En 2007, M. Poutine avait fait à la conférence de Munich un discours très virulent contre les États-Unis, dénonçant leur domination sur le monde et le contournement du Conseil de sécurité. Dix ans plus tard, la Russie se permet les mêmes comportements qu'elle avait dénoncés, et contredit ainsi son propre discours. Elle affaiblit les institutions multilatérales en mettant en avant d'autres structures plus ou moins informelles, comme celles qui rassemblent les BRICS. Mais il semble que sa stratégie soit en passe d'évoluer, à en croire certaines publications du club Valdaï, peu suspect d'être dans l'opposition au Kremlin. Les Russes reviennent vers les institutions multilatérales auxquelles participe l'Occident car au fond, ce qui fait de leur pays une grande puissance est son droit de véto au Conseil de sécurité. Diminuer le pouvoir de ce Conseil diminue l'emprise de la Russie sur les affaires du monde.
Le discours des Russes sur les sanctions est très ambigu. D'un côté, ils les exhibent comme un signe d'hostilité à leur endroit, de l'autre, ils louent leur utilité pour leur économie, qui se trouve ainsi stimulée puisqu'il leur faut développer des substituts aux importations. Quant à l'embargo, comme il a été décidé par le gouvernement russe, aucun chiffre n'est publié sur son coût. D'ailleurs, les Russes ne parlent que des sanctions occidentales. Et une certaine confusion règne : beaucoup d'entre eux croient que l'embargo leur est aussi imposé par l'Occident. Il est vrai que dans certains secteurs, comme l'agroalimentaire ou l'industrie pharmaceutique, des aides d'État permettent à des entreprises russes de profiter de la situation pour développer des substituts locaux aux produits d'importations. Mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Ainsi, les races bovines présentes en Russie ne permettent pas de produire de bons fromages. Les substituts portent donc le nom de « produit ressemblant à » ou « à base de » fromage... Et des substances nocives sont parfois utilisées : la consommation d'huile de palme a explosé depuis le début de l'embargo.
Le rapport du Conseil de la Fédération m'a surtout semblé être une occasion pour les Russes de faire la liste de leurs griefs contre l'Occident, d'une manière compacte, impénétrable, n'offrant pas la moindre place à la remise en question de soi-même et de son comportement. Alors que la Russie distinguait en général entre Europe et États-Unis, elle enfonce pour la première fois un coin dans l'Union européenne en critiquant les actions de l'Allemagne en son sein, et notamment sa gestion de la crise migratoire, qu'ils qualifient d'égoïste, en mettant en relief les conséquences des décisions allemandes sur les autres États membres.