Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 février 2017 à 10h00
Contrat d'objectifs et de moyens 2017-2019 de l'institut français — Communication et examen du projet d'avis de la commission

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

Notre collègue Jacques Legendre vient de rappeler la genèse de l'Institut français, qui a su impulser une nouvelle dynamique à l'action culturelle extérieure.

Plusieurs événements, dont l'abandon de l'expérimentation du rattachement en 2013, puis des changements de président et malheureusement le décès de M. Denis Pietton, sont venus retarder la présentation du projet de COM.

Depuis sa création en 2011, l'Institut français a su imposer sa « marque » et améliorer sa visibilité. La réforme du réseau, engagée au même moment, y a contribué, avec la fusion entre les services de coopération et d'action culturelle et les établissements à autonomie financière. Une nouvelle identité commune s'est imposée, sous la marque « institut français », faisant pendant à la marque « alliance française ».

Cette période a, en outre, permis à l'Institut français de consolider son rôle de soutien et de formation, en appui au réseau tant public qu'associatif.

Une convention de partenariat tripartite a été signée en 2012 entre l'Institut français, le ministère des affaires étrangères et la Fondation Alliance Française, afin de renforcer les synergies entre les deux composantes majeures de l'action culturelle. Cette convention doit être prochainement renouvelée.

Les collectivités territoriales sont, par ailleurs, des partenaires importants de l'Institut français : en 2015, plus de 350 projets ont été menés au sein du réseau culturel, en partenariat avec 26 collectivités.

L'Institut français exerce aujourd'hui un large spectre d'activités :

- Il concourt à l'animation du réseau culturel, au travers d'un dialogue sur la programmation culturelle et artistique avec les postes, et grâce à un soutien financier issu de fonds ou d'appels à projets, dans des domaines très divers.

- Il a formé, en 2015, 1265 agents du réseau dont 40 % d'agents recrutés locaux.

Le projet de contrat d'objectifs et de moyens conforte l'Institut français dans ses missions traditionnelles.

S'agissant des objectifs stratégiques, l'accent est mis, dans le prolongement de l'histoire de l'Institut français et de ses prédécesseurs, sur la promotion de la création contemporaine, de l'émergence artistique, de la jeune création et des expressions innovantes.

Le soutien au développement international des industries culturelles et créatives françaises est privilégié, en cohérence avec l'attention portée par le ministère à la diplomatie économique.

La promotion du français est également une priorité, au motif, invoqué par M. Bruno Foucher lors de son audition, citant Tristan Tzara, que « la pensée se fait dans la bouche », c'est-à-dire que la langue a elle-même une fonction créatrice et qu'elle est susceptible de transmettre certaines valeurs.

L'intention n'est toutefois pas, de la part de l'Institut français, d'exporter une façon unique de penser. Il s'agit plutôt de privilégier le dialogue, les échanges et le débat d'idées, c'est-à-dire une démarche d'ouverture à l'altérité, conçue comme constitutive de la culture française.

La deuxième « Nuit des idées », organisée le 26 janvier 2017, illustre cette démarche, de même que l'organisation des « Saisons croisées » (France-Corée du sud en 2016, France-Colombie en 2017), et la participation prochaine à la Foire du livre de Francfort, dont la France sera l'invitée d'honneur en 2017.

Le développement des outils numériques est encouragé ; dans ce domaine, les deux prochaines années doivent voir la mise en place du projet « IF 360 », qui donnera à des publics du monde entier accès à la production culturelle française.

Le projet de contrat d'objectifs et de moyens invite, en outre, l'Institut français à multiplier les synergies et partenariats.

Nous ne pouvons, je pense, qu'approuver cette volonté d'accroître l'effet de levier des actions de l'Institut français, de renforcer la dimension économique et partenariale de son action, tout en conservant sa vocation première, au service de la création contemporaine française et de la découverte de nouveaux talents.

J'en viens au ciblage géographique des actions de l'Institut français, qui est l'un des axes majeurs du projet de COM.

Sans renoncer à l'universalité de la politique culturelle extérieure française, qui est réaffirmée, le projet de COM adapte les moyens et modes d'intervention par pays. Trois types de pays sont distingués :

- Dans 39 « pays et territoires prioritaires à partenariats de long terme », des contrats cadre triennaux seront signés avec l'Institut français : une dizaine de ces conventions doivent être signés dès 2017. Ces pays, répartis sur tous les continents, sont considérés à fort potentiel du fait de leur qualité de pays prescripteur, émergent, en développement, ou encore en raison des enjeux politiques qu'ils représentent. Figurent ainsi, parmi ces 39 pays et territoires, en raison de leurs enjeux politiques : Cuba, l'Iran, les Territoires palestiniens et l'Ukraine.

- Le « deuxième cercle » de l'action culturelle extérieure sera constitué de « zones géographiques stratégiques », dans lesquelles seront identifiés des « thèmes prioritaires » et où seront développés des projets mutualisés ainsi qu'une expertise à dimension régionale. Par exemple : l'Europe du nord, de l'est et des Balkans, plusieurs zones en Afrique, et des Pays du Golfe, d'Asie du sud-est et d'Amérique du sud, qui ne figurent pas dans la liste des pays prioritaires.

- Enfin, l'ensemble du réseau culturel à l'étranger bénéficiera des ressources numériques développées par l'Institut français.

Cette stratégie de ciblage vise à donner plus de lisibilité et d'efficacité à l'action de l'Institut français. L'universalité risquerait en effet de n'être qu'un vain mot, si elle devait aboutir à une forme de « saupoudrage ».

Toutefois, Jacques Legendre y reviendra, ce ciblage géographique ne peut constituer une vraie vision stratégique que si les moyens sont au moins stables, voire en augmentation ; à défaut il ne se révèlerait être qu'un mode de gestion de la pénurie de moyens, plutôt qu'un principe positif d'action.

Par ailleurs, il convient je pense d'approuver la volonté, exprimée par Bruno Foucher lors de son audition, de conserver une certaine flexibilité dans les priorités retenues, qui doivent demeurer adaptables en fonction des évolutions politiques.

Enfin, nous avons souhaité, en examinant ce contrat d'objectifs et de moyens, ouvrir quelques pistes supplémentaires de réflexion, notamment dans l'hypothèse d'un redressement des moyens, qui permettrait à l'Institut français de se projeter de façon plus positive vers l'avenir.

En premier lieu, la reconfiguration des relations de l'Institut français avec le réseau pourrait être l'occasion d'une réflexion globale sur l'adaptation des dispositifs, c'est-à-dire sur la concordance entre l'offre de culture française et la demande exprimée, probablement différente dans chaque pays.

Il pourrait s'agir, par exemple, de mettre en place des indicateurs plus qualitatifs, s'agissant des relations de l'Institut français et du réseau, au-delà de l'indicateur quantitatif prévu (« nombre de conventions de partenariat établies entre l'Institut français et les postes des pays à fort potentiel »).

En deuxième lieu, le contrat d'objectifs et de moyens évoque peu les modes de diffusion des actions de l'Institut français ainsi que son impact auprès des publics français et étrangers.

Aucun indicateur prévu par le COM ne permet d'évaluer, même imparfaitement, l'impact de notre diplomatie culturelle auprès des publics français et étrangers.

En particulier, bien qu'ils constituent des partenaires réguliers, comme l'a confirmé M. Bruno Foucher, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur français ne sont pas évoqués par le COM. Les relations entre l'Institut français et TV5 Monde sont régies par une convention qui doit être prochainement reconduite. Les relations avec France Médias Monde sont l'objet d'un accord cadre. Ces collaborations sont essentielles, par exemple autour des Saisons croisées, ou à l'occasion du Pavillon des cinémas du monde organisé lors du Festival de Cannes. Elles sont de nature à démultiplier de façon importante l'impact des activités de l'Institut français.

Les partenariats avec ces médias doivent bien sûr être reconduits. Il serait, par ailleurs, utile de publier des indicateurs sur le nombre et l'effet de ces collaborations entre l'Institut français et les opérateurs de l'audiovisuel extérieur. Nous le signalons dans notre avis sur le COM.

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