Intervention de Rémy Pointereau

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 9 février 2017 : 1ère réunion
Audition de M. Alain Lambert président du conseil national d'évaluation des normes cnen sur le bilan et les perspectives de la simplification normative

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Les efforts de simplification ont été nombreux, depuis des années, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, car ce sujet nous préoccupe beaucoup. Divers travaux ont été conduits par MM. Doligé, Vial, Mouiller, Calvet et Daunis, sans oublier M. Richard. Et les ministres successifs chargés de la simplification ont agi, parfois même en lançant un choc de simplification.

Chaque jour, nous vidons l'océan avec une petite cuiller. Mais il se gonfle aussi en permanence de nouveaux textes : au Journal officiel d'hier, pas moins de 86 textes réglementaires - mais aucune loi, remarquons-le. On ne peut pas continuer comme cela, et nos concitoyens ne comprendraient pas que nous n'accélérions pas le mouvement. Il nous faut passer d'avancées ponctuelles à une évolution générale de notre culture politique et administrative. Comment limiter le poids des normes et du droit alors que nos écoles de hauts fonctionnaires forment essentiellement des juristes ? Ceux-ci devraient surtout savoir évaluer le coût d'un texte, et son efficacité. Aussi conviendrait-il de renforcer le volet économique de leur formation. Nous pourrions aussi réfléchir à des manières d'évaluer la sobriété normative d'un fonctionnaire, voire d'en faire un paramètre de sa rémunération.

Le groupe de travail sur la simplification de l'urbanisme a déploré l'effet cocktail des normes. Hélas, le président de l'Assemblée nationale a signifié hier au président du Sénat que notre proposition de loi sur les règles d'urbanisme ne pourrait pas être examinée avant la fin de la session. Ce n'est même pas avec une cuiller, mais avec un dé à coudre que nous vidons l'océan...

Comme pour les trains, une norme peut en cacher une autre. Les textes pris par des administrations qui ne communiquent pas entre elles font peser un fardeau épuisant sur les épaules des élus. Une action interministérielle s'impose pour limiter cette prolifération. À cet égard, je soutiens la proposition d'installer dans chaque ministère un référent sur ce sujet. Et nous devrions créer pour cela un programme spécifique dans le budget, assorti d'indicateurs, auquel le CNEN serait associé. Je souhaite aussi que la proportionnalité soit introduite dans la Constitution, au besoin en utilisant le mot « adaptabilité ».

Et le processus de production des normes doit évoluer. Pour réduire le stock, il faut à la fois fermer le robinet et ouvrir la bonde. Autrement dit, nous devons systématiser les études d'impact, et celles-ci doivent évaluer la simplicité du texte, son coût et toute éventuelle surtransposition. Déjà, nous avons adopté récemment un projet de loi constitutionnelle contre la surtransposition, il prévoit qu'une norme soit supprimée pour toute norme créée. Comme l'a rappelé M. Placé le 26 janvier dernier, la qualité des études d'impact croîtra lorsque leur examen sera confié à une instance indépendante du pouvoir exécutif, comme cela se fait en Angleterre ou en Allemagne. Le Sénat a aussi son rôle à jouer, notamment en diffusant une culture de la sobriété, et d'abord dans la production des amendements.

Ouvrir la bonde, c'est généraliser l'expérimentation et accepter de ne pas retenir les textes lorsque celle-ci n'est pas concluante. C'est aussi insérer dans les textes des clauses de réexamen, ou d'abrogation automatique après quatre ou cinq ans si la loi n'est pas entrée en vigueur, comme au Canada, en Angleterre ou en Allemagne. C'est enfin évaluer l'adéquation de chaque texte avec les intentions du législateur. Le vrai choc de simplification serait de déclasser massivement, en mobilisant l'article 37 de la Constitution.

L'importance du stock de normes justifie un vaste programme d'évaluation a posteriori des dispositifs dans des secteurs prioritaires pour les collectivités locales. Ainsi, la commission de révision des lois du Canada réexamine régulièrement leur contenu. Notre délégation pourrait se positionner sur ce sujet ; les élus locaux nous en seraient reconnaissants. Sinon, le choc de simplification du Sénat ne fonctionnera pas non plus !

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