Intervention de Jacques Legendre

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 février 2017 à 10h00
Contrat d'objectifs et de moyens 2017-2019 de l'institut français — Communication et examen du projet d'avis de la commission

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Les objectifs du texte qui nous est proposé sont louables, parfois même ambitieux. Nous vous proposerons de les approuver.

Néanmoins, ce texte est profondément déséquilibré, puisqu'il s'agit, en réalité, d'un contrat d'objectifs sans moyens suffisants.

Rien ne laisse augurer, dans le texte qui nous est soumis, de la relance pourtant nécessaire de l'action culturelle extérieure de la France.

En loi de finances 2017, comme nous vous l'avions indiqué avec Gaëtan Gorce, lors de la présentation des crédits du programme 185, l'augmentation des crédits destinés à l'indispensable sécurisation des réseaux a masqué, de fait, une poursuite de la diminution des moyens de la diplomatie culturelle et d'influence, à tous les niveaux.

La dotation du ministère des affaires étrangères à l'Institut français, qui représente 71 % de son budget, a diminué de 3 %. Cela représente une baisse de 8 % des crédits d'intervention de l'établissement public.

Depuis 2011, les crédits totaux de l'Institut français ont diminué de 25 % et ses crédits d'intervention de 34 %, car la montée en puissance progressive des partenariats n'a pas compensé cette baisse

Il devient évident que la diminution des crédits d'intervention de l'Institut français risque de le contraindre à restreindre le champ de ses actions, pour des raisons moins stratégiques que purement matérielles.

Du côté du ministère de la culture et de la communication, l'Institut français est considéré comme un dispositif quelque peu marginal. La subvention versée s'élève à 1,4 million d'euros. En y incluant les subventions exceptionnelles, telles que celle qui sera allouée pour l'organisation de la Foire de Francfort, ce ministère devrait verser en tout 2,3 millions d'euros à l'Institut français en 2017.

Or l'effort consenti par le ministère de la culture et de la communication à l'international est évalué, au total à 390 millions d'euros.

Dans ce contexte, il paraîtrait légitime que le ministère de la culture, au titre de sa tutelle conjointe, contribue davantage au budget de l'Institut français, non seulement pour abonder ses crédits d'intervention, mais aussi pour partager avec le ministère des affaires étrangères ses frais de structure.

Cette augmentation de la contribution du ministère de la culture devrait bien sûr permettre une augmentation du budget global de l'Institut français, et non venir compenser la baisse des moyens alloués par le ministère des affaires étrangères.

Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pourrait également se considérer comme davantage concerné qu'il ne l'est actuellement par l'action de l'Institut français.

Quant aux marges de manoeuvre dans le domaine des partenariats, elles ne doivent pas être surestimées :

- le dynamisme des partenariats est conditionné par celui des crédits publics

- la concurrence est vive de la part des acteurs culturels étrangers et français

- le mécénat fonctionne mieux dans certaines parties du monde que dans d'autres, et il est susceptible de limiter la liberté d'action de l'opérateur voire d'engendrer une certaine dépendance.

Or, que prévoit le COM dans son volet « moyens » ? Peu de choses.

Son annexe 2 précise le montant de la subvention du ministère des affaires étrangères pour 2017, déjà connue, qui s'élève à 28,7 millions d'euros. Aucune évolution prévisionnelle des crédits n'est esquissée pour les années suivantes.

Aucun montant n'est fourni, même pour 2017, s'agissant de la dotation du ministère de la culture.

Évidemment, même si le COM comportait des prévisions de ressources, celles-ci ne sauraient prévaloir sur l'annualité des lois de finances, principe qui impose que les prévisions pluriannuelles puissent toujours être remises en cause.

Néanmoins, un contrat d'objectifs et de moyens doit normalement permettre à un opérateur de bénéficier d'une visibilité quant à l'évolution de ses ressources, en contrepartie d'engagements sur des objectifs de résultat.

Une telle visibilité serait d'autant plus légitime, s'agissant de l'Institut français que celui-ci est lui-même invité à s'engager dans des contrats cadre triennaux avec le réseau.

Le COM s'apparente donc plus à une lettre de mission qu'à un véritable « contrat », tant les engagements de part et d'autre sont déséquilibrés.

A défaut de prévisions de ressources, le projet de COM porte une grande attention à la « consolidation des capacités de pilotage » de l'Institut français.

Il lui est demandé de poursuivre la diversification de ses ressources, pour parvenir à 17 % de ressources propres en 2019.

Cette consolidation du pilotage de l'Institut français est souhaitable, notamment concernant la nécessaire diminution de ses importantes charges de structure. Des engagements fermes ont été pris, sur le plan de l'immobilier, alors que la structure et les missions de l'Institut français n'étaient pas encore durablement définies. Les coûts de structure de l'Institut français doivent être adaptés au contexte actuel.

La consolidation du pilotage ne suffira toutefois pas à dégager les ressources nécessaires à la relance de la diplomatie culturelle que nous appelons de nos voeux.

En conclusion, la dimension culturelle est une composante essentielle de la diplomatie dans le contexte actuel. Cette dimension est de plus en plus concurrentielle, de nombreux pays ayant décidé d'investir ce champ de l'influence, dans lequel la France a été historiquement pionnière.

Nous bénéficions d'atouts importants, dont un réseau culturel de dimension universelle, et un opérateur, l'Institut français, qui a su trouver une voie constructive et mettre en oeuvre une action reconnue pour sa qualité, sa richesse et sa dimension innovante.

Néanmoins, sans moyens suffisants, notre réseau risque de se retrouver dans la situation d'une armée sans munitions. C'est pourquoi il me paraît urgent d'organiser une remontée en puissance de notre diplomatie culturelle.

En conséquence, il me paraît difficile d'être pleinement favorable à ce COM, dont nous approuvons pourtant la totalité des objectifs. Nous devrons être vigilants quant à l'évolution des crédits de l'Institut français lors du prochain débat budgétaire. Je vous propose donc de faire parvenir aux tutelles de cet opérateur un avis qui soutienne les orientations du COM mais dénonce l'absence de moyens suffisants pour les mettre en oeuvre.

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