Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 janvier 2013 : 1ère réunion
Économie finances et fiscalité — Démocratisation de la zone euro - réunion interparlementaire du 11 janvier à luxembourg - communication de m. simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président :

Richard Yung rentre de la « semaine européenne » organisée par le Parlement européen, où il nous représentait. Quant à moi je me suis rendu, au nom du président du Sénat, à la réunion des présidents des parlements des six pays fondateurs. Je commencerai par vous en faire le compte rendu.

Comment démocratiser la gouvernance de la zone euro ? Le Parlement européen souhaiterait assumer un rôle pilote, mais les choses sont compliquées : le Royaume-Uni et la République tchèque n'ont pas signé le traité ; sur les 25 signataires, seuls 17 sont membres de la zone euro ; et la commission des affaires économiques et monétaires est présidée par... une eurodéputée britannique !

Les parlements nationaux eux aussi souhaitent jouer un rôle. Les membres fondateurs ont élaboré à Luxembourg un document de travail, dans la perspective de la réunion des représentants des 27 parlements qui se tiendra à Nicosie le 27 avril prochain.

La gouvernance de la zone euro a été transformée en profondeur pour tirer les leçons de la crise. Le six-pack et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ont considérablement renforcé la surveillance européenne et mis en place une coordination bien plus étroite des politiques économiques et budgétaires. Au plan institutionnel, cette évolution s'est traduite par le rôle accru des sommets de la zone euro et la mise en place du « semestre européen » pour coordonner les politiques.

Lorsque l'on partage une même monnaie, les économies deviennent plus interdépendantes, tandis que les dérapages financiers des uns ont de lourdes conséquences pour les autres. Une plus forte intégration de la zone euro était donc justifiée. Mais les solutions retenues présentaient des déséquilibres : la rigueur budgétaire et les cures d'austérité simultanées ont inévitablement un impact récessif. Aussi la France a demandé et obtenu l'adoption des mesures du pacte pour la croissance. Quant à la BCE - et ces décisions de Mario Draghi ont constitué une importante évolution - elle rachète désormais des titres de dettes sur le marché secondaire pour contrer l'envolée des taux d'intérêt ; elle a accordé aux banques toutes les liquidités nécessaires pour faire face à la dégradation de leurs bilans. Si bien que l'année 2013 s'annonce difficile, mais moins qu'on aurait pu le craindre.

Au plan politique, les nouvelles procédures intergouvernementales, issues de la crise, ont pour effet de marginaliser les parlements, tant européen que nationaux. Au « vide institutionnel » de la zone euro répond le déficit démocratique. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont réagi par l'adoption de résolutions européennes. Il faut mettre en oeuvre l'article 13 du TSCG qui prévoit une Conférence interparlementaire compétente pour les questions de coordination économique et budgétaire.

À l'origine, l'article 13 ne mentionnait la participation que des commissions des finances ; désormais il s'agit des « commissions concernées ». C'est une avancée.

Les processus intergouvernementaux - Eurogroupe, sommets de la zone euro et « semestre européen » - étant consolidés, il est grand temps de développer la gouvernance parlementaire de la zone euro et la coordination des politiques nationales.

Les règles concernant le déficit s'imposent à tous. Espérons seulement qu'elles ne seront pas appliquées à la manière d'un radar automatique. Quant à la coordination des politiques, il s'agit d'un processus évolutif, sous le contrôle et avec la participation des parlements, car ce sont eux qui adoptent les politiques économiques et budgétaires des différents États.

Comment se déroule la procédure de coordination ? En fin d'année, la Commission européenne publie un examen annuel de croissance ; en mars, le Conseil européen adopte des orientations politiques ; en avril, les États membres présentent leurs programmes de stabilité et leurs programmes nationaux de réforme (PNR) ; en juin, le Conseil européen approuve des recommandations spécifiques pour chaque pays, qui doivent former un ensemble cohérent. Il est enfin prévu - mais le texte n'est pas encore adopté - que la Commission puisse intervenir au mois de novembre si elle estime que les projets de budget en discussion s'écartent des orientations communes. Ce processus présente deux faces, l'une nationale - dans laquelle la commission des finances mène le dialogue avec le gouvernement - et l'autre européenne, où notre commission a son mot à dire.

Le Sénat pourra s'exprimer lors des débats préalables aux Conseils européens de mars et de juin, mais cela ne suffit pas. Comment des parlements nationaux travaillant séparément parviendraient-ils à contrôler efficacement des gouvernements qui travaillent ensemble ? D'où la Conférence interparlementaire instituée par l'article 13 du TSCG.

La mise en oeuvre de cet article soulève toutefois des difficultés. Le Parlement européen a fait pression sur les autres institutions européennes pour les persuader qu'il lui revenait, à titre principal, d'assurer le contrôle parlementaire de la nouvelle gouvernance. Pourtant, le TSCG n'est pas un traité de l'Union européenne ; tous les États membres ne l'ont pas signé, il s'applique à partir de seulement douze ratifications ! Par ailleurs de nombreux parlements nationaux invoquent leur compétence budgétaire et la nécessité, en conséquence, d'être associés directement au débat. En outre, comment le Parlement européen, qui représente indistinctement les 27 États membres, pourrait-il parler au nom des 17 pays de la zone euro ?

Deux initiatives ont été prises pour assurer l'association des parlements nationaux, sans empêcher bien entendu le Parlement européen de jouer tout son rôle. La première émanait du parlement danois, qui a organisé une réunion en novembre dernier, à laquelle onze parlements étaient représentés et qui a abouti à l'envoi d'une lettre à M. Van Rompuy. Ce dernier s'étant borné à faire une réponse polie, le parlement danois envisage une nouvelle réunion au mois de mars. Je ne crois pas pour ma part que le Conseil européen soit l'instance appropriée pour régler le problème.

Parallèlement, le parlement du Luxembourg s'est adressé aux présidents des parlements des six pays fondateurs et du Parlement européen. Une réunion, où je représentais le président Bel, s'est tenue le 11 janvier et s'est conclue par un document de travail qui sera soumis à la prochaine réunion des présidents de parlements, en avril prochain.

Ce document réclame la mise en oeuvre de l'article 13 du TSCG par l'institution d'une Conférence interparlementaire chargée d'examiner l'ensemble des questions traitées lors du semestre européen, d'auditionner les responsables des différentes institutions européennes, d'adopter des contributions. Le document prévoit d'aligner la composition de la Conférence sur celle de la Conférence interparlementaire sur la politique étrangère et la défense qui a pris la suite de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) - soit six parlementaires par État membre et seize parlementaires européens.

Ce document est une bonne base. Il incluait certes la revendication d'une commission propre aux membres de la zone euro au sein de la Conférence, point retiré dans des conditions obscures, à la demande du Parlement européen... Cependant, je ne suis pas un adepte de la « guéguerre » entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Du reste, qui empêchera les parlementaires de la zone euro de se rencontrer avant les réunions plénières ? Retenir la formule de compromis du 6+16 pour la Conférence interparlementaire prévue par le TSCG est une solution sage, qui nous donne un cadre, et un espace d'expression. L'essentiel est que cette Conférence soit créée rapidement pour que les échanges entre nos parlements aboutissent à une expression collective sur les questions économiques et budgétaires européennes, notamment au sein de la zone euro. Car elles ne peuvent être laissées à la seule discrétion des gouvernements et de la Commission.

Le président du Parlement européen, représenté à Luxembourg par un vice-président autrichien, Othmar Karas, peu souple, a fini par signer ce document de travail qui donne chair à l'article 13 du traité. Signature accordée en contrepartie du retrait, je l'ai dit, du point relatif à une commission propre aux pays membres de la zone euro. Mais, comme nous l'avons dit, rien n'empêche les 17 de se réunir...

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