En ce qui concerne la TVA, les écarts ou pertes sont estimés à 193 milliards d'euros à l'échelle de l'Union européenne. Ces pertes ne résultent sans doute pas toutes de fraudes, il peut également s'agir de faillites ou d'autres facteurs. Mais la fraude en est une cause majeure. Un effort est donc nécessaire, et même si des avancées sont possibles au niveau de l'Union européenne, c'est aux États membres de réaliser l'essentiel de cet effort. Certains États membres ont pris en ce sens des mesures efficaces : le Portugal, par exemple, a complétement réformé et informatisé son système de collecte de TVA, de manière à rendre immédiatement disponibles les données de chaque opérateur. Il est ainsi possible d'en faire un audit automatique. Il y a donc au moins un bon élève parmi les États européens, dont l'exemple pourrait être utile aux autres. Une évolution est également possible au niveau de l'Union, notamment par l'extension du mécanisme de réaction rapide et du système d'auto-liquidation, efficace contre le phénomène proprement européen qu'est la fraude « carrousel ».
J'en viens à votre question spécifique touchant le commerce électronique et la TVA. Comme je l'ai dit, nous travaillons à élaborer un régime de TVA définitif, qui porte notamment sur la manière dont la TVA devra être payée. Nous allons par ailleurs publier un livre blanc sur le sujet. Il se produit parfois des ruptures de la chaîne de paiement. On y remédiera, je le répète, par l'instauration d'un régime de TVA définitif. L'enjeu porte sur 900 milliards d'euros de recettes fiscales pour les États membres : nous n'avons tout simplement pas le droit à l'erreur dans nos propositions.
Le « mini-guichet » unique entrera bien en vigueur, comme prévu, en janvier 2015. Il ne me semble pas qu'une période de transition ait été prévue. Le Luxembourg se prépare activement à cette évolution afin de ne pas perdre de recettes.
Pour ce qui est des rulings, nous nous efforçons d'utiliser tous les instruments de lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscales à notre disposition afin de garantir le respect des règles de concurrence. Je travaille en bonne intelligence avec mon collègue Joaquin Almunia. Il a demandé les informations concernant les règles fiscales en vigueur dans chacun des pays et territoires que vous avez cités ; n'ayant pas reçu suffisamment d'informations du Luxembourg, il a posé ces questions une nouvelle fois. Nous en sommes encore à l'étape préliminaire de la procédure d'infraction ; nous recueillons toutes les informations possibles en la matière. Nos experts vont évaluer les règlementations fiscales spécifiques à chaque pays, et des décisions seront prises sur la base de ces évaluations. Nous analysons également le problème des « patent boxes », ces régimes fiscaux favorables pour les droits de propriété intellectuelle, au regard des règles sur les aides d'État. Comme vous le voyez, la commission a commencé à passer en revue toutes les questions fiscales, en s'appuyant sur tous les instruments à sa disposition.
Sur le problème de l'économie numérique, oui, nous sommes très sérieux ; nous disposons pour cela d'un groupe d'experts de haut niveau, où la France est représentée par Pierre Collin. J'en attends des recommandations très constructives, sur la base desquelles nous ferons des propositions.
Cela m'amène à la question de M. Yung. En effet, aux États-Unis, les bénéfices non rapatriés ne sont pas soumis à l'impôt. Nous ne pouvons pas changer les lois américaines, pas plus que les Américains ne peuvent changer les nôtres ; mais il s'agit bien d'une sorte de subvention indirecte pour les entreprises à chercher des investissements hors des États-Unis pour éviter d'être imposées aux États-Unis. Un autre problème majeur tient à la difficulté de contrôler les accords sur l'imposition entre les pays membres de l'Union et des pays tiers ; certains de ces accords permettent aux dividendes d'échapper à l'impôt. Le règlement de ce type de problèmes fait partie du travail de l'Union européenne et de celui de l'OCDE.
Vous avez abordé la question de l'allégement d'impôt français en faveur de l'investissement immobilier. Il s'agit en fait des investissements immobiliers de résidents français dont le traitement fiscal serait différent de celui appliqué aux non-résidents français, ou d'investissements faits par des Français hors de France. Le traitement fiscal est donc différent selon que l'on est en France ou ailleurs. Selon la Commission européenne, il s'agit là d'une violation des règles du traité concernant la libre circulation des capitaux. C'est pourquoi nous avons décidé de lancer une procédure d'infraction à ce sujet, qui en est actuellement au stade de la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Vous avez également soulevé le problème de l'octroi de mer. Le régime actuel est en vigueur jusqu'au 1er juillet 2014, et la Commission a proposé de le prolonger temporairement jusqu'au 1er janvier 2015. Le Conseil a été saisi de cette proposition et doit prendre une décision. De nombreux produits sont couverts par ce régime, qui comprend de nombreux taux ; il convient de distinguer entre les produits pour lesquels ce régime est justifié, et ceux pour lesquels il ne l'est pas. Nous devons donc collecter un grand nombre d'informations afin de décider s'il est opportun de proroger cette dérogation à titre transitoire ou non.