés. Les risques, soulevés à plusieurs occasions, d’un usage détourné de ces droits à redevance en vue d’une forme d’optimisation sociale sont également contingentés.

La définition d’un seuil de rémunération minimale au titre du contrat de travail, ainsi que d’un plafond pour le montant des redevances, est une bonne solution, de même que le renvoi à un accord collectif national ou à une convention collective par discipline. Il me semble effectivement que les écarts importants de rémunération entre les différents sports professionnels rendaient inappropriée une définition monolithique du plafond. Enfin, l’inclusion des URSSAF pour le recouvrement et le contrôle de la contribution sur ces redevances sécurise le dispositif.

En ce qui concerne le plafonnement des subventions des collectivités locales pour les dépenses de construction de nouvelles enceintes sportives, nous avions exprimé notre désaccord. Je suis donc tout à fait rassuré de voir l’Assemblée nationale remettre à plus tard l’introduction d’une telle contrainte. Cela ne signifie pas pour autant que les inquiétudes de fond sur les subventions des collectivités territoriales pour de tels projets ne sont pas justifiées. Toutefois, il nous semble nécessaire de ne pas précipiter l’action avant le temps de la réflexion et d’introduire hâtivement une disposition aux conséquences floues, d’autant plus que celle-ci mettait en péril le principe constitutionnel de libre administration des collectivités.

À l’inverse, la garantie d’emprunt des clubs sportifs pour l’acquisition, la réalisation ou la rénovation de leurs équipements sportifs lèvera l’hypothèque qui pesait sur certains projets de premier ordre à travers le pays, comme le projet d’Arena porté par le club de basket de Strasbourg. Il s’agit d’une véritable avancée, qui permettra d’accompagner la transformation progressive du modèle économique des plus grands clubs sportifs de notre pays.

Face à la montée en puissance de la diffusion en streaming sur internet des compétitions sportives et à la difficulté de combattre le piratage des contenus sportifs, la possibilité de négocier un accord entre les acteurs du sport professionnel et les diffuseurs permettra une amorce de solution à cette situation.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous nous dire de la révision du décret de 2004 fixant la liste des manifestations obligatoirement diffusées en clair ? En particulier, pouvez-vous nous en dire plus sur le groupe de travail qui doit s’atteler à ce chantier et sur l’éventuel calendrier proposé ?

Nous sommes face à un texte que je qualifierai de starter, car il ouvre des perspectives de normalisation et de moralisation dans le sport et d’intégrité dans les comportements, tout en donnant du sens à la Grande Conférence sur le sport professionnel français.

La qualité du texte justifie, a contrario, le passage en première lecture au Sénat. Nous vous remercions de l’attention que vous avez ainsi portée à la Haute Assemblée, monsieur le secrétaire d’État. Par ailleurs, nous nous inscrivons ici dans la continuité de la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

Il faudra aller plus loin dans les années qui viennent sur plusieurs sujets importants. Il s'agit notamment des liens entre sport professionnel et sport amateur, une problématique qui transcende la seule répartition des droits télévisuels, de la reconnaissance des centres de formation des clubs professionnels, sujet évoqué à l’article 6 ter, et de l’amélioration du dialogue social entre les différents acteurs de la filière. Je pense notamment aux observations de la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs, la FNASS.

Nous devrons également aller plus loin sur la transparence des flux financiers générés par les transferts de joueurs et sur la gouvernance du sport professionnel. À cet égard, une mission d’information sénatoriale présentera prochainement ses conclusions dans un secteur circonscrit, celui du football professionnel. Notre modèle d’organisation est particulier ; il implique de multiples opérateurs, au détriment parfois de sa lisibilité.

Nous devrons également inciter davantage les entreprises privées de notre pays à investir dans le sport, notamment dans le sport professionnel. Aujourd'hui, quasiment aucune entreprise du CAC 40 n’investit dans le sport en France. Les clubs professionnels de volley-ball, par exemple, vivent quasiment sous la dépendance des collectivités territoriales. Il nous faudra aussi approfondir la question du sport à la télévision et de son accès gratuit, voire réfléchir à l’assouplissement de certains aspects de la loi Évin, afin d’améliorer la compétitivité des clubs.

Notre souhait de placer le sport au cœur d’un projet national intègre sa composante professionnelle.

Il n’était pas possible de mettre en œuvre les 67 propositions des groupes de travail de la Grande Conférence. Certaines d’entre elles, comme l’implication plus forte de TRACFIN dans le contrôle des opérations de restructuration ou de cession de clubs, l’élargissement de l’assiette de la taxe Buffet aux compétitions sportives étrangères ou encore la mise en forme d’un type de contractualisation entre l’État et les fédérations pour favoriser le développement du sport professionnel féminin, n’ont pas été intégrées dans la proposition de loi. Je forme le vœu que nos futurs travaux, débats et discussions permettent de trouver un support législatif pour ces propositions fortes.

Finalement, nous ne sommes pas parvenus au bout du chemin, mais nous allons sans conteste franchir une grande étape pour le sport et les sportifs professionnels, mais également pour le sport en général. En effet, le sport professionnel se doit d’être irréprochable s’il veut être le moteur du développement des pratiques sportives dans notre pays et un facteur de cohésion sociale.

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