Intervention de Tatiana Kastouéva-Jean

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 février 2017 à 10h00
Audition conjointe sur la russie de M. Thomas Gomart directeur de l'institut français des relations internationales ifri et de Mme Tatiana Kastouéva-jean directrice du centre russie-cei de l'ifri

Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie-CEI de l'IFRI :

Dans une note sur les facteurs intérieurs de la politique extérieure russe, je soulignais qu'après la chute de l'Union soviétique, les Russes n'ont pas eu la même relation avec la paix, puisqu'entre la guerre de Tchétchénie et le terrorisme massif, ils n'en ont pas connu les dividendes. Les préoccupations sécuritaires peuvent être légitimes, mais leur sens a dérivé vers une assimilation entre sécurité du pays et sécurité du régime, et de la personne de M. Poutine : M. Volodine a déclaré au club Valdaï il y a deux ans que sans Poutine, il n'y avait pas de Russie. Prioritaires, les dépenses de défense augmentent dans l'opacité, au détriment des budgets de la santé publique ou de l'éducation.

Qu'est-ce que la souveraineté ? C'est, d'abord, la maîtrise du territoire et la préservation de son intégrité - pendant les années de transition, les Russes ont eu quelques frayeurs sur ce point. C'est ensuite la capacité à définir sa politique de manière indépendante. « Dieu soit loué, nous n'avons pas d'alliés », s'est un jour exclamé M. Poutine, se félicitant ainsi de n'avoir pas à tenir compte d'autres avis. En cas de problème, le multilatéralisme vole en éclat, la Russie prend ses décisions seule et ses alliés en sont informés par les journaux. C'était le cas avec l'instauration de l'embargo ou l'articulation entre le projet chinois de Route de la Soie et l'Union eurasiatique. Troisième aspect de la souveraineté : la capacité à organiser son voisinage proche sans avoir à composer avec des influences étrangères.

L'administration de M. Trump a donné des signes contradictoires sur le dossier ukrainien, affichant à la fois son soutien à l'Ukraine et sa volonté de renouer le partenariat avec la Russie. Du coup, chaque partie est tentée par l'escalade pour s'assurer la meilleure position de négociation possible. Les accords de Minsk sont bloqués, et l'on voit mal comment résoudre le problème. Pour Kiev, c'est une question de principe : céder sur le statut autonome du Donbass et l'organisation d'élections, c'est risquer d'être destitué par la rue. J'observe dans la presse ukrainienne une ébullition d'idées sur la manière de faire évoluer le processus de Minsk. Ainsi, l'ancien gouverneur de la région de Donetsk a proposé d'inviter les casques bleus à séparer les belligérants.

Les trois obstacles majeurs sont l'impossibilité d'assurer la sécurité sur les lignes de front, dans les Républiques autoproclamées, l'absence d'interlocuteur légitime du côté des séparatistes, puisque la Russie considère le conflit comme une guerre civile à laquelle elle n'est pas partie, et surtout le manque total de confiance entre les deux parties de l'Ukraine, puisque chacune se considère comme trahie. Il est vrai que Kiev a adopté une approche punitive au lieu de créer des liens avec la population de ces régions.

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